Entre vocation sociale et exigence de rentabilité, quel avenir pour l'ESS ?

Damien Vandorpe, Dg de Floralys résidence, Christophe Itier, Haut commissaire à l’ESS, Gregory Lelong, vice-président de Valenciennes métropole, et Olivier Ducuing directeur de la rédaction d’ECO121. Damien Vandorpe, Dg de Floralys résidence, Christophe Itier, Haut commissaire à l’ESS, Gregory Lelong, vice-président de Valenciennes métropole, et Olivier Ducuing directeur de la rédaction d’ECO121.

L'économie sociale et solidaire, qu'est-ce que c'est ? Le secteur recouvre une réalité hétérogène qui va des banques mutualistes jusqu'à la petite association d'insertion. Un univers dont le poids dans l'économie française est considérable avec plus de 11% de l'emploi privé. Un secteur confronté à une demande sociale qui n'a jamais été aussi grande mais qui manque cruellement de moyens dans un contexte de disette budgétaire. Aussi, l'ESS est-elle contrainte de réinventer son modèle économique, avec en arrière plan des enjeux majeurs sur la cohé- sion sociale. Le secteur voit, impuissant, ses subventions s'amoindrir avec en parallèle une inflation règlementaire et norma- tive. Un effet de ciseaux qui contraint les structures à se profes- sionnaliser et à hisser leurs exigences managériales. « La réglementation est clairement galopante ! Certaines mesures sont justifiées mais elles poussent parfois les associations à distraire une partie de leurs budgets pour créer de nouvelles fonctions inexistantes auparavant ; une qualiticienne, un gestionnaire des risques... », pointe le directeur de Floralys Résidence Damien Vandorpe. Sa structure associative compte cinq Ehpad sur le Douaisis et à Cambrai et emploie 250 salariés pour 379 lits. Il a déjà vécu ce mouvement de réglementation dans son ancien métier d’assureur.

Une professionnalisation coûteuse RGPD, sécurisation des dossiers médicalisés, lutte anti incendie, agrément... : face à ces défis croissants et à des ressources limitées, une des solutions passe par des gains de productivité grâce à des effets de taille, l'abandon des pra- tiques peu productives, le changement d'organisation, l'opti- misation tous azimuts, estime Damien Vandorpe. "Au vu de la taille de notre structure, nous pou- vons y arriver. En revanche, j'émets une réserve quant aux plus petites associations, dépendantes des subventions."

Dans quelques semaines, il présentera d'ailleurs à ses instances de nouveaux schémas de diversification et de croissance externe, tout en gardant dans le viseur la professionnalisation des services pour répondre à l'exigence de qualité. Une mutation coûteuse en temps et en argent. « On s’inquiète tous les jours car les budgets n’augmentent pas. On ne peut pas demander aux familles de nos résidents de payer plus ! », avertit le directeur de Floralys Résidence.

D'autant plus que le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires (CITS) comme le CICE sera supprimé le 1er janvier 2019 au profit d’un allègement des charges sociales - au grand regret des associations, fondations et autres sociétés de l’ESS déjà dotées de fonds propre insuffisants, et qui en appellent à une compensation équivalente.

Un Pacte de croissance

Le gouvernement planche sur la question pour apporter de nouvelles solutions. C'est Christophe Itier, nommé haut commissaire à l'ESS il y a tout juste un an, après avoir modernisé et développé la Sauvegarde du Nord, qui pilote le dossier. "C'est un vrai gisement en terme d'emplois... des emplois durables et non délocalisables", défend-il, avant de dérouler son train de réformes. Sa feuille de route repose sur deux leviers majeurs. Le premier appelé « Pacte de croissance », composé de 100 mesures, s’articule autour de cinq volets : la promotion de l’ESS auprès des décideurs et du grand public, la définition des leviers de croissance des entreprises de l’ESS (en déverrouillant par exemple quelques aspects de la réglementation), favoriser l’innovation sociale, faciliter la création et l’accompagnement vers les emplois de l’ESS et, dernier volet, promouvoir cette économie à l’échelle de l’Europe voire au-delà.

"French Impact"

Le second levier d'action est le « French Impact ». Une idée calquée sur le modèle de la French Tech, et un anglicisme assumé par le Monsieur ESS du gouvernement. « L’ESS est dans le même cas que la French Tech il y a cinq ans : nous avons les talents, les performances françaises en termes d’économie sociale et solidaire, mais personne ne le sait ! », déplore t-il. Le French Impact repose sur trois piliers. Simplifier la règlementation, favoriser le financement et percoler dans les territoires. Des fonds d’amorçage (constitués à partir de fonds privés) devraient être mis en place pour financer la croissance des entreprises de moins de 3 ans. « Un premier fonds d’une vingtaine de millions d’euros verra le jour d’ici à la fin de l’année. Il sera porté à une soixantaine de millions d’euros d’ici à fin 2019 », annonce Christophe Itier. Les entreprises de plus de 3 ans devraient quant à elle bénéficier de l’accompagnement de l’Etat pour leur développement sur le territoire national. Avec sur la table, une enveloppe de financements publics et privés à hauteur de 1 Md€ au cours du quinquennat. Mais ce pacte de croissance doit d'abord être validé par Bercy avant d’être présenté en conseil des ministres probablement courant octobre. Côté réglementation, Christophe Itier veut déployer un réseau de « hackers publics » au sein des ministères et des préfectures : des fonctionnaires chargés d'identifier les difficultés rencontrées par les acteurs de l’ESS et les aider à les surmonter.

Enfin, dernière mesure, le lancement d’un appel à manifestation d’intérêt général aux territoires. « Nous leur avons demandé de se réunir autour de la table, de créer une gouvernance collective, d’établir un diagnostic de leur territoire et de définir 3 défis chiffrés. Par exemple, réduire de 50% les décrocheurs scolaires en quatre ans », détaille t-il. A l’Etat par la suite d’aider ces territoires à résoudre leurs problématiques et à relever leurs défis.

Valenciennois : l'ESS comme levier de développement local

Environ 15% de chômage, 17 000 chômeurs dont un grand nombre de longue durée, 4 100 bénéficiaires du RSA... Le Valenciennois, comme tout le bassin minier, affiche une situation sociale très lourde. Le territoire a engagé depuis 2016 une réflexion collective sur son développement économique, prenant en compte le champ de l'ESS. Qui représente près de 500 structures sur l’arrondissement, 7 500 emplois en croissance de +8% depuis 2006. A l'issue d'un diagnostic mené durant un an, l'agglo s'est donné comme mission de faciliter les échanges au sein des acteurs de son tissu associatif - fort mais peu connu, entre ce dernier et les habitants, mais aussi d'accompagner les structures sociales dans leurs recherches de fonds et leur professionnalisation. "Parfois il suffit d’un petit déclic pour aider les structures de l'ESS en grandes difficultés, selon le maire de Condé-sur-l'Escaut et vice-président de Valenciennes Métropole Grégory Lelong, délégué à l'insertion et à l'emploi. Avec Nord Actif, par exemple, nous avons mis en place « Finance ça tourne », où les porteurs de projets rencontrent des financeurs et des aidants. Et le succès était au rendez-vous." Les dispositifs d'aides financières ne manquent pas. En revanche, la communication est l'une des lacunes du territoire, juge t-il.

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