Le bio sous pressions

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Tout le monde en veut ...ou presque! Le consommateur, les transformateurs, les cantines scolaires, la grande distribution... se l'arrachent. Plus la demande s'accroît, plus le produit se fait rare et très souvent cher. Qu'importe, marques et labels se multiplient, tandis que les importations explosent. De Belgique, de Hollande et d'Allemagne principalement, souvent de plus loin !

Dans le Nord-Pas de Calais, la production est loin d'avoir décollé comme beaucoup l'espéraient. La région figurait à la dernière place des régions bio en 1993... qu'elle conserve 17 ans plus tard ! Et ceci, malgré le plan pluriannuel de développement de l'agriculture biologique lancé à l'époque par Philippe Vasseur, ministre de l'Agriculture, et malgré plusieurs plans régionaux de développement soutenus par le Conseil Régional.

Après celui de 1994-1999 qui visait à faire passer le nombre de producteurs de 51 à 200, la région met les débouchés doubles pour la période 2000-2006 en dégageant une enveloppe d'un peu plus de 7 M€. Un deuxième plan ambitieux qui visait à "faire passer le nombre de producteurs de 100 à 500 et la superficie régionale de 1400 à 9000 ha" !

En 2010, le compte n'y est pas. Certains professionnels agricoles regrettent même que le dossier n'ait été abordé dès le départ qu'"avec une approche idéologique plus qu'économique". Ils osent même des ratios qui choquent : 15 techniciens pour à peine 200 producteurs : même l'agriculture conventionnelle n'a jamais été aussi gâtée !

Et aujourd'hui, le Nord-Pas de Calais, la Picardie, la Haute-Normandie et Champagne Ardennes figurent toujours aux derniers rangs du classement des régions bio.

"Il y a des facteurs structurels qui expliquent que le Nord-Bassin Parisien soit à la traîne", analyse Elizabeth Mercier. "Ces régions ont choisi d'autres modes de développement les destinant à des productions beaucoup plus intensives", fait remarquer la directrice de l'Agence Bio.

Des sommets qui frisent l'indécence !


Le Bio en chiffres

Fin 2009, on recensait 16 446 exploitations agricoles bio en France (+23,7%)
et 677 513 hectares de terres conduites en bio (+16%), soit 3,14% des exploitations agricoles françaises et 2,46% de la surface agricole utile (SAU) de la France métropolitaine.

Dans le Nord-Pas de Calais, on recensait 177 agriculteurs bio
pour une superficie globale de 3710 ha certifiés bio et 716 ha en conversion (soit au total 4426ha), ce qui correspond à 0,5% de la SAU.
En 2008, ils étaient 148 pour une surface totale de 3534 ha.

Bio, durable, éthique, responsable ou équitable...tout est bon donc pour séduire un consommateur en mal de sens et de repères, mais très attaché à la préservation de son environnement et de sa santé. Car 42% des Français consomment des produits bio. D'abord pour leur bien-être, mais aussi pour participer à leur façon à la préservation de l'environnement. Certains sont même convaincus que "manger bio permet de retrouver le véritable goût des produits". Aucune étude scientifique ne l'a encore démontré...

"Ca bouge dans toutes les régions de France. C'est une tendance de fond, une évolution structurelle", s'enthousiasmait Elizabeth Mercier lors du SIAD d'Agen, confirmant la pleine croissance du marché.

Même Lars Olofsson, le nouveau patron de Carrefour, déclarait récemment vouloir proposer au gouvernement la création d'un fonds de conversion à l'agriculture bio alors que son groupe est contraint "de se fournir à l'étranger pour plus de 50% de ses besoins en bio". Et de se déclarer prêt à doter ce fonds de 10 millions d'euros !

L'optimisme de la directrice de l'Agence Bio n'est pas partagé par tous. Pour les spécialistes de la fédération allemande de l'industrie alimentaire bio qui intervenaient en février dernier au salon international de Nuremberg, ce marché a atteint un pallier. Il est en train de se consolider en Allemagne, le pays précurseur. Alors quand l'Allemagne tousse, la bio s'inquiète !

