Aurélie Vermesse : "Avec notre image de bassin minier et de difficultés, on s'est auto-censurés"

La fondatrice du 5 étoiles Le Clarance à Lille, ouvert il y a cinq ans, juge que le luxe est un secteur porteur dans une métropole riche de nombreux atouts, même s'il restera une activité de niche.

Vous avez investi lourdement il y a cinq ans dans ce projet hôtelier du Clarance à Lille. Pourquoi ?
J'avais ressenti qu'il manquait un positionnement luxe à Lille, par rapport à ce que je connaissais dans les autres grandes villes ou métropoles, mais aussi par rapport à la taille de Lille, son statut de carrefour de l'Europe, et sa population elle-même. Même si la région n'est pas très riche, il y a une clientèle qui a un peu de moyens ou qui veut se faire plaisir pour une occasion particulière. Mais l'image n'était pas porteuse. Quand j'ai présenté le projet à des investisseurs ou des banquiers, ils m'ont dit que ça ne marcherait jamais à Lille (rires) !

Cinq ans après l'ouverture, quels enseignements tirez-vous ?
50% de la clientèle est étrangère, d'abord issue d'Europe du Nord -Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas, mais aussi américaine, car nous sommes Relais & Châteaux et c'est leur première clientèle. Au début, j'étais un peu frileuse sur les prix. J'ai pu progressivement monter mon positionnement très au-dessus du marché. Mais il faut le justifier vraiment. L'étoile gagnée par le restaurant est aussi source d'attractivité, elle est d'ailleurs quasiment un pré-requis pour être labellisé Relais & Châteaux. Plus largement, l'ancien Nord-Pas-de-Calais reste très sous-dimensionné en 5 étoiles par rapport à d'autres territoires en France. Avec notre image de bassin minier, de difficultés économiques, on s'est un peu auto-censurés.

On voit un certain nombre de réussites individuelles dans le luxe, mais pas véritablement de filière. Serait-il utile de s'organiser ?

Probablement. C'est un peu le cas avec l'agence d'attractivité. Mais ce secteur du luxe professe le « pour vivre heureux, vivons cachés ». Chacun reste un peu dans son coin, n'a pas le sentiment qu'il existe ici une vraie filière du luxe. Pourtant, j'ai vu il y a quelques jours une tour operator japonaise qui fuit Paris, à cause des flux massifs de touristes. Ils recherchent des endroits plus conviviaux, plus sympathiques. Or nous avons ici des boutiques de luxe, comme Hermès ou Louis Vuitton où vous ne faites pas la queue pendant des heures comme sur les Champs Elysées et où vous n'avez pas de quotas.

Vous parlez-vous entre professionnels du luxe ?
On se parle surtout avec les boutiques de luxe, chez qui on envoie des clients, comme Hermès, le Printemps. A l'inverse, quand des gens vont chez Montblanc ou différents joaillers, on leur suggère naturellement la table du Clarance. C'est important d'être maillés. Le luxe restera toujours une économie de niche, mais il est important de se réveiller enfin sur notre attractivité.

La ville est-elle au niveau de la gamme dans laquelle vous vous situez ? Lille n'est pas tout à fait Bruges...

On a énormément d'atouts pour attirer, comme l'accueil des gens, la gentillesse des gens du Nord, mais aussi notre richesse culturelle. Après, il reste pas mal de choses à améliorer bien sûr, la propreté ou la sécurité font partie des critères d'attractivité.

* Aurélie Vermesse est par ailleurs présidente de la commission Meeting Incentive Congress and Events (MICE) à la CCI Hauts de France, présidente de la commission attractivité au Medef et administratrice de l'Agence d'attractivité.