Xavier BERTRAND : “J'ai une obligation de re?sultats"

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Qu'est-ce qui vous a le plus surpris depuis un an a? la te?te de la nouvelle Re?gion?
Son potentiel. C'est la troisie?me re?gion de France, une vraie force e?conomique, des de?fis, des proble?mes a? solutionner, mais un grand potentiel. Quelques exemples : sans la grande re?gion, il n'y a pas le canal Seine Nord Europe car personne d’autre n'est en mesure de payer les 50 M€ supple?mentaires ne?cessaires. Sans elle, je n'obtiens pas un accord favorable sur les trains d'e?quilibre du territoire Paris-Amiens- Boulogne ou Paris-Saint-Quentin- Maubeuge Cambrai, ni la RN 2 au-dela? de l'Aisne, ni le de?mante?lement de la jungle de Calais. Je n'aurais pas obtenu le plan 500 000 formations qui m'a permis de former 43000 personnes de plus cette anne?e. Cela donne un poids e?conomique, de?mographique, d'influence, mais aussi bien su?r politique.

Vous e?voquiez Seine Nord. Comment re?agissez-vous a? l'annonce de la nomination de son pre?sident Re?mi Pauvros dans la Voix du Nord ?

L’État a e?te? incorrect. Il annonce une de?cision unilate?rale sans la moindre concertation contraire aux engagements pris par le Pre?sident de la Re?publique et le Premier Ministre Manuel Valls. Il a e?te? heureux de trouver la Re?gion pour faire l'effort supple?mentaire. Il ne peut pas faire cavalier seul et nous imposer ses de?cisions. Le coup de force du gouvernement fait mal a? la confiance. Je veux e?tre su?r qu'il ne nous pre?pare d'autres mauvaises nouvelles. Il veut placer un de?pute? socialiste. Sa fonction de pre?sident doit e?tre gratuite ou cela veut dire que c'e?tait un recasage. Je veux aussi un engagement ferme de l'e?tat sur ze?ro travailleurs de?tache?s sur le canal, en bordant les appels d'offre, les conventions. Troisie?mement, je veux la participation de l’État sur les plateformes e?conomiques, sans pe?ages ni impo?ts.

Vous vouliez aller vite en arrivant. La nouvelle Re?gion est-elle en ordre de marche?
Elle avance d'un bon pas. De nouvelles politiques ont e?te? mene?es, avec un plan d'urgence pour l'agriculture, l'aide au transport... A la fin du premier trimestre nous pre?senterons notre nouvelle strate?gie e?conomique, touristique, de nouvelles politiques Proch'emploi, de nouvelles actions de formation. Pourrait-on aller plus vite ? Humainement, je n'en suis pas su?r. J'ai indique? une dure?e de 15 mois pour avoir de?fini toutes les bases de la fusion. Je ne confonds pas vitesse et pre?cipitation, me?me si le plus impatient de toute la re?gion, c'est moi ! Mais je dois tenir compte des capacite?s d'adaptation et d'e?volution des agents a? qui on demande beaucoup, j'en ai conscience. Or nous sommes en train de re?volutionner l'approche et les politiques de la Re?gion. Elle intervenait surtout de fac?on indirecte, parlait surtout aux institutions ou aux tre?s grandes collectivite?s, avec une vision « macro ». Aujourd'hui elle agit directement au plus pre?s de la population, des entreprises, des petites collectivite?s. Je vois la ne?cessite?, du fait de la taille de la re?gion, de reconnecter macro et micro : « Think global, act local ». J'ai l'absolue conviction que la proximite? est essentielle.

Les re?ticences des Picards sont- elles aujourd'hui leve?es? Se reconnaissent-ils dans la nouvelle Re?gion?

Ils ne se sentaient pas tous concerne?s et implique?s par la re?gion Picardie quand elle e?tait localise?e a? Amiens, et c'est un Picard qui vous parle. Le sentiment d'appartenance dans le sud de l'Oise n'a jamais e?te? aussi fort qu'on l'aurait souhaite?. Amiens, qui a de formidables atouts, a eu le sentiment que la fusion allait l'ane?antir. A nous de faire la preuve du contraire. Il faudra beaucoup d'Amazon avant que l'espoir revienne. Mais le dossier Amazon se serait-il fait a? Amiens sans les atouts de la grande Re?gion qui a pu e?tre aussito?t au co?te? d'Alain Gest et de Brigitte Foure?, notamment pour la desserte ? De la me?me fac?on, le barreau ferroviaire Creil-Roissy porte? par la troisie?me re?gion de France a plus de chances qu'avant. Ce qui comptera c'est d'abord la desserte d'Amiens vis a? vis de Paris.