Confusion chez le consommateur

Le Grenelle de l'environnement a fixé des objectifs ambitieux pour le développement harmonieux des filières bio françaises : passer de 2 à 6% de la surface agricole utile française de 2009 à 2012. Ce qui suppose de nouveaux soutiens de la part de la puissance publique. Pas facile, en ces périodes de rigueur budgétaire !

En 2009, 3769 nouvelles exploitations se sont engagées en bio en France. "Mais sans que l'on puisse noter une augmentation de prix à la consommation", rassure Elizabeth Mercier, contredite par le journal "Que Choisir". Dans son numéro de février, il estimait que "le prix des produits issus de l'agriculture biologique atteignent des sommets qui frisent l'indécence".

"On arrive aujourd'hui à une époque charnière où un changement d'échelle pourrait nuire au bio, comme aux produits issus du commerce équitable", fait remarquer Stéphane Comar, un des fondateurs d'Ethicable présent lors du dernier salon du développement durable à Lille en mai dernier.

Certains producteurs considèrent cette explosion du bio d'un mauvais oeil. La résistance s'organise, des producteurs se regroupent, de nouveaux labels apparaissent en s'appuyant sur des cahiers des charges plus complets, plus stricts, plus sélectifs, quitte à entretenir la confusion dans l'esprit du consommateur.

Ces producteurs n'admettent surtout pas "l'intrusion" de la grande distribution dans le secteur, relevant une totale incompatibilité dans les fondamentaux.
"La grande distribution a cassé les rapports avec les producteurs ; d'où un retour à la vente directe avec de nombreuses créations d'AMAP (associations pour le maintien d'une agriculture paysanne), du système de paniers, de groupements d'achats", souligne Marc Fichers, de Nature et Progrès Belgique.

C'est d'ailleurs une des explications du développement des AMAP dans le Nord-Pas de Calais. Car plutôt que de livrer la GMS, ce qui s'apparenterait à une véritable trahison, mieux vaut privilégier les circuits courts.

"La grande distribution a cassé les rapports avec les producteurs"
Marc Fichers, de Nature et Progrès Belgique.
Des acteurs historiques

L'industrie agroalimentaire s'engouffre dans le créneau. La grande distribution également. Et ceci d'autant plus que la bio est garante d'une valeur ajoutée assurée, de marges parfois confortables et souvent difficiles à trouver dans ces périodes de crise.

Dans la région, certaines entreprises agroalimentaires ont pris très vite le virage, mais restent encore trop peu nombreuses. Citons la brasserie Castelain avec la Jade, Cocorette avec sa production d'oeufs bio, Superdiet dans les compléments alimentaires ou Le Petit Cuisinier. Au moment de l'inauguration de ses nouveaux locaux, ce dernier annonçait "vouloir réaliser le quart de son chiffre d'affaires en plats cuisinés bio... à condition bien sûr que la production soit au rendez-vous d'ici 2013".

Quant à Mc Cain, numéro un mondial des frites surgelées, il vient d'obtenir la certification bio pour son usine de Beaumarais de Béthune, tout comme la jeune entreprise cambrésienne Sauces et Créations, présidée par Daniel Dessaint, tout récemment agréée Ecocert.

Un marché de niche

Même en plein boom, les produits bio restent encore un marché de niche. Ils représentent 3 à 4% du chiffre d'affaires de Pomona Terre Azur, distributeur spécialisé français qui vend 65 à 70% de ses fruits et légumes et produits de la mer dans la restauration hors domicile. Il fait partie de ces intermédiaires indispensables entre plateformes de regroupement de produits et la restauration collective ou les GMS.

Car le manque de volumes à distribuer et l'éclatement des réseaux de distributions des magasins spécialisés posent avec acuité la question logistique : comment assurer la distribution régulière de produits disponibles en faible, voire en très faible quantité à l'ensemble des opérateurs ?

La restauration collective (cantines et restaurants scolaires) tout comme les magasins spécialisés devront nécessairement s'appuyer sur ces opérateurs spécialisés.

"Nous nous heurtons à deux types de problèmes : d'abord trouver le produit en quantité et en régularité, puis organiser la logistique adaptée à de petits volumes", explique David Esperon de Pomona Terre Azur.

