Conjoncture : Enormes cumulo-nimbus à l'horizon

Au terme d'une large enquête de conjoncture, les perspectives économiques s'assombrissent très fort et très vite. 31% des entreprises évoquent un impact fort du coût de l'énergie. 42% des entreprises remettent en cause leurs projets d'investissements.

« Le moral est au plus bas, la trésorerie des entreprises aussi. Ce n'est pas un bouclier qu'il va falloir, mais un parachute pour éviter de s'écraser ». Le président de la chambre des métiers et de l'artisanat, Laurent Rigaud, n'y va pas avec le dos de la cuiller pour commenter le retournement de conjoncture induit par la crise de l'énergie. Il faut dire que les indicateurs basculent au rouge vif, dans la toute dernière enquête de conjoncture menée par la CCI Hauts-de-France

2 400 chefs d'entreprises qui répondent à un sondage, on peut dire que l'échantillon est plus que représentatif. Ce qui rend encore plus impressionnants les résultats de l'enquête de conjoncture lancée par la CCI Hauts-de-France, suite à la crise de l'énergie. L'état d'esprit des dirigeants vire d'abord clairement au pessimisme pour 58% d'entre eux. Un climat qui s'appuie aussi sur une réalité : un tiers des entreprises a vu son chiffre d'affaires reculer, avec une moyenne de repli de 22% au troisième trimestre par rapport à l'an dernier. Les tensions se traduisent aussi sur la trésorerie. 27% des dirigeants évoquent une mauvaise situation sur ce chapitre, un ratio qui monte à 36% dans le commerce de détail. Plus du tiers des chefs d'entreprise indique aussi une chute de fréquentation au troisième trimestre, un niveau qui s'envole à 48% dans le commerce de détail ou 40% dans le commerce de gros. 

 

Un industriel sur deux pourrait remettre en cause ses investissements

Les chefs d'entreprise sont 41% à tabler sur une stabilisation au quatrième trimestre 2022, près d'un sur cinq  mise sur une augmentation, et 23% s'attendent à une dégradation. Ce niveau est bien plus fort dans certains secteurs comme l'industrie (27%) ou les hôtels, cafés et restaurants (35%). Un contexte qui n'est pas de nature à rasurer pour les projets d'investissements. 28% des répondants ont un investissement en vue, mais 42% d'entre eux envisagent de le remettre en question au vu de la situation générale. Un niveau qui approche 1 pour 2 dans l'industrie, le CHR ou le commerce inter entreprises.  

D'autant plus que les difficultés affluent de toute part. 48% mettent en avant la hausse des matières premières, avec un pic dans la construction (73%) l'industrie (66%) et encore le secteur HCR (66%). Viennent ensuite les coûts des transports (39% sont fortement impactés), la baisse du pouvoir d'achat, et encore les difficultés de recrutement pour un quart des répondants. 

 

Plus d'une entreprise sur cinq menacée 

Compte tenu de ce tableau, on ne s'étonnera pas que 21% des dirigeants d'entreprises évoquent un risque pour la pérennité de leur entreprise (trois points de plus qu'en juin), avec là encore un niveau alarmant dans le CHR (31%) et le commerce de détail (26%). 

La crise de l'énergie proprement dite représente une pression très forte pour nombre d'entreprises. 31% parlent d'un impact fort (70% en transport logistique, 51% dans le CHR) et 45% d'un impact modéré. 

Quelles conséquences ? Pour 77% des dirigeants, le premier effet est le recul des marges, devant la dégradation de la trésorerie (66%) et l'augmentation des prix pour les clients (66%). Mais pour 20% des entreprises, la conséquence est la baisse de la production (17%, mais jusqu'à 25% dans l'industrie et 26 % en CHR) ou son arrêt pur et simple (3%). Les entreprises sont nombreuses à avoir engagé des actions de sobriété énergétique, mais 32% n'ont mené aucune action, et presque une sur deux est dans ce cas dans le secteur transport logistique (47%). L'enquête fait aussi apparaître que 33% des entreprises n'ont même pas sensibilisé leurs équipes aux gaspillages énergétiques et que les deux tiers disent ne pas savoir vers qui se tourner dans ce domaine. 

 

"La confiance n'y est plus"

Pour Philippe Hourdain, président de la CCI de région, ce qui ressort de ce baromètre est un climat d'incertitude très fort qui pèse sur le moral des entrepreneurs. "Il y a un effet terrible : l'économie c'est la confiance, là elle n'y est plus". L'élu consulaire évoque en outre des cas individuels catastrophiques tel cet industriel dont la facture énergétique devait passer de 3M€ à 22 M€, au-delà même du montant de sa masse salariale. 

Eric Feldmann, président du tribunal de commerce de Lille Métropole, vit un rythme de défaillances d'entreprises encore en repli par rapport à 2019. Des défaillances qui ne sont pas encore liées à la crise énergétique. En revanche, les procédures amiables sont en forte croissance, notamment les mandats ad hoc, avec cette fois les premiers effets des coûts de l'énergie. Le président du tribunal souligne "un effet double ciseau" de chute des commandes et des chiffres d'affaires "avec des trésorerie de plus en plus exsangues" et des entreprises qui doivent en parallèle rembourser leurs PGE. Eric Feldmann note aussi une attitude des énergéticiens parfois très abrupte qui ne veulent pas prolonger de contrats d'énergie. La montée en régime des défaillances devrait en outre être alimentée par la reprise des assignations en redressement judiciaire des URSSAF qui avaient gelé ces procédures depuis la crise sanitaire.

L'Etat a certes mis en place des mesures sur la crise énergétique mais encore peu utilisées, et d'autres devraient arriver à partir du premier janvier à travers la nouvelle loi de finances. 

"Il faudra un bouclier tarifaire énergie pour les entreprises, pas seulement les énergo-intensives. La réponse doit être nationale et européenne", lance Xavier Bertrand, président de Région, qui préconise aussi d'ouvrir la possibilité de mettre en place des contrats de très long terme avec EDF, qui permettrait "un prix qui serait grosso modo le prix de sortie de crise alors que le prix du marché spot est à 200 €". En attendant, la CCI de Région et la Chambre des métiers et de l'artisanat mettent en place deux numéros d'urgence pour les entreprises en difficulté.

Pour les entreprises : 03 20 63 79 00

Pour les artisans : 09 72 72 72 07

 

 

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