Christophe Bonduelle : «Ce n'est pas parce qu'on est international qu'on n'a plus de racines»

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Après vos dernières acquisitions en Hongrie, en Russie et aux Etats-Unis, vous approchez les 2 milliards d’euros de chiffres d’affaires, avec 50 usines dans le monde. Votre enracinement régional a-t-il encore du sens ?

Ce n’est pas parce qu’on est international qu’on n’a plus de racines ! Mais vous avez raison, un peu de croissance interne et quelques acquisitions font qu’on va consolider du chiffre d’affaires, et notamment aux Etats-Unis. Donc on va dépasser les 2 milliards l’année prochaine. Mais ça n’enlève rien à notre enracinement régional. On est ici, le siège du groupe est ici, on est des gens du Nord et on est bien dans le Nord, sauf depuis un mois où il pleut beaucoup, à tel point qu’on ne peut pas semer les légumes !

 

Vous étiez il n’y a pas si longtemps encore président du pôle de compétitivité Nutrition Santé Longévité. Avez-vous encore le temps de faire autre chose que de piloter Bonduelle ?

J’ai d’autres mandats à droite à gauche, je suis administrateur chez Lesaffre, au Crédit du Nord, à l’Edhec, à l’Ania à Paris... mais 100% de mon temps, c’est Bonduelle ; le reste vient en plus des 100%. Pour NSL, j’ai abandonné la présidence il y a 2-3 ans, j’estimais avoir mis en route le pôle et Marc Roquette, qui dirige une entreprise plus biotech que la nôtre qui est de l’agroalimentaire pur et dur, était tout à fait qualifié pour ça. Mais Bonduelle est toujours partenaire du pôle.

 

Revenons sur l’expansion internationale rapide de ce dernier semestre. Est-ce qu’il n’y a pas un risque provisoire d’indigestion ?

Historiquement, la moitié de notre croissance est faite de croissance externe, ce qui fait qu’on a un certain savoir-faire dans ces intégrations et même en amont dans l’analyse des dossiers pour minimiser le risque de mauvaises surprises. On a en permanence 4-5 projets à l’étude et de temps en temps il y en a un qui se concrétise. Cette année, il y a eu une densité importante de dossiers du fait tout simplement de la crise. C’est la crise qui a généré les trois dossiers dont vous avez parlé, que ce soit la Hongrie, la Russie ou les Etats-Unis.

 

Ces dossiers sont de natures différentes...

Ils sont extrêmement différents. Si je commence par le plus petit, la Hongrie, c’est un pays dans lequel on est depuis une vingtaine d’années. C’est un centre de production notamment en maïs doux, un produit très important pour nous ; on a eu une opportunité à la frontière de la Pologne et de l’Ukraine, à un endroit logistiquement très très bien placé, pour augmenter notre capacité de maïs. Une petite société d’une vingtaine d’années d’existence et dont le patron propriétaire a financé des investissements en s’endettant en francs suisses... Forint hongrois contre franc suisse, je vous laisse imaginer le bilan. Une usine en bon état, en liquidation, dans un pays qu’on connaît bien, avec un produit où on a des besoins, forcément ça nous a attirés. C’est une vraie opportunité qui est passée, avec une facilité d’intégration grâce à des équipes importantes en Hongrie.

 

Et pour Cecab en Russie ?

Ce dossier est arrivé un mois avant en termes d’autorisations. Nous sommes en Russie depuis une vingtaine d’années aussi. Après avoir essayé de travailler avec des kolkhozes locaux, on a découvert qu’il faudrait produire nous-mêmes. Ce n’est donc pas tout à fait le même business model qu’ici. On a loué en longue durée un kolkhoze de 3 500 ha, construit une usine, et à partir de ça on a bâti un succès assez impressionnant puisque, en quelques années, la Russie est devenu le premier pays de Bonduelle en termes de vente de conserves à la marque Bonduelle, devant la France.

 

Vous dites vous-même que la marque y est plus connue que Coca Cola...

