Business du spectacle entre paillettes et disette

Le Stade Mauroy et sa boi?te a? spectacle : 324 M. Le nouvel auditorium de lONL : 17 M. Le Me?taphone a? Oignies : 7,5 M pour un ba?timent hybride, salle et instrument de musique a? la fois. Sceneo a? Saint-Omer, le Ze?phyr a? Hem... Autant de?quipements finance?s sur fonds publics. Les collectivite?s sont-elles bien raisonnables en ces temps de vache maigre ? La culture a toujours e?te? un levier prioritaire pour les e?lus re?gionaux pour le rebond et le rayonnement des territoires. Tel le the?a?tre Phe?nix a? Valenciennes qui a pre?figure? la renaissance de la ville. Le soutien vital des collectivite?s est d'ailleurs pleinement assume? pour certaines structures, au nom de l'attractivite? du territoire et de l'acce?s a? la culture pour tous. L'Orchestre national de Lille ou l'Ope?ra, par exemple, ne pourraient pas e?quilibrer leurs comptes seuls. Et la Re?gion est la premie?re de France en de?penses culturelles par habitant (11,30/habitant en 2014). Mais devant les restrictions budge?taires drastiques, l'a?ge d'or est-il termine? ? « Cest toujours la question du premier entre luf et la poule », note un acteur avise?. Outil de de?veloppement e?conomique pour certains, me?galomanie ou danseuse pour dautres. En re?gion, loffre est tre?s large. Emulation ou concurrence ? Ils sont en tout cas nombreux dans le milieu a? mettre en garde les e?lus. « On trouve toujours de largent pour linvestissement sans penser aux de?penses de fonctionnement et a? le?quipe quil faudra constituer pour faire tourner la salle », avertit Bertrand Millet, directeur du Colise?e a? Roubaix (ci-contre).
« Avant de construire, il faut se demander si on a les clients pour remplir les salles. Il y a des doublons. Sans compter que les collectivite?s rajoutent parfois au pot », renche?rit Lionel Courdavault, pre?sident de Gayant Expo a? Douai. Ce fut par exemple le cas pour lorganisation de lEuro de basket au Stade Mauroy pour lequel la MEL a verse? 500 K.
« Il y a une complexite? a? proportionner les e?quipements par rapport a? l'offre et a? la demande », explique Aure?lien Binder, directeur du Ze?nith de Lille pour qui « on ne devrait pas se faire concurrence sur un me?me territoire ». La me?tropole lilloise est particulie?rement riche et reconnue dans tous les domaines de la cre?ation artistique. Le Grand Stade en configuration Arena et ses 27 000 places, le Grand Sud a? Lille pouvant accueillir jusqua? 5 000 personnes ou encore le Se?basto et sa jauge a? 1 350 sie?ges, Lille joue dans la cour des grands. Conse?quence : la concurrence est rude. Entre Bruxelles et Paris, les artistes internationaux privile?gient souvent les capitales lors de leur grande tourne?e. Et les Franc?ais capables de remplir le Stade Mauroy, une poigne?e. Avec un de?marrage complique?, l'image de l'e?quipement a de plus e?te? e?corne?e apre?s l'annulation du concert de De?pe?che Mode en novembre 2013. En cause, un proble?me de chauffage et une tempe?rature trop frai?che dans l'Arena. Aujourd'hui, la programmation peine encore a? de?coller. Outre les matches du Losc, le Stade a programme? quatre e?ve?nements en 2015 : l'Euro de Basket, le concert de l'Orchestre National de Lille a? guichets ferme?s, Johnny Hallyday les 9 et 10 octobre prochains et le supercross. Ce dernier avait accueilli 43 000 spectateurs en 2014 et pourrait s'installer durablement dans l'enceinte villeneuvoise et de?laisser Paris-Bercy, lieu initial de la rencontre. Pas simple donc d'attirer les stars dans un calendrier accapare? par le foot.*
Cou?t tendu
Pour exploiter leur salle, les collectivite?s locales disposent de deux outils que sont la re?gie ou la de?le?gation de service public. Ce mode de gestion est depuis toujours utilise? au Ze?nith de Lille. Estampille? comme lun des plus dynamiques de France, il affichait en 2014 une fre?quentation de 417 000 spectateurs pour 128 spectacles. Pour arborer ce label, cre?e? dans les anne?es 80 par Jack Lang, inoxydable ministre de la culture dalors, lexploitant doit re?pondre a? un cahier des charges pre?cis. A la baguette du Ze?nith lillois : la SAEM Lille Grand Palais. Depuis dix ans, son directeur perc?oit une e?volution nette du secteur. « On ne vient plus voir un musicien sur sce?ne mais un spectacle complet avec des artistes, un de?- cor, une mise en sce?ne... Lexpe?rience a change? », de?code Aure?lien Binder (ci-contre). Manie?re dexpliquer la hausse du prix des billets, une tendance ge?ne?rale dans beaucoup de salles. Malgre? des re?sultats satisfaisants, il se pre?pare a? de futurs de?fis. « Il faut re?ussir a? transformer nos mode?les e?conomiques parce que le fonctionnement des collectivite?s change. Nous devons aussi rapprocher l'entreprise et la collectivite? dans un seul et me?me but et sans tabou : le de?veloppement e?conomique d'un territoire ».
