Ascoval : l'argument oublié de l'environnement

Le compte à rebours s'écoule dangereusement dans le dossier Ascoval : le TGI de Strasbourg s'est donné quinze jours de plus pour trancher le sort de cette aciérie électrique de 280 salariés, le 7 novembre, veille du déplacement du président Macron dans la région.

Un argument majeur n'a jamais encore été évoqué dans ce dossier hyper sensible : l'environnement. En cas de fermeture, les aciers spéciaux produits par Ascoval seraient fabriqués par HKM, puissante acierie de la Ruhr, au capital partagé entre ThyssenKrupp, majoritaire, Mannesmann (30%) et Vallourec (20%). De l'acier produit de façon intégrée avec du minerai et du charbon importés directement de Chine, du Brésil ou d'Australie. Et de l'acier au bilan carbone très mauvais : 1,8 tonne de CO2 émise par tonne. 

Bilan carbone 8,5 fois meilleur 

Ascoval, de son côté, est une entreprise de l'économie circulaire. Elle fabrique son acier à partir de ferrailles, majoritairement issues des Hauts-de-France, un secteur riche en emplois. Le besoin en énergie est très inférieur à l'acier produit à partir de matières premières vierges. Mieux, Ascoval a une performance environnementale nettement supérieure à son secteur : elle rejette 210 kilos de CO2 la tonne, contre 500 kilos pour la moyenne des aciéries électriques. Cette performance, 8,5 fois supérieure à HKM, est liée à un outil industriel très moderne : l'unité a bénéficié de 150 M€ d'investissements en dix ans.

Avec une conséquence économique importante, et curieusement passée sous silence dans le dossier : la tonne de CO2 rejetée coûte de plus en plus cher aux industriels. Son prix était de 5 € en 2017. Il est aujourd'hui monté à 20-25 € la tonne, et les perspectives évoquent les 40-45 € la tonne dès 2019. « Il est aberrant de ne pas exploiter directement nos ressources au profit des mines d'Australie », peste un expert européen du secteur, contacté par Eco121, qui déplore le manque de connaissance industrielle de la haute administration française.

L'équation financière pour Vallourec paraît en tout cas plus complexe que les résumés rapides qui en sont faits. La fermeture d'Ascoval lui coûterait un plan social forcément très cher pour 280 salariés, le mettrait en situation de dépendance face une seule source d'approvisionnement en Europe – au moment où ThyssenKrupp noue une alliance majeure avec Tata Steel, et dégraderait fortement son bilan carbone. Vallourec chiffre à 51 M€ le montant du soutien en achat d'acier pendant 18 mois demandé par Altifort. Ce dernier juge la facture réelle à 30-35 M€ au plus haut. Mais en face, quel serait le coût réel de la fermeture d'Ascoval pour Vallourec, en intégrant tous les paramètres, y compris environnementaux, sociaux et stratégiques ? La question mérite d'être posée, à un moment où le retournement du prix du pétrole ouvre selon toute vraisemblance un nouveau cycle haut d'activité pour Vallourec, et une amélioration de ses équilibres économiques.

 VALenciennes, LOUvroil et RECquignies

Du côté d'Altifort, le montage financier du projet présenté au TGI de Strasbourg paraît ficelé à hauteur de 137 M€, de quoi construire un train à fil (laminoir pour fabriquer des produits minces) et assurer son exploitation – sous condition de l'achat d'acier par Vallourec  : 10 M€ en fonds propres plus 25 M€ d'obligations convertibles, des avances remboursables de la Région (12 M€) et de Valenciennes Métropole (10 M€), des prêts bancaires pour 40 M€ complétés de prêts équivalents de BPIfrance, ainsi que l'a affirmé le ministre de l'économie Bruno Le Maire – à contrepied de la position de l'administrateur de BPIfrance au sein de Vallourec, qui n'avait pas soutenu le projet de reprise d'Altifort. 

Une première réunion se tient ce jeudi en région, en présence de Xavier Bertrand, et une autre devrait suivre demain à Bercy. La course contre la montre est engagée, mais la solution reste plus que jamais dans les mains du géant des tubes sans soudure Vallourec, historiquement né dans le Valenciennois. Son nom est la contraction de Valenciennes, Louvroil et Recquignies.