Dossier Logement : Relancer le moteur au plus vite !
Le secteur immobilier est encalminé. La construction est en berne, les prêts en panne. Le logement s'est installé dans une grande atonie. Conscient de l'acuité du problème, le gouvernement annonce un assouplissement de l'accès au crédit. Il est temps. Car la demande est toujours forte. Si certains segments du marché comme le haut de gamme ou la résidence secondaire résistent bien à la morosité, il est urgent de desserrer l'étau.
Gros temps pour le secteur immobilier. Toute l'Europe est concernée. L'alignement parfait des planètes –
adossé à des prêts très bas – avait alimenté jusque là une croissance spectaculaire. Dans une atmosphère
d'expansion forte, les hausses de prix comme le renforcement permanent des normes étaient absorbées
peu ou prou. Mais après les années fastes, le coup de frein est brutal, en France comme en Europe. Les
taux d'intérêt sont repartis en flèche, tout comme les coûts de construction et de l'énergie, tandis que les
pressions sur le foncier se poursuivent, entre le zéro artificialisation nette (ZAN) et la frilosité croissante
des élus à construire. Et si le taux d'usure trimestriel, qui avait tétanisé les crédits, est aujourd'hui fixé
mensuellement, ce n'est pas encore de nature à réinsuffler sa dynamique au marché. « On a du mal à
trouver des maires bâtisseurs aujourd'hui. Dès qu'on veut construire un immeuble de 4 ou 5 étages, il y a une levée de boucliers », confirme Sébastien Huyghe, fondateur du cabinet Axiome Notaires et ancien député, qui déplore une loi ZAN uniforme qui ne tient pas compte des spécificités du territoire. « Dans nos petites communes et villages, il faut que ça vive », juge-t-il, en appelant à une vraie politique du logement pour relancer ce secteur stratégique. « Depuis 2017, il n'y a pas eu de dispositif nouveau » estime-t-il. La prise de conscience semble claire du côté du gouvernement. Fin avril, il annonçait travailler à l'assouplissement du crédit, notamment en direction de l'investissement locatif et de la résidence secondaire.
Car les besoins sont très importants. Dans l'agglomération de Dunkerque, le président de la CUD Patrice Vergriete s'arrache les cheveux face à la remontée démographique et les perspectives d'emploi à venir. La conurbation s'attend à 16 000 créations d'emplois avec les récentes implantations, c'est autant de population qu'il faudra loger, alors que les acteurs privés comme les bailleurs sociaux restent encore frileux, même si un groupe belge, Thomas & Piron, vient de signer une première opération à Téteghem. « La ville a du foncier dis- ponible, on peut densifier intelligemment. Mais c'est un vrai défi, il faut 8 ans pour le moindre programme. Il faut accélérer la transformation de la ville, ce n'est pas le bon rythme », juge Patrice Vergriete. Le PLU de l'agglomération prévoit déjà la construction de 750 logements neufs par an, « mais il faudra sans doute revoir à la hausse », estime l'élu du littoral.
Marché en sablier
Le marché immobilier connaît un grand attentisme, mais certains segments du marché résistent encore bien. « Le marché s'est organisé en forme de sablier », analyse Philippe Depasse, directeur géné- ral délégué aux régions chez Sogeprom. « Il reste actif dans la résidence secondaire, dans le haut de gamme et de l'autre côté dans les premiers prix, dans les quartiers de renouvellement urbain où la TVA est réduite à 5,5%. Et tout le secteur du BRS échappe à la morosité ». Le BRS, autrement dit Bail Réel Solidaire, est une innovation récente dans certaines métropoles dont Lille, qui permet de dissocier le foncier des murs, et de trouver du coup un équilibre économique à des opérations qui ne seraient pas possibles sans ce montage. De même les projets éligibles au prêt à taux zéro (PTZ) et à la TVA à 5,5% (zones ANRU et quartiers politique de la ville) retrouvent un grand intérêt : un acquéreur va pouvoir acheter par exemple un bien à 220 K€ quand les conditions normales du marché ne lui permettraient de débourser que 180 K€.
« Le marché du Nord-Pas-de-Calais est extrêmement tendu. Il y a très peu d'offres pour énormément de demandes », analyse Jean Boutoille, directeur général de Square Habitat (82 agences immobilières, 600 salariés), filiale du Crédit Agricole Nord de France. « La vraie question, c'est : dans deux mois, y aura-t-il un printemps de l'immobilier ? » Car pour l'heure, le marché se débat entre des acquéreurs en difficulté de financement et des vendeurs pas encore convaincus de devoir baisser leurs prix puisque l'offre est pénurique. « Les plus touchés sont les primo-accédants et ceux aux budgets plus petits. Ce sont eux qui sont dans l’incapacité de faire un effort financier supplémentaire ou un apport plus important », détaille Jean-Michel Sède, président de la FPI Hauts-de-France, du Cecim Nord et Dg de Loger Habitat. Dans un contexte où les programmes neufs sont moins nombreux et que des logements vont sortir du marché du fait de la loi Climat & résilience, qui interdit déjà de louer les logements classés en G (consommation de plus de 450 kw par m2) depuis janvier, la pression sur les prix demeure donc réelle. Mais les opportunités de marché existent toujours, notamment sur le collectif entre centre urbain ou encore la seconde accession, et parfois de façon inattendue. Pas seulement sur la Côte d'Opale et le Touquet, des valeurs sûres. « On voit certains investisseurs placer leur argent dans des territoires comme Lens ou Liévin », raconte Jean Boutoille. Pour une raison simple selon Jean-Michel Sède : « L’attractivité de ces territoires s’explique par le différentiel prix qui reste encore important avec les métropoles comme celle de Lille. Le neuf tourne autour des 3 000€ du m2 contre 4 000€ en métropole ».
Le président de la FPI régionale en est convaincu: « L’envie d’investir est toujours présente chez beaucoup de personnes. Mais elles attendent que le marché se stabilise après tous les mouvements observés sur le marché immobilier ces derniers mois et, plus globalement, après tous les bouleversements connus depuis la crise Covid ». La Banque de France envisage une stabilité courant de l’été. Ce qui devrait, selon Jean-Michel Sède, se traduire par une fluidité des transactions durant le second semestre 2023.
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