Charles-René Tandé : "Il faut considérer le conseil comme un véritable investissement"

Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France

 

 

[caption id="attachment_35058" align="alignleft" width="640"] Charles-René Tandé, président du Conseil national de l'Ordre des Experts-Comptables[/caption]

 

 

 

Vous venez d'organiser le congrès de votre profession à Lille. Que pèse-t-elle ?
La profession comptable compte plus 20 000 experts-comptables au niveau national répartis autour de 23 Conseils régionaux de l’ordre des experts-comptables et deux comités départementaux. 1 150 experts-comptables sont présents dans les Hauts-de-France. Actuellement, au sein de l’organisation de la profession, la région Hauts-de-France représente encore l'addition du Nord- Pas-de-Calais et de la Picardie. Mais d’ici fin 2018, l'ensemble des régions ordinales fusionneront pour s’aligner sur la carte des régions administratives. Ces changements engendrent forcément des réactions liées aux sensibilités régionales, surtout lorsque certaines régions ordinales doivent disparaître comme c’est le cas, pour la région Picardie qui rejoindra les Hauts-de-France avec la région Nord Pas-de-Calais.

 

Comment gérer ce que vous appelez les sensibilités ?
Nous allons créer un Conseil régional et des conseils territoriaux de l'Ordre des experts-comptables. Objectif : garantir la proximité tant auprès des confrères que de nos clients. En effet, au-delà la gestion du tableau de l’Ordre avec l’ins- cription des nouveaux experts-comptables, la gestion du stage, et le domaine de la formation continue, l’Ordre des experts-comptables a aussi un rôle de conciliation lorsqu’il y a un désaccord éventuel avec un client. Garder la proximité est un objectif prioritaire.

 

Quels étaient les thèmes prioritaires du congrès ?
Ce 72e Congrès national de la profession était consacré au thème du conseil. Car si le conseil fait partie intégrante des missions de l’expert-comptable, il n’est pas assez valorisé et encore moins connu par les clients : dans une récente étude réalisée par l’Ordre des experts-comptables sur le marché de la profession, nous constatons qu’un tiers des clients interrogés ne savent pas que leur expert- comptable est en mesure de réaliser des missions autres que des missions traditionnelles. Il faut savoir qu’une hausse des charges déclaratives, fiscales comme sociales, a pesé sur les cabinets d’expertise comptable et ne leur ont pas permis de suffisamment proposer des missions à forte valeur ajoutée à leurs clients.

 

Le métier de l'expertise comptable peut-il se faire « ubériser » comme d'autres ? Comment vous prémunir contre les pratiques illégales ?

Oui, ce phénomène est important. Par définition, il est souterrain, et donc on ne peut pas le mesurer. L'Ordre des experts- comptables, aussi bien au niveau national que régional, met en œuvre d’im- portants moyens pour détecter l'exercice illégal, et nous obtenons régulièrement des condamnations. Le « vrai » expert- comptable est nécessairement inscrit au tableau de l’Ordre des experts-comptables et il est animé par un code de déontologie qui l’engage. Quant à l’entreprise, elle risque des redressements fiscaux et sociaux si son bilan n’est pas correctement effectué.

 

Votre profession rencontre apparemment des difficultés croissantes à recruter. Pourquoi et quelles solutions cherchez-vous ?

Dans un cabinet, il y a trois volets : la tenue de compte qui se dématérialise de plus en plus par la récupération des données bancaires et la numérisation des factures ; à terme, elle sera complètement automatisée. L’analyse et la révision, avec l’appréciation du professionnel, pour arriver aux comptes annuels ; là, le déclaratif prend hélas encore beaucoup de temps. Enfin, le volet le plus riche - et que nous souhaitons développer - est celui de l'accompagnement du dirigeant pour son développement et sa croissance. Notre profession ne cesse de se réinventer pour accompagner les entreprises dans la gestion de leurs obligations comptables, fiscales, sociales et juridiques. Gestion, droit du travail, organisation, ressources humaines, marketing, système d’information...sont des domaines sur lesquels nous sommes quotidiennement sollicités. Plus que jamais les jeunes d’aujourd’hui doivent voir dans la profession des opportunités de carrières qu’ils n’auraient jamais imaginées jusque-là. Pour les recruter, l’Ordre a créé la nouvelle plateforme, hubemploi.fr, dédiée aux profils et métiers de l’expertise comptable, mais aussi aux nouvelles compétences dont les cabinets ont de plus en plus besoin. En à peine quelques mois, nous recensons près de 4 000 offres d’emplois déposées sur la plateforme et près de 3 000 CV téléchargés en ligne.

