Interview de Jeremy Rifkin : Il faudra un engagement total et un peu de chance
L'économiste Jeremy Rifkin, chantre de la troisième révolution industrielle autour d'une nouvelle économie transversale de l'énergie (latérale, et non verticale), estime que l'on est déjà passé dans un nouveau paradigme, qui vient étayer sa théorie. Celle-ci s'articule sur cinq « piliers » interdépendants (énergies renouvelables, réhabilitation du bâti, stockage de l'énergie, développement de réseaux intelligents de l'énergie « les smart grids », et la mobilité électrique ou hybride) dont la convergence est supposée créer une dynamique globale. Il présage que la nouvelle économie de l'énergie va ni plus ni moins révolutionner le monde et générer du même coup emploi et croissance.
Comme Internet en son temps. « En 25 ans, Internet a révolutionné le monde, un tiers de la planète peut envoyer des vidéos dans le monde entier, et ce à un coût marginal minime », explique-t-il, se défendant de tout dogmatisme. « Ce n'est pas de la théorie ! Au Danemark et en Allemagne, des avancées considérables ont été réalisées ». Il érige d'ailleurs l'Allemagne en exemple emblématique, ce pays ayant rapidement atteint les 22% d'énergies renouvelables, et su enclencher une dynamique de filière d'économie verte et générer des emplois. Il ressuscite à sa manière l'idée du couple franco-allemand moteur de l'Europe. Pour lui, la France, berceau de leader mondiaux du BTP, de l'énergie, des nouvelles technologies, concentre tout le potentiel nécessaire pour amorcer cette fameuse révolution. Et ce, malgré son caractère particulièrement centralisé. Car certes, la culture est prégnante, mais pour l'Américain, quelle que soit sa nationalité, la génération de moins de 35 ans ne pense plus le pouvoir selon les antagonismes du XXe siècle : capitalisme versus socialisme, droite versus gauche, « des notions archaïques ». Mais elle aborde l'information, le travail, la vie, de façon collaborative et participative.
Point clé, Rifkin note un changement culturel très sensible depuis quelques années, tout particulièrement des chefs d'entreprises français, très présents au conseil régional pour les ateliers : « ils ont basculé et sont devenus moteur». Et une véritable appétence des acteurs régionaux pour le sujet : « Il faut voir la motivation dans les ateliers, cette région est en pleine ébullition!! et la volonté conjuguée de Philippe Vasseur à la CCI et de Daniel Percheron à la Région entraine un réel mouvement ».
Un modèle à générer rapidement
Interrogé sur le développement des gaz de schiste aux Etats-Unis, qui semblent redonner sens à l'économie des énergies fossiles qu'il récuse, il pointe du doigt une bulle amenée à éclater rapidement : « c'est une sorte de résurgence de la deuxième révolution industrielle, mais cela ne durera pas, les ressources sont limitées et leur exploitation est peu rentable. En 18 mois, chaque puits est exploité », poursuit-il. La révolution Rifkin ne risque-t-elle pas de se heurter à l'asphyxie financière du Vieux Continent ? Car l'économiste table sur la réhabilitation des 190 millions de bâtiments européens ! « De l'argent il y en a, tellement que les gens ne savent plus quoi en faire! C'est simplement que les investisseurs veulent un retour sur investissement. Qui voudrait miser sur de vieux modèles? »
Réponse à tout, Mr Rifkin? Plutôt. Convaincu, il prône l'espoir. « Qui voudrait se tourner vers le soleil couchant et une industrie qui se meurt, quand il peut regarder le soleil levant et ses promesses ? » S'il se veut positif, il refuse la naïveté. L'économiste prévient que cela sera difficile, qu'il faudra 35 ans et deux générations pour construire ces fameux réseaux de stockage et de partage de l'énergie, pierre angulaire du système. Et que pour cela, il faudra « un engagement total et un peu de chance». Et que les politiques jouent le jeu. « Le modèle est à générer le plus vite possible, surtout que le changement climatique avance plus rapidement que nous ne l'avions imaginé », conclut-il.
Texte : Marie Raimbault et Olivier Ducuing
Photos : Sébastien Jarry
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