Mongi Zidi : "On a réussi à capter les entrepreneurs dans les territoires”

La vision territoriale du président de French Tech Lille et ancien président du pôle numérique régional, dirigeant d'Archimed et sa filiale Neoledge (130 salariés au total).

Le numérique a clairement une forte dynamique à Lille. Et les territoires ?
C'est la logique de la French Tech. Nous avons démarré par une « V 1 » sans structure juridique propre, rattachée à la MEL, au conseil régional et à Euratechnologies. On s'est battus pour rendre la French Tech autonome et complètement entrepreneuriale. C'est le cas aujourd'hui avec deux labels : Lille capitale French Tech et quatre communautés French Tech locales : Valenciennes, Lens, Amiens et Saint-Quentin. On a réussi à capter les entrepreneurs dans les territoires et les attirer dans une démarche vraiment régionale. Lille reste capitale, Euratechnologies le bâtiment totem, mais il est important de communiquer en local pour entraîner les entreprises.

Combien d'entreprises sont-elles dans ce mouvement ?
Environ 250, dont la majorité sur Lille. Mais il y en a dans chaque communauté même si la densité n'est bien sûr pas la même partout. Dès qu'il se produit un événement mondial, on est bien contents d'avoir la Station F à Paris puis de ramener les visiteurs à Lille. La marque French Tech a réussi grâce à cela, sur le thème de la start up nation. On a un seul logo, sur lequel chacun ajoute son territoire. Ce label qui dépasse les frontières nous aide bien, avec un gros effet d'affichage avec le coq. Si tu vas au Canada comme pôle numérique régional, tu n'es pas identifié. Quand tu dis French Tech, les yeux des interlocuteurs s'ouvrent !

> A lire aussi - Enquête "Numérique : Lille et le désert régional ?"

Est-ce vraiment efficace ?

Oui ! On a gagné l'autorité. Cela crée aussi des liens entre les entreprises membres. Par exemple je ne connaissais pas Cooptalis. Aujourd'hui, ils m'aident à recruter, même en Tunisie. La French Tech est un label large, tant mieux qu'il profite à des entreprises au-delà du numérique. Il permet aussi d'avoir des interlocuteurs dédiés à la Banque de France, l'Urssaf, les impôts.

Un territoire éloigné comme Saint-Quentin peut-il vraiment réussir dans le robonumérique ?

Angers est devenue capitale de l'Internet des objets à partir de rien. C'est important, quand on crée une structure, d'avoir une stratégie, de prendre une place, qu'on renforce par de la recherche, des salons. C'est ce que fait Saint-Quentin, qui s'est positionné sur ce segment, avec la force d'un grand acteur politique, et de multiples partenariats, comme le CITC et Euratechnologies. Tous les acteurs ont répondu présents. Ils ont créé leur marque, sont devenus communauté French Tech, qui leur donne une visibilité.

Et Blanchemaille ?

Quand on est en discussion avec des acteurs internationaux, quand on parle de commerce connecté, on a une belle adresse, Blanchemaille est un cluster puissant. La difficulté d'Euratechnologies est d'être généraliste.

> A lire aussi - Enquête numérique "Constructions 3D : le numérique pour bâtir à grande échelle"

Les quartiers bénéficient-ils aussi de cette irrigation numérique ?

Oui, nous avons une initiative baptisée French Tech Tremplin qui vise à susciter des start up avec des profils d'entrepreneurs différents. Nous sommes les plus avancés en France, avec 20 candidats retenus, issus des quartiers de Lille, Amiens, Valenciennes. Ils reçoivent des bourses de 15 à 20 K€ et sont coachés par des professionnels puis incubés. Cela correspond aussi à notre ADN dans le Nord. Quand on peut se mobiliser sur une opportunité sociétale, on y va !

On a connu une phase d'effervescence du numérique en région, est-ce toujours le cas ?
Il y a eu une période où n'importe quel gars qui lançait un site.com pouvait annoncer des levées de fonds ! Tout le monde ayant vu Uber pensait pouvoir faire pareil. Aujourd'hui, on est sur de vraies entreprises, de vrais marchés et de vrais modèles économiques. On a professionnalisé les start up, stabilisé leur modèle. Il y a eu aussi de la casse, et c'est normal. On commence à trouver de très belles entreprises dont certaines en hypercroissance, sur l'intelligence artificielle, la blockchain, la cybersécurité...

> A lire aussi - Enquête numérique "Une dynamique inégale dans l'ex-Picardie"

Certains s'inquiètent des valorisations et parlent de bulle...
Non. Quand des fonds américains rentrent dans des entreprises pour plus de 50 M€, vous pouvez fermer les yeux, c'est que le modèle marche. Quand ils débarquent au CES de Las Vegas, la première chose qu'ils font est de détecter les pépites lilloises. Ils savent qu'une entreprise qui vaut 5 M€ maintenant en vaudra 100 M€ l'an prochain. Malheureusement, dès qu'on dépasse 50 M€, on n'est plus Français.

Tags: