Frédéric Cuvillier : "Boulogne s'affirmera comme le cœur de la Côte d'Opale"

 

 

Comment voyez-vous l'agglomération boulonnaise dans cinq ans ?

Nous sommes dans une période de mutation profonde. Un certain nombre de projets sortent de terre. Ce qui a été pensé en amont et anticipé va trouver concrétisation tant d'un point de vue économique qu'urbanistique. Que ce soient le grand Nausicaa, l'extension du coeur d'agglomération par la place de la République, les enjeux d'investissements sur la zone Capécure, nous commençons à sentir les effets d'une politique concertée sur le Boulonnais. Boulogne sera au rendez-vous par le niveau d'investissement que l'on connaît aujourd'hui et par les projets qui se dessinent. Boulogne s'affirmera comme le coeur de la Côte d'Opale.

Vous misez beaucoup sur le développement touristique. Cela suffira-t-il à remplacer les pertes d'emplois industriels ?

Pas que sur le tourisme ! Lorsque nous investissons 32M€ sur le port dans un programme qui court jusqu'en 2020, c'est bien que nous boostons le territoire sur ce qui est aussi son point fort : la transformation des produits de la mer et la logistique. C'est du lourd mais il faut de la diversification. Ce territoire regorge d'atouts touristiques mais dispose de capacités d'accueil et d'activités insuffisamment développées. Quand vous avez un centre de thalassothérapie qui souhaite s'installer et qui vous promet 130 emplois directs et autant en indirects, cela mérite réflexion. La résidence service et la résidence hôtelière à elles deux font 40 emplois. Evidemment il y a de la destruction d’emplois, mais aussi de la recomposition.

Quelles sont vos ambitions sur le numérique ? Une simple adaptation à l'air du temps ou la volonté de devenir une référence?

Ce qui est certain c'est que les territoires qui perdent du temps sur ces enjeux là sont ceux qui auront d'autant plus de difficultés à rester accrochés au train de l'économie. Nous sommes dans le peloton de tête des villes moyennes sur ces problématiques. Nous souhaitons non seulement accompagner mais aussi impulser cette dynamique là. Cela va au-delà du maillage territorial. Il faut réinventer les métiers, les modes de communication, de logistique et d'organisation des flux économiques. Nous sommes plutôt un tissu industriel de moyennes entreprises voire de petites entreprises qu'il faut donc accompagner.

L'industrie a donc toujours un avenir sur le Boulonnais ?
Oui. Nous avons des tas d'entreprises qui sont des pépites de savoir- faire. La société Varlet, une entreprise de construction de machines spécialisée dans le domaine du poisson, se porte bien. Comme Himber Technologies, l'inventeur de mécanismes industriels ou encore le chantier naval Socarenam, quatrième de France et au carnet de commandes rempli au-delà de 2020. Ce sont des entreprises très discrètes mais ces exemples montrent qu'il y a à la fois du talent, de la créativité et de l'innovation. La matière grise est là.

D’autres territoires comme le Valenciennois ont lancé leur mutation économique depuis longtemps. Votre transition n'a-t-elle pas été lancée un peu tard ?

Tout est toujours trop tard mais on est toujours en avance sur l’avenir ! Si nous enclenchons des chantiers, c'est parce que nous avons la capacité de récupérer du foncier, d'avoir des mutations urbano-portuaires et de l'espace de coeur de ville qui va se libérer. Sans cela, vos projets ne peuvent pas exister. Pendant longtemps, nous n'avons pas été propriétaires de la gare maritime. Il a fallu des années de démarches pour acquérir le site de l'Eperon, déclasser une partie du territoire et permettre d'être l'objet d'investissements. C'est du temps utile mais pas visible. Nous sommes dans la période où les projets sortent et nous ne les avons pas improvisés en deux ans de temps. Dès que nous avons pu réaliser nous l'avons fait. Je pense aux berges de la Liane, à ces grands chantiers de revalorisation et d'amélioration du cadre de vie. Nous avons mis nos fers dans les différents feux pour pouvoir être prêts.

Quel regard portez-vous sur le rapprochement des ports de Boulogne et de Calais ?
Ce n'est pas un secret que je n'étais pas favorable à la fusion des deux ports. Que s'est-il passé pour permettre le financement de Calais 2015 ? Les concessions des CCI exploitantes ont été fusionnées pour relancer une consultation à un délégataire nou- veau. C'est une chose. Mais ce qu'il faut, c'est une logique de complémentarité des trois ports de la façade maritime. A ce titre, Haropa [regroupement des ports de seine en Normandie, ndlr] est une structure très intéressante. Notre port a vécu au gré des vicissitudes d'une décentralisation totalement ubuesque des ports français par les lois Raffarin. Il faut des partenariats avec Dunkerque.

C'est aussi la logique suivie par Norlink Ports à l'échelle régionale... Quel rôle y jouera le port de Boulogne ?

Son rôle sera de s'imposer dans les domaines qui sont les siens. Boulogne a connu des crises portuaires successives avec des diminutions de sa flotte, la disparition du transmanche et un port de commerce exsangue. Nous voyons la reconstitution des capacités de pêche ; des initiatives existent. Reste la question du transmanche. Il faut que l'infrastructure portuaire soit à la hauteur. Des règles internationales existent sur l'accès au port. Je suis très dubitatif sur les grandes stratégies de modernisation de l'outil car c'est d'abord l'opérateur qui crée l'outil. De très beaux investissements ont été faits par exemple sur Bordeaux mais qui attendent encore la fréquentation économique et industrielle. A Boulogne, un “hub port” a été créé pour les besoins d'une compagnie, LD Lines, partie six mois après. La concession Port de Boulogne perdait à l'époque beaucoup d'argent. La délégation unique avec Calais a permis au Conseil Régional d'annuler la facture.

  Comment les flux devraient-ils se répartir entre les trois ports selon vous ?
C'est la vieille idée que nous pourrions fonctionner par spécialisation. Nous savons que ce n'est pas le cas. Ce sont les opérateurs qui décident s'ils fréquentent ou pas le port. L'important est que nous puissions être prêts au développement d'activités. Le port de commerce connaît une embellie importante. L'objectif d'un million de tonnes pour le commerce est affiché. Nous sommes cette année à 700 000 tonnes ce qui est une nouvelle année de progression de 10%.

Vous n'exercez plus de mandat national. N'est-ce pas plus compliqué de plaider la cause du territoire ?

Quand on a été ministre, on a tout ce qu'il faut pour ouvrir les portes là où elles seraient insuffisamment ouvertes. Je n'ai pas le sentiment d'avoir besoin de m'intéresser au parcours national. C'est d'ailleurs plutôt l'inverse. C'est parce que l'on va prendre en exemple ce qui se passe à Boulogne que l'on va attirer des initiatives nationales. Quand vous êtes parlementaire, vous êtes un parmi tous et dans une forme d'irresponsabilité statutaire. C'est beaucoup plus difficile d'être élu local et d'essayer de sortir des dossiers, d'être facilitateur d'initiatives privées. La politique politicienne ne me manque pas du tout. Je n'ai pas envie de faire perdre du temps à mon territoire.

Recueilli par Etienne Vergne

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