Faut-il relocaliser ?

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Des chaussures allergisantes aux vannes de robinetteries qui explosent dans les raffineries, les produits fabriqués dans les pays émergents ne sont pas toujours des modèles en termes de qualité.

 

Président du Groupement des fédérations industrielles (GFI), Patrice Pennel souligne que « la plupart des industriels se posent régulièrement la question de relocaliser ou non une partie de leur production car il est quasi impossible d'entretenir une relation durable avec les Chinois ». Patrice Pennel prévient également du risque de perte de contact avec le métier en cas de délocalisation totale. « Il est dangereux de perdre le contrôle de la chaine de valeur. » Exemple dans son activité, la fabrication de vannes de robinetterie, si la fonderie est réalisée en Chine car plus personne ne le fait en France ou a des prix prohibitifs, l'usinage des pièces est réalisé dans la région, là où se trouve le savoir-faire.

 

Le retour du « Made in France »

Dans la confection, on évoque plutôt le rapatriement de productions du grand import vers le Maghreb ou l'Europe de l'Est. Plusieurs raisons à cela : la Chine est très occupée par son marché intérieur qui ne cesse de se développer. Les petites et moyennes séries intéressent moins le confectionneur chinois, dont les prix augmentent régulièrement, au rythme des hausses de salaires (+20% en 2011 à Shanghai).

 

A Saint-André, le fabricant textile Lemahieu, fait figure d'exception : « Nous avons mené des tests de délocalisation partielle mais ni la qualité ni la certitude dans les délais de livraison n'étaient au rendez-vous. » Résultat, Olivier Diers, son dirigeant, s'enorgueillit d'être la première entreprise du Nord à posséder le label « Origine France Garantie » qui promet plus de 50% de sa fabrication réalisée en France. « Nous en sommes à 70%. Nous préférons innover dans des produits de lingerie plus techniques, comme le médical ou cosmétique. » Lemahieu mise sur le comportement responsable du consommateur. Un sondage réalisé en janvier dernier par Opinion Way révèle d'ailleurs que 9 Français sur 10 affirment donner la priorité aux produits « made in France ». En théorie. En pratique, lorsqu'il s'agit de débourser un peu plus pour acheter français, les choses changent...

 

Retrouver les compétences perdues

« Nous avons l'impérieuse nécessité d'automatiser les process si l'on veut retrouver de la compétitivité en France », affirme Bertrand Delzenne. Encore faut-il retrouver les compétences humaines et les moyens matériels comme les moules ou les outillages en mécanique. Dans le textile, Jean-François Bracq, le directeur de Clubtex, déplore la disparition de pans entiers de la filière. Selon lui, il faudrait recréer un outil autour du Ceti, le Centre européen des textiles innovants, qui sera bientôt inauguré à Tourcoing. « Nous sommes obligés d'acheter nos fils au bout de la planète. On parle beaucoup écologie ou récupération de matière. A la base, il faudrait peut-être tout simplement savoir refabriquer du fil... »

 

Frédéric Motte, le président du CESER, également co-gérant de Cèdres-Industries, se montre dubitatif et prudent au sujet des relocalisations. « Dans nos métiers de sous-traitance industrielle, il faudrait d'abord retrouver les savoir-faire perdus et ensuite que nos entreprises dégagent plus de compétitivité avant de pouvoir inverser la vapeur. » Son groupe décline régulièrement des offres par manque de personnel. L'industrie n'attire pas suffisamment les jeunes. Il est difficile de trouver aujourd'hui sur le marché du travail un soudeur ou un tuyauteur... Les grands groupes lancent même leurs propres écoles de formation.

 

Faut-il le rappeler ? Dans les années 60, le Nord-Pas-de-Calais était la première région industrielle de France. En 2011, le secteur ne comptait plus que 200 000 salariés, soit 19% des emplois régionaux. Si le phénomène de relocalisation venait à s'étendre, la tendance pourrait bien s'inverser...

Armelle Roussel

 

 

Pour ou contre La relocalisation ?

 

POUR

+ La hausse des salaires dans les pays émergents

+ L'impact environnemental des transports

+ L'image du « Made in France »

+ La hausse des carburants

+ Les problèmes de qualité

 

CONTRE

- Les prix pour de nombreux produits restent imbattables

- Produire dans les pays émergeants permet de conquérir leurs marchés

- La disparition des machines et des savoir-faire dans nos régions

 

 

 

« Le prix ne doit pas être le seul critère »

Bertrand Delzenne, vice-président de l'Aria, Association régionale de l'industrie automobile

Bertrand Delzenne préfère de loin la notion de « global costing », qui comprend les coûts induits, c'est-à-dire les dysfonctionnements en termes de retard, de taux de change, d'inflation ou de non-qualité. « Certaines pièces de modèles récents autrefois fabriquées en Pologne ou en Tchéquie sont aujourd'hui relocalisées en France », ajoute-t-il.

 

 

 

 

« Les italiens ont un savoir-faire inimitable »

Charles-Henri Florin, Dg de Peucelle & Florin à Roubaix

Peucelle & Florin, société roubaisienne presque centenaire spécialisée dans le tissage de laine, affiche une belle progression en 2011. Son secret ? Un bureau de style à Roubaix, le tissage en Italie. « Les italiens, leaders mondiaux en laine cardée, ont un savoir-faire inimitable que le grand import ne saura jamais égaler. Ils sont compétitifs malgré des coûts horaires européens. Ils sont souples et réactifs. »

 

 

 

« Notre savoir-faire en soudure nous donne une longueur d'avance »

Jean-Philippe Delfosse, responsable RH CNH Croix

Après plusieurs décennies de crise – le site a compté jusque 5 000 personnes dans les années 60, contre 300 aujourd'hui –, la plus ancienne usine du groupe construite en 1902 retrouve une position d'excellence dans la fabrication de cabines de tracteurs. « Notre savoir-faire en soudure nous donne une longueur d'avance, notamment en matière des normes de sécurité. » A tel point qu'une nouvelle ligne de production va être installée en 2012 pour fabriquer la moitié des cabines de moissonneuses batteuses du groupe. « Le groupe Fiat Industrial croit dans les capacités industrielles de l'Europe. »

 

 

 

« Les écarts de prix avec la Chine ne sont que de 15 à 17% »

Mickaël Ingberg, Dg de Meccano à Calais

« 70% de nos ventes étant réalisées à l'export, nous avons relocalisé en 2010 pour servir nos marchés européens avec plus de réactivité. » Les marchés américains et australiens sont, eux, toujours desservis à partir de la Chine. Plus de 3 M€ ont été investis à Calais dans la réorganisation complète des lignes de production. « Notre objectif est d'optimiser la capacité de notre nouvel outil de production. » Un taux de change euro/dollar moins favorable, l'augmentation du coût du travail en Chine, la hausse des coûts de transports – le prix du conteneur de 57 m3 a triplé lors des 6 derniers mois – influencent également le choix de Michael Ingberg, qui évalue l'écart de coût entre l'Asie et l'Europe entre 15 et 17% seulement.

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