Oui on a une notoriété là-bas impressionnante, supérieure à la France. Près de 100% des Russes connaissent spontanément la marque Bonduelle. Le tout avec une organisation qui marche bien. On cultive nous-mêmes, on transforme dans notre usine de Krasnodar et on vend dans les pays de la CEI, principalement la Russie, complété par de l’export au départ de la Hongrie. Donc vous comprenez bien que les deux dossiers sont liés.

Quelques années après notre installation en Russie, D’aucy nous a rejoints, a construit une usine à 20 km de chez nous, a mis la main sur 6 000 ha, donc a recopié notre business model. Sauf que commercialement il a eu plus de difficultés.

 

Qu’est ce qui fait que vous avez réussi et pas eux ?

C’est le fait d’avoir investi très très vite en pub, à une époque où les médias ne coûtaient rien. Le 2e élément, c’est qu’on n’a pas eu de surprise sur le coût de l’investissement. Probablement parce qu’on a su s’y prendre avec le gouverneur du kraï de Krasnodar, qu’on a eu les hommes qu’il fallait. On touche là du doigt la culture internationale de Bonduelle, son savoir-faire hors de France, qui remonte aux années 60 et s’est démultiplié depuis. L’opportunité s’est donc présentée de racheter leur site, une aubaine fantastique ! Alors qu’on était en recherche de capacité en Russie, on a pu mettre la main sur 6 000 ha de plus, avec deux usines, et donc augmenter très fort notre autonomie locale, par rapport aux marchés russe, kazakh, arménien... tous les pays de la CEI, tout en stabilisant les exportations au départ de la Hongrie. Qui va, elle, augmenter ses exports vers les PECO Sud, c’est-à-dire l’Ukraine et les Balkans. C’est donc un dispositif qui se complète très très bien.

 

Comment gérez-vous des épisodes climatiques de plus en plus difficiles ?

C’est vrai qu’on observe depuis quelques années des phénomènes climatiques d’une violence qu’on ne connaissait pas avant. En 2010, c’était la canicule en Russie et les incendies. Pendant ce temps-là en Europe centrale, c’était complètement inondé. Et on a eu une canicule ici. L’année dernière, c’est de l’autre côté de l’Atlantique que ça s’est passé, inondations tout le printemps avec incapacité à semer, une canicule derrière, re-inondation à l’automne et même une queue de cyclone qui est passée par le Canada, ahurissant ! Cette année, il est tombé ici depuis un mois 200 mm, du jamais vu, on ne peut pas semer…

 

On est devenu tellement internationaux qu’il n’y a pas une saison où il ne se passe pas quelque chose quelque part ! C’est d’ailleurs la stratégie de Bonduelle d’aller répartir son risque agricole dans des zones différentes, le Nord-Picardie, le Sud-Ouest, l’Espagne, l’Italie, l’Europe centrale... On arrive en général à éviter les gros pépins et à se faire approvisionner par une autre zone.

Pour les épisodes de sécheresse, on a un parti-pris d’irrigation importante. En Europe, 100% de nos hectares de haricots verts ou de maïs sont irrigués. En Amérique du Nord, la politique d’irrigation n’est pas la même du tout. L’agriculture y est beaucoup plus extensive et du coup plus exposée au risque climatique.

 

Aux Etats-Unis vous nouez des contacts avec les agriculteurs pour influencer leurs méthodes ?

C’est complètement dans nos gènes. On est arrivé par le Canada en 2006 et on a observé que la société Carrière rachetée en 2007, rebaptisée depuis Bonduelle Amérique du Nord, investissait très peu dans son rendement agricole. Or il y a toujours eu cette culture chez Bonduelle de considérer que notre métier commence dans les champs, et d’avoir du coup des populations d’ingénieurs agronomes qui sillonnent les plaines, les fermes, à longueur d’années, pour conseiller, décider des jours de semis, gérer les récoltes, porter un diagnostic sur la qualité sanitaire des cultures, etc.

