Bruno Bonduelle disparaît à 89 ans

L'agitateur d'idées n'est plus. Bruno Bonduelle s'est éteint le 16 septembre. Non sans laisser derrière lui une empreinte considérable, et une idée de métropolisation qui aura fini par gagner les esprits.

 

C'est un homme d'une envergure rare dans le monde économique qui s'est éteint le 16 septembre à son domicile de Marcq-en-Baroeul. Bruno Bonduelle venait juste de fêter ses 89 ans début août. Né dans la ferme familiale de Renescure, Bruno Bonduelle fut d'abord un capitaine d'industrie du groupe familial, fondé en 1853, mais qu'il contribua à internationaliser, tout en l'ancrant dans son territoire à travers l'implantation du siège à Villeneuve d'Ascq.

 

soft power lillois

Le territoire, c'est du reste la colonne vertébrale qui aura structuré toute la vie publique de Bruno Bonduelle, avec une idée fixe : grandir, rayonner, transcender. Ce dévoreur de livres et de journaux, formé rue Saint-Guillaume sur les bancs de Sciences Pô, a multiplié les mandats, les livres, les initiatives, toujours dans cette même ambition de donner plus d'ampleur à un territoire régional qu'il aimait du fond de son âme mais qui pour lui manquait cruellement d'envergure, de projets structurants … et de dirigeants audacieux. Très proche du président de la Communauté urbaine de Lille et ancien premier ministre Pierre Mauroy, en dépit de leurs divergences idéologiques, il réussit à embarquer ce dernier dans l'aventure du Comité Grand Lille, qu'il créa en 1993. Un machin improbable sans statut ni budget, pour nourrir une réflexion et une dynamique collective de tous les décideurs économiques, politiques, universitaires ou syndicaux. Le « soft power » avant l'heure. Et si le Comité Grand Lille ne réussît pas à attirer les JO de 2004, il ouvrît la voie à Lille Capitale européenne de la culture, et à une culture du « co » si chère à son successeur actuel Jean-Pierre Letartre. A l'époque, Lille osait (encore) se mesurer sans cesse à la capitale des Gaules, Lyon, et guignait son expansion puissante.

 

"Agglomérat hétéroclite"

On ne résume pas Bruno Bonduelle et sa vie en quelques lignes. Ce furent aussi plus d'une dizaine d'ouvrages, dont beaucoup en forme de lettres ouvertes aux élus de tous poils, avec toujours en tête la métropolisation – il rêvait d'une immense ville de Lille d'1,2 million d'habitants, au lieu de cet « agglomérat hétéroclite de villes moyennes et de villages ruraux ». Une métropole qui puisse jouer un rôle de locomotive puissante pour le reste de la région, à commencer par un bassin minier dont il déplorait la résistance des élus de l'époque face à la capitale régionale. 

Bruno Bonduelle, on l'a un peu oublié, fut aussi un environnementaliste pionnier. Il participa même à l'aventure de Génération Ecologie, au côté de Brice Lalonde. Plus tard, il imaginait dans ses écrits que le Grand Lille puisse se doter d'une immense forêt vers l'aérodrome de Bondues, à la manière des grandes capitales européennes, à l'instar de Berlin.

Ce visionnaire n'hésitait pas devant les convenances ou les susceptibilités. Il a pu imaginer arrêter le pompage permanent des eaux d'exhaure de l'exploitation houillère, quitte à noyer une partie du bassin minier pour en faire un immense lac. C'est lui aussi qui préconisait tout de go de démanteler l'usine sidérurgique Comilog qui défigurait la baie de Boulogne-sur-mer pour rendre la ville à son destin touristique. Les 350 salariés et les élus de l'époque s'en étaient étranglés de rage, mais Comilog a fini par disparaître ... et Boulogne redevenir un puissant pôle touristique. Il imaginait aussi la création d'une ville balnéaire nouvelle sur le littoral pour lui donner un nouvel élan.

Bruno Bonduelle, ce fut aussi un président de Chambre de Commerce et d'Industrie de Lille qui décida contre vents et marée - et technostructure - de fusionner les CCI. Celles de Lille, Hazebrouck, Douai et Saint-Omer, ouvrant la voie aux fusions suivantes : de 13 CCI à l'époque, il n'en reste plus qu'une avec ses antennes territoriales. C'est lui aussi qui a ferraillé des années pour obtenir et réussir la fusion des tribunaux de commerce, permettant au Tribunal de Lille Métropole d'être l'un des plus importants de France. Président de l'APIM (Agence de promotion internationale de la Métropole) et de Nord France Expert, Bruno Bonduelle a aussi suscité la création du mensuel économique régional Eco121. Avec un objectif clair au-delà de l'information économique elle-même : faire la pédagogie de l'entreprise, rapprocher l'entreprise de la population, lui qui déplorait tant l'absence d'éducation économique à l'école.

Chaque mois pendant dix ans, cet homme de plume, latiniste accompli, fut aussi un brillant billettiste dans ce magazine pour continuer à défendre inlassablement ses idées, jusqu'à ce que l'âge et la fatigue le contraignent à lâcher le stylo. Nous nous permettons ici de renvoyer à son ultime billet, "Otium cum dignitate", le repos dans l'honneur. Un parfait épitaphe pour ce profond croyant.

Toute l'équipe d'Eco121 s'associe à la peine de la famille.

 

 

 

 

 

 

 

 

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