Bassin minier : une terre de projets ?

Thomas Thumerelle (Motoblouz), Olivier Ducuing (Eco121), Philippe Vasseur (Rev3), Dominique Soyer (Maisons & Cités), et Wafâa Maadnous (Louvre Lens Vallée). Thomas Thumerelle (Motoblouz), Olivier Ducuing (Eco121), Philippe Vasseur (Rev3), Dominique Soyer (Maisons & Cités), et Wafâa Maadnous (Louvre Lens Vallée).

Après plus de deux siècles d’exploitation minière avec de lourdes séquelles environnementales, économiques, sociales, le renouveau de l’ex bassin minier reste un enjeu stratégique. En appui à son enquête du mois, le Club Eco121 a planché sur le sujet au siège de Motoblouz à Carvin. 

"Depuis quelques années, je sens une véritable volonté de faire bouger les choses avec des projets. Et c'est très prometteur !" Le président de la mission Rev3 Philippe Vasseur se veut confiant quant à l'avenir du « bassin minier ». Toutefois, il le conçoit, il est aujourd'hui plus que nécessaire de mettre en place une véritable "stratégie de marketing territorial" pour valoriser l'image et améliorer l'attractivité du territoire. Encore faut-il pour cela avoir "une vision commune construite autour d'un projet de territoire", souligne Dominique Soyer, dirigeant de Maisons & Cités. Or il existe une convergence de projets structurants. Exemples : l’énorme programme d’'investissement (3,3 Mds€) du premier bailleur de la région Maisons & Cités pour la réhabilitation de logements miniers, appuyé par l’ERBM (Engagement pour le Renouveau du Bassin Minier); la première ligne de bus à hydrogène de France entre Bruay-la-Buissière et Auchel (lire p.22); le projet de centrale solaire sur une ancienne décharge d'une vingtaine d'hectares à Leforest. "Les trois EPCI des arrondissements de Lens et de Béthune ont décidé de faire de rev3 leur projet de territoire", se réjouit Philippe Vasseur.

Cloisonnement

Mais, selon Thomas Thumerelle, le manque de communication entre les acteurs freine le déploiement de projets innovants. "Dans notre zone industrielle, chacun fait sa propre tambouille dans son entreprise. On a du mal à se rassembler. Il y a une réelle absence de cohésion. Les entreprises restent cloisonnées dans leur monde et ont du mal à se parler entre elles et avec les élus", déplore le cofondateur de l'e-commerçant d'accessoires motos Motoblouz. Avis partagé par la directrice de l'incubateur Louvre Lens Vallée. "Tous les jours, notre structure doit faire le lien entre les mondes économique, public et entrepreneurial. C'est une organisation schizophrénique et un vrai challenge !", raconte Wafâa Maadnous, qui ajoute : "il y a un manque d'ingénierie, de méthodologie, plusieurs projets vivotent chacun de leur côté. Travailler ensemble n'est pas dans notre ADN et c'est sur ce point qu'il faut avancer". La jeune femme estime que le bassin minier - qu'elle nomme "territoire du même pas peur" - a les talents pour réussir. Au sein du Louvre Lens Vallée, 60% des incubés en sont originaires, les autres viennent de la métropole lilloise et de d'autres régions françaises. Avec une vraie difficulté pour séduire les populations extérieures.

Déficit d'image

La faute à un passé encore très present dans la conscience collective. "L'histoire de la région est très importante mais pèse lourd. On le ressent sur nos recrutements, explique Thomas Thumerelle. Nous avons du mal à attirer des gens de Lille." Même constat à Lens. "La moitié de mon équipe vient de Lille. Au début, il y avait une grande appréhension sur le fait de venir travailler à Lens, se souvient Wafâa Maadnous. Ils avaient du mal à dire qu'ils travaillent sur ce territoire. Mais n'est-ce pas à nous d'être ambassadeurs de notre territoire et véhiculer un état d'esprit positif auprès de nos équipes ?" D'après la directrice du Louvre Lens Vallée, il faut "arrêter de bloquer sur l'histoire du bassin minier. Chaque territoire à son histoire, ses difficultés".

A cette image dévalorisée s'ajoute celle (pas plus positive) de l'A1 et ses kilomètres de bouchons. "Certains talents nous disent ne pas vouloir venir bosser à Carvin en raison d'une autoroute encombrée”, raconte le dirigeant de Motoblouz. Avant de nuancer : “sauf qu'elle l'est dans le sens Paris-Lille et non dans le sens inverse. Ne serait-ce que faire un peu de communication autour de cela résoudrait pas mal de problèmes !"

Créer du lien et rayonner

D'après le Dg de Maisons & Cités Dominique Soyer, la création d'une coopération territoriale faciliterait le développement et l'attractivité de l'ancien territoire minier. "L'agglomération lilloise oublie son littoral et ses territoires périphériques. Il est évident que son développement se fera, qu'on le veuille ou non, sur le bassin minier parce qu'il y a tous les atouts : du foncier ainsi qu'une forme urbaine extraordinaire", juge t-il. "Et inversement, le développement du bassin minier se fera grâce à une cohésion avec la métropole lilloise. Mais encore faut-il l'organiser et abandonner cette logique de réparation au profit d'une logique de projets", insiste Dominique Soyer.

Du côté du Louvre Lens Vallée, on mise sur l'international. Une échelle à la portée du bassin minier s'il parvient à fédérer l'ensemble des acteurs régionaux. "A l'heure de la start up, de l'innovation et de l’entrepreneuriat, on ne peut pas fonctionner avec des frontières, déclare Wafâa Maadnous. Si on dit à un porteur de projet qu'il ne se développera qu'aux frontières de l'agglo, il ne va pas y arriver. Il ne faut pas avoir honte de parler à l'international !"

Motoblouz en est l'exemple : l'entreprise créée en 2004 s'est déployée au-delà de l'Hexagone il y a quatre ans. Elle est présente en Italie et en Espagne. À l'avenir, le dirigeant prevoit de poursuivre sa croissance à l'international, tout en restant à Carvin, et de développer sa gamme d'accessoires dans une démarche plus vertueuse. "On essaie de mettre au point des casques avec des matériaux biosourcés car les principaux casques sont fabriqués en plastique aujourd'hui. On coche aussi toutes les cases de rev3 !"