Quand on est arrivé au Canada, ça a été une des premières décisions que de renforcer les ressources humaines dans ce domaine. On a envoyé un responsable agro français pour apporter cette culture de se préoccuper du champ, de la semence, et ce faisant on a amélioré les rendements agricoles. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne fait pas varier nos business models. Mais avec une constante : notre métier commence dans le champ et on investit dans la qualité et la compétitivité dès le champ.

 

Investissez-vous aussi dans la recherche pour une agriculture plus durable ?

Beaucoup et depuis de nombreuses années. C’est vrai dans le domaine de l’énergie, dans le domaine de l’eau, pour en consommer moins, et on a dans nos usines des résultats assez spectaculaires, avec aussi des pratiques d’arrosage dans les champs plus économes.

 

Notre concept à nous, c’est l’agriculture écologiquement intensive. On peut parfaitement être intensif tout en étant économe. Pour développer et améliorer ce concept, on a des fermes pilotes en Picardie. A la ferme de Renescure, on a tout un programme de changement complet de méthodes culturales, sans labour pour limiter l’érosion, faciliter la pénétration de l’eau, entretenir la biodiversité, diminuer les intrants, etc. sans oublier pour autant l’enjeu de compétitivité. Quand vous faites un champ de petits pois à 10 tonnes l’hectare, c’est deux fois moins cher au kilo qu’un champ de petit pois à 5 tonnes l’hectare, mais on peut faire 10 tonnes l’hectare tout en limitant les produits phytosanitaires pour ne pas abîmer la terre, et pareil pour l’eau.

C’est notre concept à nous, qui s’oppose un peu au concept de bio, ce qui ne veut pas dire qu’on ne fait pas de bio puisque les consommateurs nous en réclament.

 

Où en êtes-vous aujourd’hui avec le bio et quelle est la demande ?

On me pose toujours la question du bio et en général elle est suivie par celle sur les OGM. Sur le bio, je réponds qu’on n’y croit pas à très grande échelle, parce qu’on ne nourrira pas la planète et ses 9 milliards d’habitants avec du bio. Qui plus est, le bio est un engagement de moyens et non de résultats. Mais on en fait parce que le consommateur en veut. Et les OGM, c’est le contraire, on y croit parce qu’on ne refuse pas le progrès, à condition de l’encadrer, mais on n’en fait pas parce que le consommateur n’en veut pas ! En général je réponds que l’idéal, ce serait du bio OGM mais c’est difficile à vendre comme idée !

 

Le consommateur n’a pas évolué sur la dimension OGM, y compris en Europe ou aux Etats-Unis ?

Je ne serais pas étonné de découvrir un jour que les Américains ont sciemment organisé cette crise contre les OGM en France : elle leur a permis de prendre 25 ans d’avance sur la recherche. Mais c’est tout à fait personnel et sûrement complètement faux.

La France était très en pointe sur la recherche agricole il y a encore pas si longtemps, elle est maintenant en queue de peloton. Or je n’ai toujours pas compris pourquoi, sur le fond, cette technologie a été à ce point refusée. Je m’explique.

Avant, pour mettre au point des variétés, on procédait par hybridation, en croisant des variétés entre elles pour améliorer les rendements, la couleur, le goût... Des croisements qui auraient pu se passer dans la nature. C’est toute la différence avec la modification génétique, qui consiste à faire des choses qui n’auraient pas pu se passer dans la nature. Comme d’aller chercher un gène d’un poisson d’eau froide et de le greffer sur un haricot vert pour que ce haricot résiste au gel. Par contre, ce qui est plus ignoré, c’est que les technologies du génie génétique permettent d’améliorer les techniques classiques d’hybridation. Comme d’identifier dans deux variétés de haricot vert telle ou telle spécificité génétique et d’organiser le croisement en tâtonnant moins que par l’hybridation classique. Je ne suis pas forcément pour le haricot vert OGM, mais la technologie et les recherches associées permettent d’être plus rapide et donc plus efficace. Tout ce savoir-faire, les Français l’ont perdu.