Ve?rite? des prix
Si pour le public le ticket dentre?e peut parai?tre e?leve?, du co?te? des organisateurs, il faut en permanence jongler. Didier Vanhecke dirige Divan Production a? Lille. Cest lui qui a produit Sheila, Daniel Guichard et Bernard Mabille. Sa socie?te? de 12 salarie?s diffuse et organise des e?ve?nements pour un chiffre daffaires de 5 M lanne?e dernie?re. Pour cet ancien guignoliste installe? depuis 20 ans dans le milieu, « il faut accepter la don- ne?e risque ». Et ses conse?quences : « on peut gagner mais aussi perdre beaucoup ». En taclant au passage les structures subventionne?es, « lorsque l'on paye 50 sa place, c'est que le spectacle cou?te re?ellement ce prix ». Location de la salle, cachet de l'artiste, droit d'auteur, TVA, droit de mise en sce?ne, contribution au CNV, frais d'he?bergement et de route et autres charges qui pe?sent sur les intermittents font grimper la note. « Les gens investissent encore dans les spectacles mais font des arbitrages », estime Aure?lien Binder. Constat partage? par Guy Marseguerra, directeur de Ve?rone Productions (cf p.22). « Paradoxalement dans cette re?gion qui souffre, les gens ne se privent pas sur les spectacles, me?me sils font des choix ». Mais selon lui, le prix du ticket d'entre?e a aujourd'hui « atteint une limite ».
Fonte des subventions
A Roubaix, le Colise?e fait figure de re?ussite. Ce the?a?tre atypique de 1 700 places qui joue dans la me?me cate?gorie que le Casino de Paris - fonctionne sur un mix avec des spectacles produits et la location de sa salle. Au programme, des af- fiches grand public proposant soit un « texte », soit une distribution connue. Bertrand Millet tient les cordons de la bourse serre?s. Bien que son activite? s'autofinance gra?ce a? un volume d'environ 100 000 entre?es par an, il sait qu'il ne peut atteindre son e?quilibre sans l'apport de deniers publics soit 25% de son budget de 3,7 M. « Sans cette subvention que nous ne?gocions tous les ans, le the?a?tre ferme ». Au rang des sce?nes publiques, on tire parfois la langue. Te?- tanise?s par les re?ductions des dotations d'Etat, les e?lus de tous bords resserrent leur budget et les subventions fondent. Le The?a?tre du Nord, labellise? Centre Dramatique National, a vu sa subvention alloue?e par la Re?gion baisser de 11% en 2014 passant ainsi a? 1,6 M. En 2015, c'est Tourcoing, lieu de naissance de l'institution, qui a de?cide? de supprimer comple?te- ment son apport, soit un manque supple?mentaire de 76 K. Depuis, le dialogue est rompu entre la ville et le the?a?tre qui dispose encore pour un temps inconnu - de la mise a? disposition par la municipalite? du The?a?tre de l'Ide?al... Avec un budget global pre?visionnel de 4,7 M pour 2015 dont 3,8 M de subvention de fonctionnement, la direction a pris des mesures pour limiter ses de?penses. Re?duction du nombre de repre?sentations, augmentation d'un euro par place, examen du cou?t des fluides, communication digitale pluto?t que papier, l'ensemble des postes a e?te? scrute?. Comme Franc?ois Bou, directeur ge?ne?ral de l'ONL l'expliquait dans nos colonnes en octobre dernier, « la crise nous oblige a? e?tre un peu plus cre?atif. C'est pour moi le moment de montrer que nous sommes un service public responsable (...) Cela signifiant rigueur de gestion et augmentation des recettes propres, par la billetterie, le me?ce?nat ou les ventes de concerts ». A Be?thune, le The?a?tre de Poche a aussi fait les frais des coupes municipales. Re?sultat : programmation stoppe?e depuis mars dernier. Subventionne? a? 100%, le Bateau feu a? Dunkerque poursuit lui cou?te que cou?te une programmation au tarif unique de 8 pour la plupart des spectacles. Jusqu'a? quand ? Avant les re?gionales, les acteurs culturels multiplient les actions pour tirer le signal dalarme comme fin septembre a? Amiens. Conscients de la situation, ils cherchent a? contrebalancer la tendance. Le spectateur payera-t-il le prix ?
* Sollicite?e, la direction du Stade ne nous a pas re?pondu.