 

 

La dynamique territoriale est tre?s ine?gale dans la re?gion. Comment redonner une dynamique aux territoires « pe?riphe?riques » ?

J'ai toujours dit que je ne voulais pas qu'on ait Lille et le de?sert autour. La politique de contrats de territoires mene?e par Vale?rie Le?tard ambitionne de de?velopper des territoires de projets structurants de?passant les limites d'une seule intercommunalite? voire d'un arrondissement. Nous commencerons a? les signer a? partir du mois prochain. On a 325 M€ sur les fonds territoriaux sur le mandat. Cette solidarite? territoriale repose sur des projets plus que du fonctionnement. On a les moyens. Si je suis autant sur le terrain, c'est pour comprendre la ve?rite? de chaque territoire.

Que pensez-vous des propositions du rapport Subileau sur le bassin minier en matie?re de gouvernance?

Les questions de gouvernance ne sont pas les plus importantes. Il faut aussi que l'e?tat fonctionne en mode projet et non plus en silo. On a la chance d'avoir un pre?fet de re?gion qui prend le taureau par les cornes. Il faut que les administrations centrales se mobilisent. Je peux me rallier a? l'ide?e envisage?e d'un e?tablissement public cre?e? avec une pre?sidence re?gionale. Mais la vraie question est la volonte? politique et la volonte? budge?taire.

E?tes-vous optimiste pour la partie Artois du bassin minier ?
Bien su?r qu'il y a de l'espoir. Et des perspectives qu'il faut savoir saisir. Derrie?re le Louvre-Lens, il faut de l'e?conomie. On a obtenu les re?serves du Louvre en faisant au final un che?que trois fois infe?rieur a? ce qui e?tait pre?vu (5 M€), avec une convention signe?e pour que des formations initiales et continues s'installent sur le site. Je n'ai pas les moyens d'e?tre ge?ne?reux avec l'e?tat. Concernant l'argent de la re?gion, je suis pre?s de mes sous, certains me disent radin, j'assume.

Vous pre?sentez parfois la Re?gion comme une entreprise. Cela signifie une nouvelle approche?

Elle a besoin d'entrer dans de nouveaux process. Je me suis rendu compte avec mes directeurs que les agents sont demandeurs. Je dois apporter un service a? la population. Ce n'est pas force?ment dans les habitudes de la maison, mais c'est indispensable. J'ai parfois les re?fe?rences d'un chef d'entreprise qui a un board de 15 vice-pre?sidents, 9000 salarie?s, et 6 millions d'actionnaires a? qui rendre des comptes. C'est salutaire pour changer la vision et la fac?on de faire. Et cela m'oblige. J’ai une obligation de re?sultats.

Le volontarisme est une chose, mais vos moyens sont contraints par votre dette et le de?sengagement continu de l’État...

Oui mais je ne vais pas jouer les pleureuses. Je de?teste le discours ou? on se cherche des excuses ou des boucs-e?missaires pour ne pas faire. Je savais que cette Re?gion e?tait endette?e. Je ne savais pas que c?a allait ressembler au Titanic filant droit sur l'iceberg. Entre octobre et novembre 2015, juste avant les e?lections, les pre?de?cesseurs ont engage? 1,9 milliard de de?penses nouvelles ! Vais-je y trouver des excuses pour couper dans les budgets et arre?ter des ope?rations intelligentes ? Non, j'assume, mais je ne peux pas dire oui a? tout le monde.