 

Ça n’empêche pas les semenciers de travailler sur des espèces par exemple plus résistantes à la sécheresse...

C’est là que je ne rigole qu’à moitié quand je dis que l’idéal pourrait être le bio OGM ! Une plante sélectionnée pour ne plus avoir besoin de pesticides, c’est une plante bio !

Mais je ne dis pas que je suis un défenseur actif des OGM ! Ce que je dis, c’est que c’est extrêmement dommage d’avoir abandonné les recherches. Parce que je suis persuadé qu’à 20-30 ans ces technologies-là déboucheront sur les savoir-faire qui permettront de nourrir le monde.

Faire pousser des champs de blé dans le désert, tout le monde en rêve ! A condition d’avoir pris toutes les précautions nécessaires. Mais prendre des précautions, ou appliquer le principe de précaution, ce n’est pas pareil qu’arrêter complètement les recherches. Prétendre qu’on va nourrir 9 milliards d’habitants avec du bio, c’est une utopie !

 

Sur le plan géographique, avez-vous des perspectives ailleurs, par exemple en Asie ?

La réponse est différente selon qu’on parle de production ou de vente. Prenons la Chine, c’est 20% de la population mondiale, mais seulement 10% de la surface agricole mondiale. La Chine a un vrai problème pour nourrir sa population à long terme. D’autant plus que, dans le même temps, les Chinois se mettent à manger du poulet, du bœuf, etc. Et pour élever un poulet il faut 7 kg de grain. Donc l’enrichissement, le changement de régime alimentaire et le défaut de terres agricoles font que la Chine sera structurellement importatrice de produits alimentaires. C’est pour ça qu’on voit des Chinois investir en Afrique.

 

On n’identifie donc pas la Chine comme un pays de production pour nos types de produits. Par contre comme un pays de vente, ça viendra peut-être. Mais ils sont très peu consommateurs de produits élaborés, prêts à l’emploi comme nous les proposons. C’est un pays qui a une énorme culture du produit frais, et plus que frais, vivant, tellement ils ont la hantise de la sécurité alimentaire. D’autre part, il y a une culture base riz énorme. Tout ça fait que ce n’est pas demain qu’il y aura pour nous un gros marché en Chine.

 

L’Inde en revanche est un grand pays agricole, plat en grande partie, tropical et qui peut donc produire toute l’année. Mais les écarts de richesse sont tels qu’il n’y a pas de classe moyenne : les très riches ont du personnel qui épluche, lave et coupe les légumes. Ce qui fait qu’il n’y a pas vraiment de place pour nos types de produits. Ça viendra, on est en veille active, mais ce n’est pas une priorité, et ça tombe bien parce qu’on a suffisamment de lièvres à courir entre le Brésil, les Etats-Unis, la Russie, le Kazakhstan... ce sera pour plus tard.

 

Est-ce que le légume a un avenir rayonnant devant lui ?

On a choisi il y a de ça 30 ans cette stratégie clairement exprimée, formalisée et très transparente : le légume, rien que le légume, tout le légume, sous toutes les formes, etc. L’homme mange du légume depuis des milliers d’années, c’est tellement vieux qu’il y a une trentaine d’années, c’était ringard comme tout.

Mais on y a cru, on a toujours reconnu les qualités intrinsèques nutritionnelles des légumes et on a quelque part anticipé ce qui se passe aujourd’hui : le légume retrouve des lettres de noblesse, et je crois qu’il lui reste de beaux jours devant lui. Mais il reste plein de choses à inventer, plein de technologies à apporter aux légumes, de valeur ajoutée, plein de légumes nouveaux à faire découvrir...

 

Aujourd’hui, avec la crise, est-ce que le fait d’avoir une forte exposition sur la marque n’est pas un handicap ?

