Bio régional: Silence ça pousse ?
"Au niveau national, trois consommateurs sur quatre consomment du bio une fois par mois. Sils en prenaient deux fois par mois, ça doublerait le marché », senthousiasme Christian Durlin, élu à la chambre dagriculture. La demande est là ! Pourtant, en région Hauts-de-France, loffre peine à suivre lappétit du consommateur. Certes la production locale grimpe dannée en année. Mais elle reste en queue de peloton des autres régions françaises. En Nord-Pas-de-Calais, le nombre dexploitations biologiques sélevait lan dernier à 344 soit 2,6% des fermes de la région selon Gabnor, association des agricultures bio du Nord-Pas-de-Calais. Un score très en-dessous de la moyenne nationale estimée à 6,5%. 9020 ha des surfaces agricoles utiles étaient cultivées en bio ou en cours de labellisation soit une hausse denviron un tiers par rapport à 2010.Pourtant, ces parcelles ne représentent encore que 1,1% de la surface agricole utile de la région. Des progrès indéniables mais encore en deçà des objectifs fixés par lEtat et la Région que devait atteindre la filière... avant 2012. Le dernier Plan bio régional engagé pour la période 2014-2020 ne sest dailleurs pas risqué à formuler des objectifs chiffrés. Dans les trois départements picards, 273 exploitations pratiquent lagriculture bio et les surfaces agricoles en conversion ont augmenté de 14,5% en 2015 selon les chiffres de lassociation Agriculture Biologique en Picardie.
Nombre d'exploitations engagées en bio France : 28725
Hauts de France : 617
Surface agricole utile dédiée au bio France : 5%
Nord Pas de Calais : 1,1%
En outre, le label AB se développe de manière inégale sur les territoires. En 2015, lAvesnois concentrait à lui seul près de la moitié des surfaces en bio ou en cours de «conversion. Les filières maraîchères et laitières représentent une bonne part de la production régionale même si dautres secteurs ont entamé leur mue. « Sur la filière grandes cultures où les surfaces sont beaucoup plus importantes, la conversion progressive est de plus en plus présente », témoigne ainsi Simon Hallez, chargé de projets à Gabnor. Longtemps antagonistes, le bio associé à lorigine à un mode de vie alternatif et lagriculture conventionnelle coexistent de plus en plus au sein dune même exploitation en conversion progressive.
« Pendant longtemps, beaucoup de gens abordaient lagriculture bio par conviction. Mais cela commence à toucher tous les professionnels. On sent quil y a un vrai marché qui apporte un certain nombre de débouchés et moins de volatilité », constate Christian Durlin. Avec la fin des quotas laitiers, le bio ouvre des perspectives plus sécurisantes et une plus grande stabilité des prix dans un marché où la demande augmente plus vite que de la production. « Dans la filière laitière, on est sur deux systèmes différents. Un qui privilégie le rendement et la recherche de performance. Un autre dans lequel des éleveurs vont rechercher plus de valeur ajoutée. Pour ce type déleveur, la filière reste une vraie réponse. Cest un marché en croissance à deux chiffres depuis des années », affirme Simon Hallez.
"On sent quil y a un vrai marché qui apporte un certain nombre de débouchés et moins de volatilité", Christian Durlin élu à la Chambre régionale dagriculture.
Opportunité économique
Le bio est donc devenu une vraie opportunité économique. Sa consommation se propage à un spectre sociologique désormais très large. Cette diversité se reflète dans les circuits dachat, de distribution de plus en plus segmentés et dans les gammes de prix sur les étals. La vente directe reste un vecteur majeur de la commercialisation de la production régionale. « Historiquement, les producteurs bio ont davantage vendu en vente directe, vu quil ny avait pas de filières. Le paysan bio est en recherche de reconnaissance de son métier par le consommateur », souligne Simon Hallez. Lengouement pour les AMAP ou les potagers dinsertion nest pas en passe de retomber. Ou des magasins créés à linitiative de producteurs locaux mais pas nécessairement dédié aux produits issus de lagriculture biologique.
Certaines coopératives, tournées à lorigine vers lagriculture conventionnelle, ont diversifié leurs offres face à la demande de la grande distribution. 5% des fruits et légumes brassés par le Marché de Phalempin proviennent du bio. Dautres, à linstar de Norabio, se concentrent à 100% sur la commercialisation du bio pour une clientèle de magasins spécialisés. Biocoop, pour le plus connu dentre eux, tend à relocaliser ses approvisionnements en local. Lenseigne BBG (Bon Bio Gourmand) a ouvert en novembre son deuxième supermarché bio sur la métropole lilloise (ECO121 n°60) ou encore le réseau de magasin Bio cbon et Harmonie Nature.
