Recrutement, les Hauts-de-France sous tension

Textes: Sylvain Marcelli

 

Les uns après les autres, les signaux économiques passent au vert. Selon un bilan récent de l'Insee, les Hauts-de-France ont créé plus d'entreprises en 2016 qu'en 2015 (+2,2%) et l'emploi salarié a progressé (+1%). Et pourtant, le nombre de chômeurs continue à croître, avec près de 600 000 personnes inscrites à Pôle emploi. Et de plus en plus d'entreprises se plaignent de la pénurie de candidats. Un comble !

 

Fin 2016, 20,5% des employeurs de la région se disaient prêts à recruter cette année, anticipant un surcroît d'activité ou des départs en retraite (1). Pôle emploi recensait près de 135 000 projets de recrutement, soit une hausse de 10% en un an. Mais déjà, les entreprises anticipaient un "net rebond des difficultés d'embauche", dans tous les secteurs. Elles reprochaient aux candidats leur manque d'expérience, de formation ou de motivation. Elles redoutaient aussi une pénurie de CV.

 

Des métiers méconnus
Les conditions de travail et le niveau de salaire peuvent décourager les bonnes volontés, notamment dans le bâtiment ou l'hôtellerie- restauration. Le secteur des services à la personne en a pris conscience. "Je suis convaincu qu'en travaillant sur la qualité de l'emploi et la reconnaissance du métier, on n'aura plus de difficultés de recrutement", souligne Arnold Fauquette, gérant de la société Vivat à Lille.

 


Certains métiers peinent aussi à attirer par méconnaissance. "Avec l'arrivée du numérique et des robots, l'industrie a beaucoup changé mais les familles ne le savent pas", relève Patrick Colin, directeur général de l'AFPI, un organisme de formation créé par l'UIMM. "Nous avons beaucoup de mal à re- cruter des mécaniciens parce que le grand public ne connaît pas notre activité", pointe aussi Barbara Thesse, DRH du groupe Salti, spécialisé dans la location de matériel de BTP.

 

 

Des pratiques à changer
Une étude récente de France Stratégie (2) incite aussi les entreprises à faire leur autocritique. Selon cet organisme rattaché à Matignon, les employeurs n'anticipent pas suffisamment leurs besoins de recrutement. En s'y prenant au dernier moment, ils privilégient des "profils expérimentés", rapidement opérationnels, et laissent sur le bord du chemin les débutants et les demandeurs d'emploi en reconversion. Les chasseurs de tête se frottent les mains : cette pratique réduit le vivier disponible aux salariés déjà en activité et intensifie la guerre des talents. Mais dans la région, des acteurs (publics et privés) se mobilisent pour faire bouger les lignes. éco 121 est allé à leur rencontre. S.M.

 

 

 

 

 

 

 

DANS LE NUMÉRIQUE, "TOUT LE MONDE RECRUTE, TOUT LE TEMPS"

 

 

En plein boom, le numérique embauche massivement. Mais il se heurte à un déficit de candidats.

 

Le numérique, 19 000 salariés dans les Hauts-de-France, a le vent en poupe. Son chiffre d'affaires augmente de 6% par an en moyenne. Autre bonne nouvelle, il devrait créer près de 1 400 emplois nets par an d'ici 2020, selon une étude récente de la branche. Et pourtant, les dirigeants sont inquiets. Très inquiets.
"C'est plus compliqué que jamais de recruter, soupire Amaury Flotat, dirigeant d'AFG (150 salariés) et délégué régional du Syntec Numérique. La pression est terrible. Chaque collaborateur reçoit en moyenne sept offres d'emploi fermes par mois via les réseaux sociaux. Il n'y a plus de période d'essai, plus de CDD. Tout le monde recrute, tout le temps".