Franc?ois Fillon veut re?duire de 500 000 le nombre de fonctionnaires. S'il est e?lu, que ferez-vous?
Je n'appliquerai pas le un sur deux. Si on me demande d'appliquer des re?gles comptables, il suffit de mettre un comptable a? ma place. Il y a des endroits ou? on pourra re?duire le nombre d'agents, notamment dans les sie?ges. Pour le reste, quand, sur deux agents cuisiniers dans un lyce?e, l'un part a? la retraite, je dois le remplacer, sinon on a une heure de file d'attente pour de?jeuner le midi! Nous pouvons baisser le nombre de fonctionnaires a? l'occasion de contrats qui ne seraient plus utiles ou de de?parts a? la retraite, mais j'ai aussi besoin des agents. Que sont les missions de la Re?gion? La re?ponse est un peu plus complique?e que l'application simple de ratios. Si j'ai des marges de manœuvre, je pourrai aussi assurer la de?pre?carisation d'agents vacataires depuis des anne?es sans visibilite? sur leur avenir.

Vous de?clarez re?gulie?rement vouloir e?tre la Re?gion la plus pro-business de France. Comment ?
Il faut que le temps politique se cale sur le temps e?conomique. J'ai demande? a? Franc?ois Hollande un droit d'expe?rimentation d'une zone franche re?glementaire. Il a dit oui mais on ne voit rien venir. Je ne la?che pas. Je ne demande pas d'argent mais de la rapidite?. Nous pourrions avoir davantage de logisticiens si on nous donnait plus de souplesse, ce que font les Belges. Car on n'en a pas fini avec les projets logistiques, notamment long du canal Seine Nord ! Je n'he?site pas non plus a? mettre sur la table de l'argent public comme avec Safran pour que les Hauts-de-France soient choisis pluto?t qu'une autre re?gion ou un autre pays.

Sur la rapidite?, comment pouvez- vous faire ?
Sur les contrats d'implantation, nous allons modifier d'ici fin mars nos proce?dures pour re?pondre plus vite. J'imposerai le de?lai maximum d'instruction d'un dossier par la Re?gion. Ce sera opposable, une non re?ponse vaudra acceptation. L'ide?e est de nous mettre nous-me?me cette e?pe?e dans les reins pour avoir une obligation de re?sultat. On a longtemps e?te? perc?u comme la re?gion qui avait le plus de proble?mes, j'aimerais qu'on comprenne que c'est la re?gion qui a le plus envie. Le juge de paix ne sera pas mon volontarisme, mais les re?sultats.

L'Idex, le festival international des se?ries, l'agence europe?enne du me?dicament... La Re?gion se positionne a? chaque fois. E?tes-vous candidat a? tout ?

Non, il faut une cohe?rence avec le projet global, a? savoir le travail. La Re?gion saisit les opportunite?s qui se pre?sentent dans le cadre de cette strate?gie globale. Ensuite, les petits ruisseaux font les grandes rivie?res. On a obtenu diffe?rentes expe?rimentations sur la taxe d'apprentissage et sur l'apprentissage jusqu'a? 30 ans. On en eu une autre sur les territoires ze?ro cho?meur. La Re?gion a aussi e?te? se?lectionne?e au niveau europe?en pour la politique de mini-entreprise dans tous les lyce?es de la Re?gion, car la culture d'entreprise se travaille a? tous les a?ges.

Une autre initiative pilote est la mission Etat-Région confie?e a? Philippe Vasseur sur la re?industrialisation. Qu'en attendez-vous ?

Il est installe? depuis un peu plus de six mois. Il a e?te? en action sur un certain nombre de projets industriels qui maintenant doivent aboutir. En la matie?re, les choses ne se font pas d'un claquement de doigts. Il y a des endroits ou? on a plus a? faire, comme la Sambre, avec le dossier Akers, ou encore le Chaunois avec NLMK. L'avantage de Philippe, c'est qu'il est aussi monsieur Rev 3, ce qui permet une cohe?rence. Si la Re?gion acce?le?re sur la me?thanisation et obtient des re?sultats, ce sera gra?ce a? lui.

Ou? en est votre projet de banque re?gionale d'investissement ?

J'ai un peu tape? du poing sur la table en ce de?but d'anne?e. C?a n'avance pas assez vite. Ça va acce?le?rer. La BRI vise a? avoir plus d'efficacite?, avec des organismes plus puissants et une politique unifie?e sur la grande re?gion, pour lever davantage d'argent. J'ai explique? aux banques qu'elle ne leur fait pas concurrence mais qu'elle donne une capacite? d'intervention plus importante avec des tickets d'entre?e e?leve?s permettant de couvrir la TPE ou la PME mais aussi les groupes qui souhaitent rester inde?pendants.

