Des patrons à la limite de la rupture

La cellule mise en place par le Medef Lille Métropole pour prendre soin des dirigeants en grande souffrance psychologique connaît une montée en puissance spectaculaire édifiante.

Mise en service dès le lendemain de l'annonce du confinement par le président de la République en mars dernier, la cellule psychologique du Medef Lille Métropole a montré toute sa pertinence. Pas moins de 400 personnes ont été suivies depuis lors, avec une montée en charge spectaculaire après le deuxième confinement. « On en a récupéré qui étaient au bord du précipice », note Sébastien Fournier, directeur général du service social du travail de la région Nord (SSTRN). « Un patron peut descendre très bas moralement, mais il peut aussi remonter très vite », poursuit-il, non sans s'alarmer d'une évolution récente, l'apparition de comportements méchants et d'attaques personnelles, de radicalisation. « Le seuil de tolérance a fortement baissé, qu'il s'agisse du salarié envers le patron, du patron avec les salariés, des clients envers les fournisseurs et inversement, le tout nourri par des éléments de stress ». Résultat, un niveau d'accompagnement intense pour nombre de dirigeants, tel ce patron qui en est à son 14ème rendez-vous, du jamais vu. « C'est la première fois que je constate une situation aussi tendue ».

Un coaching est mis en place pour permettre une décharge émotionnelle, mais aussi travailler sur la communication non conflictuelle. « Il faut réapprendre à parler avec de nouveaux codes ». Initialement dédiée aux chefs d'entreprise, la cellule psychologique a été progressivement étendue aux N-1 et N-2, les cadres supérieurs. « On s'est rendu compte d'un besoin chez une population où il est tabou de dire « je ne vais pas bien », notamment les DRH et les directeurs généraux ». Au vu des perspectives insistantes de nouveau confinement, la cellule a manifestement encore de beaux jours devant elle.

Lors de l'audience solennelle de rentrée du tribunal de commerce Lille métropole, son président évoquait lui aussi très explicitement l'état moral des chefs d'entreprise, plus particulièrement ceux dont l'activité est ou a été fermée. « Peut-on imaginer l'extrême détresse, l'extrême sentiment d'être interdit de travailler, l'incertitude teintée d'angoisse aboutissant au désespoir que doivent ressentir tous ces entrepreneurs ? Vous vous levez un beau matin, vous vous regardez devant la glace, et vous vous dites : je ne suis pas essentiel !», décrivait Eric Feldmann, mettant en cause très directement « un classement arbitraire » marqué par « une absence d'humanité froide (...) », « fruit d'une cogitation énarchique hors sol et totalement inappropriée ».

 

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