CHRU de Lille : attention poids lourd économique

Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France

Fleuron de la médecine française de haut niveau et de la recherche, le centre hospitalo-universitaire de Lille est aussi un acteur autant majeur que méconnu de notre économie régionale. Un CHRU en bonne santé financière, qui investit lourd et qui embauche par centaines d'emplois. Eco121 a voulu mesurer le poids de cette puissance socio-économique considérable au cœur de la métropole. Plongée au cœœur de l'entreprise CHRU. 

 

 

 

 

Le CHRU, tout le monde connaît. Une vraie ville dans la ville, un labyrinthe de bâtiments dans un campus de 170 hectares où les patients se perdent souvent – et les journalistes aussi, parfois. Un point nodal aussi pour les embouteillages de la métropole lilloise, diront les grincheux. Ce haut lieu de la médecine de pointe a régulièrement les honneurs des palmarès nationaux. Le mois dernier, notre CHRU recevait les lauriers de l'hebdo le Point, qui le classait numéro un français devant son homologue de Toulouse. Le centre lillois est même à la pointe mondiale dans certains domaines comme les maladies infectieuses chroniques de l'intestin, les maladies infectieuses et pulmonaires, notamment. Et certains médecins lillois ont acquis une notoriété mondiale, tels François Pattou, Philippe Froguel ou Didier Leys, parmi d'autres.

 

Superpuissance économique locale

Mais derrière cette performance médicale que beaucoup d'habitants de la région ont pu vivre dans leur chair, une dimension capitale du CHRU est pourtant largement méconnue : l'hôpital lillois est ni plus ni moins la première entreprise régionale. De très loin le premier employeur avec ses 15 000 salariés, dont 600 recrutés ces dernières années. Une puissance d'achat similaire voire supérieure à beaucoup de collectivités, avec 400 M€ injectés chaque année, dont un quart en investissements. Un poids déterminant dans la recherche, avec un budget spécifique de 55 M€€. Bref, une superpuissance économique locale.
L'impact sur le tissu régional est donc majeur, même si l'hôpital manque d'indicateurs sur ce point.D'abord parce que, contrainte par les règles strictes de la sphère administrative, la commande publique ne peut pas être fléchée localement. L'emploi induit, indicateur classique que calculent régulièrement les bases militaires ou les centrales électriques par exemple, est inconnu mais sans doute très important.
Les emplois directs donnent eux-mêmes le tournis. Pour assurer en régie directe les repas des 3000 lits du CHRU, une cuisine centrale de taille industrielle emploie rien moins que 200 personnes. Pour traiter les 18 tonnes quotidiennes de linge, ce sont 130 salariés qui s'affairent. « La priorité est d'opérer en interne, mais il faut prouver que, comparativement à l'extérieur, notre niveau d'efficacité est adapté», explique Philippe Mayjonade, directeur des pôles hôteliers (et ancien cadre dirigeant d'Eurodisney), en charge de l'accueil des 1,6 million de patients chaque année, mais aussi des 3 à 4 millions de visiteurs et accompagnants. C'est lui qui pilote par exemple l'implantation de 2 000 terminaux multime?dias dans les chambres, qui permettront aussi bien l'accès à la télévision, au téléphone et à Internet, mais aussi au dossier médical du patient par les soignants. Un enjeu de 6,4 M€€.

 

 

Investissements au superlatif
Car les investissements sur le campus se conjuguent au superlatif. Les grues et engins de chantier n'arre?tent jamais. Le centre des réanimations et des grands brûlés, tout juste inauguré par Marisol Touraine, aura coûté la bagatelle de 56 M€€. La restructuration programmée du pôle cardiaque, pulmonaire et vasculaire pèsera quant à elle...162 M€€ ! Au total, le CHRU a prévu de mobiliser 422 M€€ entre 2013 et 2017. Cette ambition est permise par une gestion serrée, une direction des achats très rigoureuse, et des comptes équilibrés. Quand quatre suicides en quinze jours ont endeuillé le personnel en 2012, la CGT n'avait d'ailleurs pas hésité à établir le parallèle avec un contexte de maitrise comptable.

 

Les dépenses à la moulinette
Toujours est-il que l'ho?pital lillois fait partie des bons élèves français, quand beaucoup d'établissements affichent des déficits. La logique économique est assumée dans la mécanique des achats de l'établissement. Les objectifs sont ambitieux puisque l'hôpital compte économiser 4 M€€ par an sur ce poste majeur - le deuxième après la masse salariale - dans le budget de l'hôpital. Depuis fin 2010, celui-ci s'est doté d'une direction des achats qui passe à la moulinette chaque centime dépensé : maintenance, exploitation, prestations intellectuelles, formation, conseil, produits alimentaires, hélicoptère, logistique, hôtellerie. « On ne peut pas acheter avec efficience si en amont on n'a pas fait d'e?tudes de marché et décomposé les structures de prix des fournisseurs », analyse Jean-Pierre Bailly, directeur des achats et ancien du privé, lui aussi.
S'il gère au plus serré, le CHRU ne manque pas pour autant d'ambitions, comme nous l'explique son directeur Yvonnick Morice (lire ci-après). Mais même si plusieurs laboratoires d'excellence (Labex) ont été décrochés, il a pour l'instant manqué le rendez-vous des projets d'Instituts hospitalo-universitaires (IHU) décidés dans le cadre du grand emprunt, qui aurait apporté 50 à 60 M€€. Une nouvelle vague se prépare et le CHRU entend bien cette fois convaincre le jury international avec une gouvernance améliorée. Selon nos sources, le nouveau thème pourrait porter sur les problématiques métaboliques et leurs conséquences vasculaires. Un enjeu bien plus que symbolique – au-delà des crédits attendus- qui viendrait consacrer l'expertise lilloise et surtout sa visibilité et son rayonnement.

 

 

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