Vous de?marrez un nouveau dispositif a? l'attention des entreprises en difficulte?, de quoi s'agit-il ?
C'est une initiative unique en France ou? la Re?gion et le tribunal de commerce, dans le cadre de la pre?vention et non dans la phase juridictionnelle. La Re?gion pourra, sur intervention et avec l'expertise du tribunal de commerce, de?clencher rapidement des aides de tre?sorerie pour e?viter d'aller au de?po?t de bilan. L' ide?e est d'Eric Feldmann, pre?sident du Tribunal Lille Me?tropole. On la lancera en avril au plus tard. Nous pre?parons en paralle?le une politique de pre?vention des difficulte?s des entreprises avec Philippe Hourdain. Cre?er des emplois c'est bien, sauver des entreprises viables qui connaissent des difficulte?s passage?res, aussi.

 

La loi NotrE confirme votre chef-de-filat e?conomique. Comment voyez- vous l'articulation avec les autres acteurs consulaires ou collectivite?s ?

Pas de doublons ! Nous donnerons aux intercommunalite?s la possibilite? d'intervenir sur la politique e?conomique. Nous ne sommes pas dans une logique de tout vouloir centraliser a? la Re?gion, ce serait une erreur, mais de cre?er un e?cosyste?me ou? on ne se marche pas sur les pieds. Sur l'export, on doit se mettre d'accord avec la CCI pluto?t que chacun mette son logo. La campagne post-Brexit est exemplaire de ce qu'on peut faire ensemble. Ce qui compte est que les bonnes nouvelles l'emportent sur les mauvaises. Depuis un an, le cho?mage a recule? de 3,8% en Hauts-de- France, c’est un peu mieux que la moyenne nationale.

 

Vous pensez que cette bonne tendance est durable ?
Les e?conomistes ne se risquent plus a? devenir devins. Ne comptez pas sur moi pour des pre?visions chiffre?es. Ce qui compte c’est la vision de ce qu'on veut faire. Nous y contribuons aussi via notre logique d'infrastructures, des ports, des ae?roports, avec de bonnes nouvelles imminentes pour Lesquin, mais aussi avec la politique Rev3. Ce sont quasiment 700 projets labellise?s. Rev 3 ce n'est pas inaccessible, c'est tre?s concret.

A propos d'infrastructures, ou? en est le projet de RER Grand Lille?

On serait fou d'y renoncer surtout quand on voit les difficulte?s d'acce?s a? la me?tropole. Mais il e?tait uniquement pre?vu entre bassin minier et me?tropole, il faut le picardiser. L'ide?e e?tant que pour rejoindre la me?tropole, les Picards doivent pouvoir acce?der a? cette nouvelle gare du bassin minier par le train ou en voiture mais avec des espaces de covoiturage. Son l'implantation doit pouvoir e?tre le?ge?rement de?cale?e pour cette vocation. Il faut surtout une connexion totale a? Lesquin dont le potentiel tre?s fort est freine? par les proble?mes d'acce?s. Pour ce projet, il faudra que l'e?tat se pose la question de savoir s'il est strate?ge, s'il investit pour l'avenir. La Re?gion ne pourra le faire seule.

Vous allez cre?er 20 antennes de la re?gion. A quoi vont-elles servir ?

Notre re?gion est tre?s vaste. Soit vous conside?rez qu'avec Internet tout se fera a? distance, soit vous pensez qu'il faut donner du corps et de l'identite? a? la Re?gion et assumer la proximite?. Ces antennes ne sont ni des vitrines ni des boi?tes aux lettres de la Re?gion, mais des lieux de travail, d'information, de rencontres, pour que ceux qui veulent parler a? la Re?gion ne soient jamais oblige?s d'aller jusqu’a? Lille ou Amiens. Je veux aussi qu'on en fasse des « tiers lieux » un peu inventifs ou? on peut imaginer du te?le?travail pour nos agents. Ce sera du personnel actuel de la Re?gion, dans des locaux mis a? disposition gracieusement par les collectivite?s.

Recueilli par Olivier Ducuing

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