Le spectacle, pilier des casinos
Outre l'activite? jeux, les casinos proposent a? l'anne?e une programmation de spectacles et une offre de restauration. un triptyque obligatoire. Au Pasino Partouche a? Saint- Amand les Eaux (photo), une trentaine de dates sont programme?es chaque anne?e sans compter l'organisation de di?ners-spectacles qui prennent re?gulie?rement place dans une salle de 1 200 places assises (2400 en configuration concert). arrive? en 2010 sur ce me?me cre?neau, le casino Barrie?re de Lille n'a pourtant pas concurrence? la salle amandinoise. « Nous avons ici un public tre?s local, de?taille-t- on a? la communication ou? l'on se re?jouit d'un taux de remplissage de 80%, tous spectacles confondus. l'e?tablissement engagera prochainement un programme d'extension (hors salle) pour ame?liorer son offre de services et se mettre en ordre de marche face a? l'ouverture du palais des congre?s de Valenciennes. A Lille, le casino Barrie?re affiche e?galement 52 dates de di?ner-spectacle et 28 spectacles. Varie?te? franc?aise, the?a?tre, jazz, humour, la programmation y est pluto?t grand public. Malgre? la pre?sence de 35 000 spectateurs la saison dernie?re, Martial Fritz, directeur marketing et communication conce?de que « le challenge est d'e?merger sur une place lilloise qui foisonne culturellement » pour un e?quipement encore en que?te de notorie?te?. Pas un mot en revanche sur la situation financie?re. Selon la Voix du Nord, l'e?tablissement enchai?ne les exercices de?ficitaires, plombe? par une redevance e?leve?e. Fin 2013, le groupe aurait laisse? 62 M sur la table. Faites vos jeux, rien ne va plus...
Festival, mon amour
Le?te?, le?conomie du spectacle est principalement truste?e par les festivals. En te?te, la belle re?ussite du Main Square Festival qui a su simposer comme le plus grand au Nord de Paris. cette anne?e, la 11e e?dition sest joue?e a? guichets ferme?s le premier week-end de juillet a? la citadelle dArras. Bilan : 120 000 spectateurs pour un carton plein sur trois jours notamment porte? par la pre?sence des Britanniques de Muse. Armel Campagna, directeur du Main Square et organisateur pour live Nation, a dores et de?ja? signe? jusquen 2020. Dope?es par le?ve?nement, la ville dArras et la communaute? urbaine estiment a? pre?s d'1 M les retombe?es pour le territoire. Mais a? quelques kilome?tres de la? et un mois plus tard, se tient le festival des Nuits secre?tes dAulnoye-Aymeries. Si le?dition 2015 a tenu ses promesses avec 68 000 spectateurs, du co?te? de lorganisation, on s'inquie?te. lun des festivals les moins chers de France pourrait bien faire payer lacce?s jusqu'alors gratuit - de sa sce?ne principale de?s lanne?e prochaine. la faute aux re?ductions budge?taires que pourraient ope?rer ses principaux financeurs. Festival annule?, association ferme?e, les exemples se suivent et se ressemblent dans toute la France. Face a? ce constat, Emeline Jersol, me?diatrice culturelle au centre national des arts de la rue du Boulon a? Vieux-conde? a entrepris au lendemain des e?lections municipales une cartocrise. l'initiative personnelle de la jeune femme a tre?s vite pris de l'ampleur. Sa carte collaborative, disponible sur openStreetMap, recense plus de 200 points sur l'hexagone. « Il ne s'agit que de la partie visible de l'iceberg », commente celle qui attribue ces fermetures a? plusieurs causes : « baisse des dotations aux collectivite?s locales, choix politiques, mauvaises gestions ». Une chose est certaine, les points se multiplient rapidement.
Guy Marseguerra, lhomme de lombre
Dans le monde du spectacle re?gional, cest une figure. Guy Marseguerra, plus de 25 ans de me?tier travaille pour les plus grands. Johnny au Stade Mauroy, Florence Foresti au Ze?nith, cest lui. a la te?te de Ve?rone Production, en charge de la de?le?gation de service public du the?a?tre Se?bastopol ou producteur de pe?pites avec 20h40, ce passionne? de foot de?fend aussi les inte?re?ts de la profession gra?ce a? son mandat de pre?sident du centre National de la chanson, des varie?te?s et du jazz. En 2014, il a re?alise? pas moins de 12,5 M de chiffre daffaires sur lensemble de ses activite?s. celui qui se conside?re comme un artisan a vu le me?tier e?voluer. « Nous sommes aujourdhui confronte? a? de nouveaux mode?les e?conomiques, constate t-il en filant la me?taphore avec le milieu du foot. Les contrats dartistes ont e?te? revus a? la hausse, et lensemble de la
chai?ne a vu ses cou?ts augmenter ». autre constat : le risque est de?sormais de plus en plus partage? notamment via des coproductions. ce de?nicheur de talents porte par ailleurs une ambition : « Lille devrait accueillir LE festival dhumour franc?ais ». le film a? cannes, la BD a? angoule?me, il imagine pour la ville un rendez-vous au rayonnement national. Depuis 4 ans, il organise le festival rire en mai sur les planches du Se?basto, du Splendid, de la come?die de Solfe?rino et de la boi?te a? rire. avec comme te?tes daffiche, timsit, Boujenah, Bigard et la nouvelle ge?ne?ration avec les jumeaux et Vincent Dedienne. le producteur veut surfer sur le succe?s du genre et aller plus loin en cre?ant « une alle?e de lhumour de la rue Inkermann a? la place Se?basto ». Mais pour cela « pas besoin dargent, juste des autorisations ». Pour entreprendre, simplement
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