Aéroport de Lille : l'extension, malgré tout

L'énorme choc encaissé par l'aérien n'entame pas la confiance de long terme d'Eiffage. Le projet de développement n'est pas remis en question. Son calendrier, si.

 

"A 2,5 millions de passagers, on était à l'étroit. On prévoit près de 4 millions dans 20 ans, donc on reviendra à ces 2,5 millions et on sera à nouveau à l'étroit ». Christophe Coulon, président du syndicat mixte propriétaire de l'aéroport de Lille-Lesquin, balaie à l'avance les arguments de ceux qui voudraient remettre en cause l'extension de l'équipement lillois. En croissance régulière ces dernières années, l'aéroport est passé dans le giron d'Eiffage associé à Aéroports de Marseille depuis le premier janvier. Un concessionnaire pris dans le maelström de la crise sanitaire depuis le mois de mars qui a terrassé les transports aériens dans le monde entier. L'aéroport lillois ne fait pas exception : ses destinations internationales se sont effondrées, pour représenter seulement 20% des flux, contre le double en temps normal. Et malgré un report massif durant l'été sur les destinations françaises, le recul pour l'année sera sévère. La SAS imagine un recul entre 30 et 50%, à rapporter à son chiffre d'affaires de 35 M€ en 2019. 50% des effectifs sont au chômage partiel (idem pour les services de maintenance et de sécurité), et une ligne de trésorerie de 6 M€ a dû être négociée.

Des fondamentaux sains

Une extension dans ce contexte est-elle bien raisonnable ? Aucun doute, répond Marc-André Gennart, directeur de la filiale d'Eiffage. Car les fondamentaux de l'aéroport nordiste sont très sains. La zone de chalandise très vaste avec 12 à 13 millions de personnes, la pertinence de l'aérien évidente depuis Lille vers le sud de la France mais aussi dans un rayon de trois heures en Europe. « L'aéroport a été mis en service il y a 24 ans, il est temps de le moderniser, de simplifier les flux. Sur une échelle de 20 ans, ça a un sens d'offrir un outil de mobilité à la MEL et à la région », juge le patron de l'aéroport. Une vaste procédure de concertation, sous l'égide de la commission nationale du débat public, va s'engager à partir d'octobre et jusqu'en décembre. Si le projet en tant que tel semble donc préservé, son calendrier pourrait, lui, être révisé. Lors d'une conférence de presse de rentrée, Christophe Coulon et Marc-André Gennart ont évoqué un délai possible d'un ou deux ans. Peut-être davantage quand on observe que, dans le même temps, et malgré l'effondrement du secteur aérien, la pression ne se relâche pas au nom du changement climatique : la fameuse convention nationale « citoyenne » de Français tirés au sort préconise ainsi l'adoption d'une écotaxe à 4,2 mds € sur les billets d'avion. Après une « réunion de concertation », un projet de loi devait suivre fin septembre. « Si ces propositions sont suivies d'effet, c'est la mort annoncée de plusieurs compagnies aériennes et aéroports en France, qui subissent déjà le choc le plus violent de leur histoire », affirmait ainsi le 11 septembre dans les Echos Thomas Juin, président de l'Union des aéroports français.