Thrombose routière : renverser la table ?

Abdoulaye Traoré, dirigeant d'Urban Labs Technologies, Damien Castelain, président de la MEL, et Philippe Hourdain, président de la CCI Hauts-de-France. Abdoulaye Traoré, dirigeant d'Urban Labs Technologies, Damien Castelain, président de la MEL, et Philippe Hourdain, président de la CCI Hauts-de-France.

Le 9 janvier, Eco121 organisait dans les locaux d'Humanis à Lille son Club Eco121 sur le thème de la thrombose routière. Autour de la table : Damien Castelain, président de la MEL, Philippe Hourdain, président de la CCI Hauts-de-France, et Abdoulaye Traoré, dirigeant d'Urban Labs Technologies à Valenciennes. L'occasion pour eux d'échanger sur les pistes à maintes reprises envisagées contre ce point noir de l'économie et du quotidien régional.

Dans son livre blanc en 2015, la CCI Grand Lille évaluait à 1,4 Md€ par an le coût des embouteillages dans la métropole lilloise. Depuis, l'enjeu est toujours aussi vital. Heures de travail perdues, rendez-vous manqués voire marchés perdus, neuf dirigeants sur 10 déplorent un coût économique pour leur entreprise d'après le sondage de Market Audit publié dans les colonnes d'Eco121 en juin 2018.

Le trafic s'amplifie et ne montre aucun signe de ralentissement, sur fond de mauvaises performances en terme de pollution de l'air. Le 15 décembre dernier, Lille a d'ailleurs franchi la barre alarmante des 60 jours de pics de pollution aux particules très fines. Les plus dangereuses pour la santé et liées en partie... aux véhicules diesel.

Projets enlisés

« En 30 ans, rien n'a été fait ! », tonne le président de la CCI régionale. Selon qui aucune infrastructure ne sera proposée et installée avant des années sans une appropriation du sujet par les entreprises et les décideurs politiques. « C'est une problématique générale, il faut réfléchir en terme d'attractivité et d'échanges. A l'heure actuelle, on n'est pas au rendez-vous et cela nous coûtera cher. Nous devons nous ressaisir, bâtir un écosystème et innover », préconise-t-il.

Pourtant, ce ne sont pas les projets visant à améliorer la situation qui manquent. Mais tous rencontrent des obstacles majeurs à leur concrétisation. Le tramway vers l'aéroport de Lesquin - promesse de Damien Castelain - est à l'arrêt. Même s’il assure être « toujours d’actualité ». Idem pour le Réseau Express Grand Lille, le RER Lille - Bassin minier ou encore le téléphérique de Lille Sud. « On n'a plus le temps d'attendre », reconnaît le président de la MEL. « Malheureusement nous n'avons plus cette capacité financière d'autrefois. C'est pourquoi j'ai voulu diminuer de 17 M€ la délégation de service public (DSP) transports pour pouvoir les réinjecter dans de nouvelles infrastructures lourdes. » Mais force est de constater que rien n'évolue ! 

Nouvelles expérimentations

Le péage positif, inspiré du modèle fructueux de Rotterdam, permet là bas d'y soulager les principaux points de saturation avec une baisse de 5 à 7% du trafic aux heures de pointe. Ce projet a lui aussi rencontré sur sa route des embûches. Alors que la MEL prévoyait sa mise en place pour fin 2018, la CNIL y a mis un premier coup de frein avant d’être stoppé net fin novembre par le gouvernement qui a supprimé l’expérimentation de son projet de loi d’orientation des mobilités dans lequel se trouvait le sujet du péage positif. « Il y a un réel manque de cohésion générale. Résultat, tout est bloqué ! », déplore Damien Castelain, qui se retrouve avec Philippe Hourdain pour juger nécessaire « de renverser la table pour enfin avancer ».

Toutefois, la MEL ne s’avoue pas vaincue en matière d’expérimentation. A la mi-décembre, elle a passé la première sur la navette autonome. Une innovation en France. Pendant un an, deux minibus électriques automatiques sillonneront le campus de Villeneuve d’Ascq, toutes les 10 minutes en heures de pointe et 20 minutes en heures creuses. Le dispositif pourrait même être déployé dans les parcs d’activité de la métropole.

L’IA, la solution ?

A Valenciennes, la société Urban Labs Technologies travaille depuis fin 2017 sur le traitement des données pour comprendre les comportements et les prédire, notamment sur les trajets domicile-travail et inversement. « Tout le monde parle de Smart City. Mais une Smart City n'est pas seulement une ville où tout connecté, c'est aussi une ville dans laquelle on ne met pas 10 minutes pour aller chercher son pain ! », assure le dirigeant Abdoulaye Traoré. Son entreprise a d’ores et déjà mis en lumière quelques scénarios suite à l’analyse de statistiques. « Contrairement à ce que tout le pense, l’arrêt de la Gare n’est pas la station stratégique de Valenciennes mais celui de l’Espace Villars », avance le jeune homme. Preuve à l’appui : selon lui, la suppression de cet arrêt conduirait de facto à une hausse du trafic... de 2 heures !

Une partie de la réponse à cette question crispante de la congestion routière pourrait donc bien se cacher dans l’intelligence artificielle. De son côté, à défaut d’un péage positif concluant, Damien Castelain en profite pour annoncer en exclusivité la proposition fin janvier « du covoiturage positif ». L’idée ? Offrir une contribution financière aux conducteurs et aux passagers qui partagent leur trajet. « On évalue à 1,1 passager par voiture sur l’autoroute aujourd’hui. Il faudrait que l’on arrive à deux par voiture demain », espère t-il. Chiche !

Julie Kiavué

 

Un compte rendu complet des échanges de cette table ronde sera restitué dans les colonnes du prochain numéro d’Eco121. Le Club Eco121 est un cycle de rencontres thématiques sur tout le territoire régional soutenu par la Caisse des Dépôts et Consignations, EDF et Humanis.