La restauration collective en guise de levier de développement

Les cantines se mettent elles aussi aux achats de proximité comme au bio. Que ce soit le Conseil Général du Pas-de-Calais ou celui du Nord, aucune des deux collectivités ne sépare le bio du local, conscientes que les volumes de la production régionale bio sont actuellement insuffisants. Mais la restauration collective constitue en parallèle un levier important de développement du bio et un premier débouché des producteurs en conversion. Et les cantines se mettent à l'heure des achats de proximité et du bio.

Le département du Nord a mené des démarches expérimentales d'introduction de produits bio dans une dizaine d'établissements scolaires volontaires. Une étude a également été conduite avec cinq ingénieurs de l'ISA (Lille) sur "les moyens de privilégier les ressources locales". Selon Jean-Marie Ryckeboer, directeur de l'enseignement au Conseil Général du Nord, on est encore au stade des expérimentations. Mais il n'exclut pas la création d'un groupement d'achats permettant de fournir les 170 collèges disposant d'une demi-pension.

Comment répondre au Grenelle de l'Environnement qui recommande que 20% du nombre de repas confectionnés dans les assiettes des écoles et des collèges le soient avec des produits bio ? L'équation sera difficile à résoudre. La production locale est incapable d'y répondre en quantité et en régularité d'approvisionnement.

Lire aussi : "Manger autrement dans nos collèges"

Faire du judo avec le code des marchés publics

"C'est une organisation qui ne peut qu'être progressive", explique Pascal Dupont, PDG de Dupont Restauration, "car si toutes les villes nous demandent un repas bio complet par semaine, nos fournisseurs ne suivront pas. Il faut avant tout parler de périodicité et surtout définir les familles de produits à mettre en oeuvre au fil des semaines", rajoute-t-il.

Les fournisseurs de la restauration collective n'hésitent donc pas à expliquer leurs sources d'approvisionnement, la localisation de leurs produits et jusqu'au nombre de kilomètres parcourus par leurs camions. "Nos logiciels adaptés nous le permettent", précise David Esperon. Et le responsable de Pomona Terre Azur de souligner les efforts menés par le groupe en faveur du développement durable notamment pour optimiser le remplissage des véhicules, leurs circuits ou l'approvisionnement local.

Un approvisionnement local et bio que n'autorise pas toujours le code des marchés publics. Le ministre de l'agriculture actuel a décidé de l'assouplir en 2010. Les professionnels sont plus explicites : "il va falloir faire du judo avec le code des marchés publics", expliquait un responsable politique au SIAD d'Agen. Dominique Delaere, chargé de mission au Conseil Général du Pas-de-Calais renchérit : "nos établissements travaillent actuellement en hors marché pour leurs approvisionnements inférieurs à 4000€ HT".

Une étape indispensable avant une montée en puissance progressive des approvisionnements en produits bio et locaux.

Lire aussi : La consommation du bio a un coût !

Le Bio et son image

"Peu importe l'aspect du produit, pourvu qu'il soit bio !". Les producteurs historiques ne demandent que cela : qu'il se distingue par son aspect ou par sa forme, tout en lui permettant d'approvisionner les circuits courts.
A l'opposé, Mathieu Duhamel, responsable de Vibio confirme que "l'intérêt de Vibio est d'avoir un produit identique qu'en conventionnel"

Tour d'Europe

L'Espagne fait toujours la course en tête. C'est le premier pays bio d'Europe en terme de superficie, devant l'Allemagne et l'Italie. Ce pays s'est tout de suite tournée vers l'exportation, mais qui commence à s'essouffler.

Les débouchés allemands se contractent, ceux des pays à croissance traditionnellement forte comme la Grande Bretagne ou les Pays Bas aussi.

En Wallonie, la part de la Bio s'est envolée ces dernières années pour avoisiner les 4,3% de la SAU, tandis qu'en Flandre, elle peine à atteindre les 0,6%, note Marc Fichers, secrétaire général de Nature et Progrès Belgique.

Au total, la Belgique compte 35 721 ha, 2,6% de sa SAU en Bio, soit 901 producteurs.

Si la demande est soutenue dans des pays comme la Hollande ou le Danemark (qui boit 10% du lait Bio) ou la France, elle peine à décoller en Espagne.

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