Bonduelle a 159 ans d’existence. La marque Bonduelle, 70 ans. Des crises, on en a connues, ce n’est pas ça qui nous fera changer de stratégie. En 2012, c’est un peu plus difficile pour la marque – ça n’a pas été le cas en 2011 – en Europe du Sud, mais ce n’est pas vrai pour l’Europe du Nord, l’Europe orientale, le Brésil où ils ne connaissent pas le mot crise.

On va plutôt chercher à répartir nos risques. L’international en fait partie, la variété des technologies en fait partie – la conserve, le surgelé, le frais 4e gamme, le traiteur –, les marques en font partie – la MDD représente la moitié de notre business donc si on perd en marque on gagne en MDD et vice versa. Les circuits de distribution en font partie : c’est méconnu mais la restauration, c’est 25% de notre chiffre d’affaires. On peut donc parfaitement se permettre de ne pas changer de stratégie.

 

Vos prévisions de résultats sont d’une centaine de millions d’euros...

On ne fait que revenir à la rentabilité d’il y a deux ans. Ce qui est plus inquiétant, c’est la localisation de nos résultats : les 2/3 viennent du hors UE avec seulement 1/3 des ventes !

 

D’où la réduction de votre exposition à la France, comme on a pu le lire ?

Ce n’est pas ce qui a été dit ! L’année prochaine on aura cette particularité d’avoir un tiers de notre chiffre d’affaires en France, un tiers dans les autres pays d’Europe, un tiers hors Europe. C’est une nouvelle géographie de nos affaires.

Le poids de la France forcément va se diluer puisqu’on augmente ailleurs. En France, on est présent dans les quatre technologies, aussi bien en marques Bonduelle et Cassegrain qu’en marques distributeurs, en restauration, même en champignon. Donc la France se développera moins que ce qu’on peut attendre de développement hors de France. Ça ne veut pas dire réduire la France, mais augmenter plus vite le reste, il y a quand même une nuance !

 

La phase de réorganisation de l’outil de production en France est aujourd’hui digérée ?

C’est à peu près au carré. Mais sur 50 usines, il n’y en a que 13 en France. Il n’empêche qu’on reste un exportateur net. On continue à produire 50% en France mais on n’y vend plus que 35%. La part d’exportation au départ de la France a tendance à diminuer. C’est clair que la compétitivité agro-industrielle de la France a plutôt diminué.

 

Ce sont les charges qui pèsent ?

C’est plein de choses. C’est la politique agricole : on considère qu’un bon paysan est forcément petit, quand pendant ce temps-là d’autres pays ont accepté qu’il y ait de grandes fermes industrielles. C’est un mot épouvantable ici industriel, mécanisé ! Mais quand on a en face de nous des Allemands, des Danois, des Brésiliens... Et si vous ajoutez des problèmes de charges sociales – en Allemagne, le taux horaire dans le monde agricole est 30% inférieur à celui de la  France – tout ça ne va pas dans le sens de la compétitivité.

 

Est-ce que le développement des cultures pour le biocarburant vous inquiète ?

Il y a en effet une espèce de parti pris politique de dévier l’utilisation des terres pour des carburants plutôt que pour la consommation humaine, ce qui ne fait qu’accroître le problème de nourrir le monde !

Il faudra quand même choisir : est-ce que l’agriculture, c’est fait pour se nourrir ou pour faire du carburant ? Il vaudrait mieux qu’on modifie nos façons de brûler de l’énergie !

Ça occupe des terres mais ce n’est pas tellement le sujet pour nous, on n’est pas un grand utilisateur en termes de surfaces, 120 000 ha par an, ce n’est rien du tout. En revanche les prix pratiqués ont une incidence sur le prix de nos produits : si on ne s’aligne pas, le paysan préférera naturellement d’autres cultures.

 

Est-ce qu’aujourd’hui ça reste essentiel pour un groupe comme le vôtre d’être toujours un apporteur d’idées et de technologies ?