Défi technique
Alors pourquoi ce retard ? Par nature, le passage au bio représente un vrai défi technique. En particulier dans une région froide et humide plus favorable au développement de maladies et à lenherbement, les deux bêtes noires du producteur bio. «Il y a moins de charges avec les intrants et les produits sanitaires. Si on produit moins mais vend plus cher, on se retrouve avec des marges équivalentes. Mais le risque est plus important. Techniquement, cest plus difficile de faire du bio que du conventionnel», remarque Christian Durlin. Et pourtant lécart de rendement entre ces deux pratiques samenuise au fil des années. Dans la région, la culture du blé en bio rapporte en 50 à 60 quintaux par hectare contre 80 dans lagriculture conventionnelle. Les contraintes techniques, notamment le désherbage, rendent la filière gourmande en main duvre. Or, la généralisation du bio expose la filière à une pression concurrentielle. La question de la compétitivité des exploitations se pose comme partout ailleurs. En France, lagriculture bio nécessiterait 60% demplois de plus que lagriculture conventionnelle. Lenjeu de sa mécanisation voire de sa robotisation est donc majeur. Dans le Béthunois, lentreprise Terrateck développe des solutions techniques pour les petites exploitations de maraîchage. Sur les grandes cultures, lusage de houe rotative, de herse étrille ou de bineuse est indispensable. Certains outillages ont été spécifiquement développés pour la culture biologique. Le désherbeur thermique consume les mauvaises pousses sur la surface du sol. Le Bed weeder, chariot autotracté, permet aux ouvriers agricoles de désherber en position allongée. Des outils dont lusage est mutualisé en coopérative. «Le but est davoir à disposition des outils performants pour réussir les cultures et baisser les coûts de main duvre », témoigne Sébastien Lemoine, cultivateur de légumes en plein champ à Gouzeaucourt dans le sud C
ambrésis. « Sur loignon on peut avoir entre 300 et 600 heures de main duvre à lhectare et sur la carotte on se situe entre 300 et 350. Sans brûleur thermique, on passerait facilement à 900 heures ». Les projets de recherche menés dans lagriculture de précision par le Pôle légume régional et lISA-HEI auront des répercussions sur les futures évolutions de lagriculture bio. Idem pour la chaire agromachinisme récemment inaugurée par linstitut polytechnique LaSalle Beauvais. Tout comme le développement dantifongiques naturels et biodégradables en alternative aux produits phytosanitaires.
Le bio créé 60% demplois en plus que lagriculture conventionnelle
Commande publique locavore
La restauration collective constitue un levier de croissance non négligeable pour la fillière. Pourtant, les produits bio cherchent timidement leur place dans une commande publique de plus en plus tournée vers le locavorisme. Soucieuses de valoriser la production locale, les collectivités ne considèrent pas la consommation de produits issus de lagriculture biologique comme une fin en soi. En mars, le Sénat rejetait dailleurs la proposition de loi visant à imposer 20% de produits bio dans les cantines dici 2020. « Nous avons des agriculteurs engagés dans des démarches et qui acceptent de faire évoluer leur production même sans être dans le bio. Je ne suis pas partisan de stigmatiser les producteurs non bio contre les bio», précise Bernard Delaby, vice-président espace rural et économie agricole à la Métropole Européenne de Lille. Sur la métropole lilloise, 75 000 à 80 000 repas quotidiens sont distribués dans les écoles primaires et maternelles placées sous sa responsabilité. «La MEL participe à laugmentation de la consommation bio dans nos cantines. Aujourdhui nous devons être entre 15 et 20% de produits bio sur la plupart dentr eelles», revendique Bernard Delaby. A Wavrin, la MEL est en train de mettre à disposition 40 ha pour des maraîchers (lire encadré ci-dessus). Signe des temps, seuls des candidats bios se sont présentés.
Idem pour le conseil départemental du Nord. En décembre 2015, les élus ont adopté une délibération cadre sur une politique dapprovisionnement local des cantines des collèges, maisons de retraite et maison de lenfance. Des structures autonomes mais dont la collectivité fixe le prix de 125 000 repas quotidiens servis aux usagers. « Nous avons constaté que le développement de la filière bio est inégal dun territoire à lautre », indique Patrick Valois, vice-président à la ruralité au Conseil départemental du Nord. La collectivité vise avant tout à valoriser lidentité et la production locale. Je ne peux pas dire quon va passer à 20% en bio sachant que ce nest pas possible dans certains territoires. Ce quon ne veut pas cest définir un pourcentage dapprovisionnement en bio et sapercevoir que le produit provient dune autre région du monde, raisonne Patrick Valois. Les obstacles semblent encore nombreux mais ne contredisent pas cette tendance de fond qui se confirme tous les ans : le bio séduit de plus en plus consommateurs et agriculteurs. En 2015, les ventes du bio ont grimpé de 15% pour atteindre 5,76 Mds. Les efforts engagés à tous les échelons de la filière devraient finir à terme par vaincre les dernières réticences. Signe de ce changement : François Hollande inaugurait début mai la première halle bio de Rungis, une cathédrale dédiée de 5600m2.
Texte E.V/ Photos Gabnor
Ces articles peuvent également vous intéresser :
Notre tissu de Pme re?gionales s'est fragilise? en dix ans
Re?gion. Une e?tude statistique exhaustive mene?e par BPCE sur les ETI et PME franc?aises montre un retard pre?occupant dans notre re?gion, spe?cialement en Picardie.
Tim va supprimer 20% de ses effectifs
Quae?dypre. Le fabricant de cabines d'engins agricoles et de chantier fait face a? une forte contraction de son marche? qui pourrait lui cou?ter 125 emplois.
Expert Habitat veut doubler en trois ans
Avesnes-les-Bapaume. Le spe?cialiste de l'amiante s'adosse a? Nord Capital Partenaires pour acce?le?rer sa croissance, et passer de 85 a? 150 salarie?s en 2018.
Musthane re?volutionne le de?senlisement des ve?hicules
L'entreprise de Willems afiche déjà un portefeuille de 40 brevets
Sofrigam monte en re?gime
Monchy-le-preux. Le fabricant d'emballages re?frige?rants pour le transport de produits de sante? veut passer de 18 a? 30 M de chiffre d'affaires a? court terme.
Les 35 heures sont un ve?ritable fiasco
Questions à Olivier Viard, directeur général délégué de Benalu.
U-Exist met de la vie dans les prothèses
Simon Colin. Ses prothèses customisées transforment en profondeur la perception du handicap.