 

L’activité de conseil n'est-elle pas déjà importante ?
Non, pas tant que cela ; le marché du conseil en France est bien moindre qu'en Allemagne ou en Grande-Bretagne. La France est un pays où culturellement on considère que les honoraires sont une charge. Il faut inverser cette tendance et considérer le conseil comme un véritable investissement avec à la clé une réelle progression pour l’entreprise : une meilleure marge, du chiffre d'affaires complémentaire, une meilleure organisation. Plus on fera de conseil, plus les entreprises seront performantes, pour à terme essayer de diminuer le chômage !

 

Ce segment du conseil est déjà très concurrentiel. Quelle est la valeur ajoutée de l'expert-comptable ?

Oui, la concurrence est forte mais l’expert-comptable est un professionnel tenu au secret professionnel et animé par un code de déontologie. Il bénéficie d’une formation continue obligatoire, véritable garantie pour le chef d’entreprise. Lorsque le dirigeant évoque l’évolution de son entreprise, de sa situation fiscale, patrimoniale... L’expert-comptable est son interlocuteur naturel et incontournable. Je suis convaincu qu'on pourrait gagner quelques points de croissance si les confrères menaient des missions d'expertise stratégique et des plans de progrès dans les entreprises.

 

[caption id="attachment_35059" align="alignright" width="400"] "On pourrait gagner quelques points de croissance si les confrères menaient des missions d'expertise stratégique et des plans de progrès dans les entreprises."[/caption]

Vous parlez de croissance, mais parfois aussi, il y a les difficultés dans la vie d'une entreprise. Or les tribunaux de commerce se plaignent du fait que les dossiers leur arrivent trop tard. Les experts- comptables peuvent-ils jouer davantage un rôle de prévention ?

Effectivement nous sommes sensibles à ce sujet, d’autant que nous avons, depuis longtemps, créé le CIP - centre d'information sur la prévention - avec les avocats, les commissaires aux comptes et les juges consulaires. Ces centres proposent aux entreprises en difficultés des entretiens en totale confidentialité. Plus on le fait tôt, plus on a de chance de sauver l'entreprise ; or souvent, les chefs d'entreprise nous sollicitent trop tard. Il y a une forte dimension psychologique, et souvent une certaine forme de déni. Il faut vraiment le répéter aux dirigeants : n'hésitez pas, quand vous avez des difficultés, rendez-vous dans un CIP.

 

La coexistence d'experts-comptables et de commissaires aux comptes semble être un particularisme français. Est-il pertinent ?

Absolument, c'est même à l'honneur de la France. Ce système de complémentarité fonctionne très bien. Le commissariat aux comptes est une mission légale qui comprend la dimension de révélation au procureur de la République quand un délit est constaté, et une procédure d'alerte. Ce sont des missions que les experts-comptables, qui sont eux dans une relation contractuelle, ne peuvent pas mener à bien par essence. J'ajoute que quand il y a un commissaire aux comptes, cela sensibilise encore plus l'entreprise aux contrôles internes, et contribue au renforcement de la qualité de l'entreprise, et c'est également intéressant dans le cadre du crédit inter-entreprise.

 

Votre métier se partage entre une multitude de professionnels petits ou moyens et les fameux big four. Est-ce une profession à deux vitesses ? Quid des sociétés pluriprofessionnelles d'exercice (SPE) introduites par la loi Macron en 2015 ?

Concernant les SPE, on en compte quelques-unes, mais tant qu'elles ne seront pas ouvertes aux commissaires aux comptes, j’ai des doutes quant à leur développement.

Pour revenir sur votre première question, les cabinets travaillement sur des marchés très différents. La profession est à l'image de son marché, vous avez des majors, des PME, des TPE, et des très petits cabinets, c'est tout à fait logique.

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