Le légume a beau être vieux comme le monde, n’importe quelle marque a besoin d’innover, et chez Bonduelle on a un gène d’innovations produit et process assez développé. On est à ce titre assez fier d’avoir une énième fois révolutionner la conserve, avec les gammes vapeur. Des conserves sous vide, ça paraît simple mais ça ne l’est pas et ça change tout : ça fait des produits beaucoup plus croquants, avec une couleur mieux préservée, une richesse nutritionnelle améliorée, etc. C’est ce qu’on est en train de déployer en Europe après le succès rencontré en France.

On dédie à la R&D 1% de notre chiffre d’affaires, beaucoup plus que la moyenne alimentaire qui est de 0,4% du CA. On est à deux fois et demi ça, pour innover à la fois en produits, en packaging, en process, avec une qualité et un service toujours améliorés.

 

Et votre objectif, c’est de grossir toujours ? Ou comme certains visez-vous plus les marges, le bien-être des salariés, plus que la croissance ?

La croissance nourrit la fierté, le bien-être, les opportunités de carrière, etc. On a un objectif de croissance qui se veut raisonnable, de la même façon qu’on a un objectif de rentabilité de nos capitaux raisonnable. On croit beaucoup plus à une croissance régulière mais qui s’inscrit dans le temps ; du 5-6% par an, ce n’est pas si mal. C’est une philosophie, on est des paysans, et ça fait 160 ans que ça dure.

Un des trois objectifs d’actionnaires, avec l’indépendance et la pérennité, c’est l’épanouissement des collaborateurs. Cet épanouissement passe par les opportunités de carrière, la mobilité... alors on continuera à faire de la croissance.

 

Quand êtes-vous devenu leader mondial ?

Je n’en sais rien, on l’est devenu sans nous en apercevoir. C’est facile d’être leader mondial, il suffit de définir le périmètre. Personne dans le monde ne fait le métier du légume sous toutes ses formes comme on l’a défini. Du coup on s’est découvert leader mondial du légume prêt à l’emploi. Personne ne fait des salades en sachet et des conserves de petits pois et des poêlées surgelées, etc. Il n’y a pas grand monde qui fasse 2 Mds de chiffre d’affaires rien que de légumes.

Mais leader mondial, ce n’est pas un but en soi, le but c’est de croître, d’avoir des collaborateurs heureux, d’être rentable parce qu’il faut bien vivre et investir.

 

Et vous retrouvez la confiance des actionnaires, le cours de bourse se tient plutôt pas mal.

Il est 25% moins cher qu’il y a 5 ans. On cote à la valeur de nos fonds propres ! C’est vrai que depuis le début de l’année on s’est plutôt mieux comporté que d’autres mais on s’était plus effondré que d’autres avant, alors...

On est une entreprise familiale qui s’est organisée pour le rester. La bourse, c’est bien, mais ça n’est certainement pas l’instrument de pilotage au jour le jour, on est là pour du long terme. A la question « si c’était à refaire est-ce que vous iriez en bourse », je réponds régulièrement, il y a des grosses contraintes à être en Bourse, de communication, de transparence stratégique... A l’inverse il y a des avantages : depuis qu’on est en bourse, il ne se passe rien dans le légume dans le monde sans qu’on soit au courant, on est allé chercher des modes de financement aux Etats-Unis auxquels on aurait plus difficilement accédé si on n’avait pas été en bourse, etc. Il y a du pour et du contre. Mais à aucun moment l’introduction en bourse n’a signifié qu’on avait décidé de vendre Bonduelle.

 

Quelle est la part détenue par la famille ?

On est à 51 ou 52% mais ça n’a pas tellement d’importance dès lors qu’avant d’entrer en bourse on s’est mis en commandite, donc la notion de majorité n’existe pas. Les actionnaires commandités représentent aujourd’hui un petit 30% du capital, ils renoncent à leurs dividendes, à la cessibilité de leurs actions, etc. Bref, la famille s’est organisée pour contrôler durablement l’entreprise. Parce qu’on y croit.

 

 

BIO EXPRESS

1959

Naissance

1982

Edhec

1985

Entre chez Bonduelle

1989-92

Dirige la filiale espagnole

1993

Directeur général du groupe

2001

Président

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