 

 

Moins d'un candidat par poste

 

Dans la région, une entreprise sur trois a renoncé à créer un ou plusieurs emplois au cours des douze derniers mois. "C'est encore plus difficile pour nous parce que les gens partent travailler dans d'autres régions", regrette Amaury Flotat. En pleine croissance, l'hébergeur OVH (2 000 salariés), installé à Roubaix, a d'ailleurs décidé d'ouvrir des bureaux à... Nantes, Bordeaux ou Brest, pour se rapprocher de candidats possibles. En moyenne, une offre d'emploi attire 0,6 candidat. " Tous les jeunes consomment du numérique mais rares sont ceux qui ont envie d'aller voir sous le capot, constate Nicolas Milhe, président d'IBM Services Center France (600 salariés à Lille). Beaucoup ont encore en tête l'image de geeks boutonneux cachés derrière des écrans. Les préjugés sont tenaces !"  Ecoles et universités alimentent la filière avec plus de 8 000 diplômés (bac+4 et plus) par an. Mais cela ne suffit pas.

 

"Invest in Digital People"
"Pour attirer du sang neuf, nous avons lancé Invest in Digital People", reprend Amaury Flotat. La cible : des demandeurs d'emploi motivés. La promesse : un CDI, après une formation de cinq mois. "Grâce à cette opération, 200 personnes vont retrouver du travail cette année, et ce sera davantage en 2018, se réjouit Thierry Chevalier, directeur régional du groupe SII. Nous avons créé ce nouveau vivier avec Pôle emploi et des donneurs d'or- dre comme Leroy-Merlin, Auchan ou Camaïeu".

 

En parallèle, des formations aux métiers du web sont proposées par la "Grande école du numérique", une initiative nationale qui fédère des écoles comme Simplon ou Pop- School. Pour renforcer la dynamique, le conseil régional a lancé fin septembre un appel à projets baptisé "école régionale numérique", doté de 1,5 M€. Guillaume Delbar, vice-président (LR) chargé de l'innovation, promet de "former des couteaux suisses du digital". Les employeurs les attendent avec impatience.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L'EMBAUCHE À LA CARTE SE DÉVELOPPE

 

Encore méconnue, la formule du groupement d'employeurs permet à plusieurs entreprises de se partager un salarié. Une autre manière de recruter.

Le principe du Groupement d'Employeurs ? Des entreprises recrutent ensemble les salariés dont elles ont besoin et les emploient à tour de rôle, quelques heures par semaine ou plusieurs mois d'affilée. La région est à la pointe de ce mouvement : Alliance emploi est le plus grand GE de France, avec 400 employeurs adhérents et 1 600 salariés.
"Cette nouvelle façon de travailler séduit ceux qui ont en- vie de changer régulièrement de mission ou de secteur d'activité, tout en ayant la sécurité d'un CDI, explique Karim Khetib, directeur général d'Alliance emploi. De leur côté, les sociétés adhérentes fidélisent des compétences, principalement dans l'automobile, la logistique, l'agroalimentaire ou la métallurgie".
Agent de fabrication à Valenciennes, ingénieur de production à Arras, électricien à Dunkerque, pâtissier à Boulogne- sur-Mer... Alliance emploi propose des dizaines de postes en CDD, en alternance et en CDI, sur sa plateforme Parta- job.com. Les compétences attendues sont à chaque fois décrites avec précision. "Chaudronnier, 8 personnes sur 10 ne savent pas ce que c'est, constate Karim Khetib. Diffuser une offre ne suffit pas, il faut informer et lever les a priori".

 

Former pour un retour à l'emploi
Certains groupements d'employeurs se focalisent sur les oubliés du marché du travail : ce sont les GEIQ - groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification. "Chaque branche professionnelle veut le sien parce que ça marche du feu de Dieu, affirme Laurent Vanackre, responsable du GEIQ BTP à Carvin. Nous signons en moyenne 200 contrats par an, surtout avec des jeunes de moins de 26 ans. Plus d'un tiers retrouve un emploi durable après une formation en alternance". Les chômeurs de longue durée, les allocataires du RSA, les travailleurs handicapés et les habitants des quartiers sensibles sont la cible prioritaire des GEIQ. Mais ce public qui cumule les difficultés reste difficile à toucher. "J'ai une dizaine de postes qui ont du mal à trouver preneur, dans le gros et second œuvre du bâtiment", confirme Laurent Vanackre. "Je vais recruter une dizaine de personnes, confirme Dominique Paccou, directeur du GEIQ rural des Flandres. Mais je sais que ce ne sera pas simple de trouver des gens motivés, ponctuels, qui ont l'envie de travailler." Il ne demande qu'à être démenti !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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