La logistique régionale en plein boom

2018, année de maturité pour le secteur logistique ? Le directeur du pôle d'excellence Euralogistic Laurent Desprez en est convaincu. "Je n'ai jamais vu une aussi belle courbe d'implantations depuis les années 90 - début 2000", dit-il. L'exercice 2017 a montré pour le seul Nord-Pas-de-Calais une dynamique spectaculaire : pas moins de 356 000 m2 placés, selon le cabinet Tostain & Laffineur, et plus de 2,3 millions de mètres carrés en construction ou à construire ! L'objectif des présidents successifs de la Région, depuis Michel Delebarre, à l'origine du projet Delta 3, à Xavier Bertrand, en passant par Daniel Percheron, d'affirmer la région comme un hub logistique européen, devient peu à peu réalité. Une vocation qui s'appuie sur une réalité géographique extrêmement favorable d'une région aux portes de l'Europe du Nord et dotées d'une grande densité d'axes de communications et d'infrastructures (lire encadré). Le secteur pèse désormais trois fois plus de salariés (157 000) que l'industrie automobile, soit près de 14 % de l'emploi salarié privé des Hauts-de-France. Il s'agit d'une vague de fond, au-delà d'une année très favorable. Les projets d'envergure se multiplient tous azimuts. Dès cet été, Intermarché bénéficiera d'un nouvel entrepôt flambant neuf de 66 000 m2 dans la zone des Quatorze à Avion. De son côté l'australien Goodman mène un développement considérable.
Dans les mois à venir, il prévoit la construction d'entrepôts de 8 ha dans le Hainaut, d'environ 6,8 ha à Brebières (le permis de construire a été déposé en mairie début mai), de 5,5 ha à Senlis et de 3 ha à Avion. Il sortira également de terre 158 000 m2 de parc logistique à Lambres-lez-Douai à proximité de l’usine Renault, après quatre premières implantations menées à bien sur 210 000 m2 à Lauwin-Planque et occupées par Kiabi, Log’s, Leclerc, Bigben Interactive et Amazon.
L'an dernier le géant américain de la vente en ligne Amazon s’était offert un entrepôt de 107 000 m2 à Boves, près d'Amiens. Quatre ans seulement après l’implantation de son centre de distribution de 90 000 m2 à Lauwin-Planque. A Cambrai, l'ancienne base aérienne 103 fermée depuis cinq ans accueillera à court terme e-Valley (lire par ailleurs). Un projet de 750 000 m2 d'entrepôts bâtis «en blanc» porté par BT Immo Group. Preuve de la confiance du P-dg David Taïeb en l'avenir de la logistique et de la supply chain en région.

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6000 recrutements en 2018
Laurent Desprez souligne que la logistique est devenue un métier de "qualité et fiabilité". Et qui nécessite des diplômes et des compétences précises notamment celles liées aux technologies. Au demeurant, la santé florissante et la montée en qualification du secteur ont une contrepartie : des besoins de recrutement très importants. L'enquête annuelle sur les besoins de main d'œuvre (BMO) en région menée par Pôle Emploi fait apparaître près de 6 000 recrutements attendus par les professionnels cette année pour les ouvriers non qualifiés de l’emballage et les manutentionnaires (dont 3 766 projets non saisonniers). Encore faut-il que les entreprises parviennent à trouver les collaborateurs formés aux exigences de la logistique, encore peu considérée par les jeunes et les demandeurs d’emploi. C'est tout le paradoxe, il y a des postes à pourvoir mais peu de candidats. Aux professionnels désormais de redorer l'image du secteur et le rendre plus attractif pour attirer les talents. C'est l'une des ambitions du Campus Euralogistic, basé sur la plateforme Delta3 de Dourges, qui les accompagne depuis quelques années. Il impulse des actions de mise en réseau, comme un cluster d'entreprises, des «business meetings»... et est à l'origine d'un rendez-vous devenu incontournable de l'emploi logistique, le forum annuel Log & Play. S'y rencontrent professionnels de la logistique, jeunes, personnes en reconversion et chômeurs. Lors de la 6e édition en avril dernier, plus de 2 000 offres d'emploi de chauffeurs, caristes, préparateurs de commandes ou chefs d'équipe ont été proposées en une seule journée. L'an dernier la barre est passée au-dessus des 3 000 offres. Dont un tiers chez Amazon, qui créera encore 500 CDI uniquement pour son site de Lauwin-Planque dans les mois à venir. Euralogistic forme également près de 2 500 personnes chaque année du niveau CAP au master, tous profils confondus. Et pourtant, parmi les entreprises du secteur qui prévoient d'embaucher, plus d'une sur deux s'attend à des difficultés de recrutement.

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Hauts-de-France : une vocation logistique évidente

La région combine des atouts indéniables. Primo, sa position géographique. Porte d’entrée de l’Europe logistique du Nord, elle est au cœur de grandes métropoles à fort pouvoir d’achat ; Paris, Londres et le Benelux. Soit un bassin de près de 80 millions de consommateurs dans un rayon de 300 km. Une place stratégique de barycentre recherchée par les acteurs pour minimiser leurs coûts notamment de transport. Un positionnement qui explique aussi l'importance du secteur de la distribution et de la CVAD dont la région fut le berceau. Secundo, la région dispose d'une façade maritime de premier plan de 200 km avec ses trois ports, jugée comme la première de France en tonnage. Tout cela consolidé par de grands aéroports à moins de 2 heures, d'un maillage autoroutier dense et d'un réseau ferroviaire et fluvial important. Que viendra renforcer en 2023-2024 le futur canal Seine-Nord-Europe, long de 107 km, qui reliera le bassin parisien au réseau fluvial européen.
Autre as dans la manche de la région, sa forte disponibilité foncière. Les terrains plats favorisent la construction de bâtiments à des coûts moins élevés et les sites pollués peuvent aisément être reconvertis en sites logistiques, selon Laurent Desprez. Delta 3, dont le terrain accueillait auparavant une ancienne friche minière, en est l'exemple. Ad extremum, la forte main d'œuvre disponible et adaptable aux métiers de la logistique offre un gisement important d'emplois à des entreprises en forte demande.