Filière environnement : un pôle en quête de maturité

Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France

 

 

L’économie circulaire en rodage. Il aura fallu attendre 2010 pour que la France ait enfin un pôle de compétitivité dédié au recyclage et à la valorisation des déchets. C'est la région qui a hérité, à juste titre, de ce nouveau cluster, le septième du genre. Sa gouvernance aura néanmoins été complexe à mettre en place : le nouveau président, qui devait être au départ issu d'une Pme, sera finalement Thierry Méchin, DG de Sita Nord (basé à Valenciennes). Et en septembre dernier, celui-ci se trouve propulsé aux mêmes fonctions en région parisienne, tout en conservant la présidence du pôle nordiste. « En s'arc-boutant pour garder quand même la présidence du pôle nordiste alors qu'il partait à Paris, il a malheureusement perdu ses appuis politiques. Et le fait qu'il ait considéré avoir fait naître le projet et que seul un grand groupe pouvait diriger ce pôle d'avenir n'a rien arrangé », explique en off un fin connaisseur du dossier.

La présidence devait être réattribuée lors du dernier conseil d'administration, mais le sujet est finalement reprogrammé pour le prochain conseil du 29 juin, signe apparent d'une certaine fébrilité même si personne n'évoque de problème de gouvernance. L’affaire devrait être classée en fin de mois, tant pis pour le retard à l'allumage.

 

« On nous a pris pour des dingues »

Et Team2 affûte ses armes pour confirmer sa place de tête de réseau très active. Avec près de 25 M€ déjà investis dans 15 projets, le pôle œuvre à la valorisation des lampes basse consommation, au réemploi des téléphones portables, au recyclage des métaux rares… C’est que la région est assise sur une mine d’or : elle produit 32 millions de tonnes de déchets par an, dont une bonne moitié valorisable. Autour de ce cluster se fédèrent déjà une cinquantaine d’entreprises régionales ainsi que centres de recherches, laboratoires, universités ou encore fédérations professionnelles.

Team2 n’aurait d'ailleurs jamais vu le jour sans une filière d’éco-entreprises digne de ce nom. Dans la région, tout a débuté il y a dix ans avec le projet visionnaire de Jean-François Caron, alors tout juste élu maire de Loos-en-Gohelle. « On nous a pris pour des dingues quand on a annoncé qu’on voulait préserver un ancien carreau de fosse pour en faire un symbole de l’écologie », sourit encore aujourd’hui le conseiller régional Europe Ecologie Les Verts. Quelques mois plus tard naissait le Cd2e, Centre de développement des éco-entreprises.

 

« Lâcher notre sacro-sainte construction béton »

L’association de 24 salariés s'est fait un nom et rassemble aujourd’hui 600 entreprises régionales centrées sur l’environnement. « La région possède d’énormes atouts. Mais on n’aurait rien fait sans la volonté politique du Conseil régional et un partenariat fort avec les fédérations professionnelles, concède Jean-François Caron. Avoir investi avant tout le monde nous donne aujourd’hui une vraie longueur d’avance. »

Si le Cd2e apparaît aujourd’hui comme un modèle national, également reconnu pôle d’excellence par la Région, c’est aussi grâce à son incontournable directeur général Christian Traisnel, expert incontesté. Aides au montage financier, ruche d’éco-entreprises (qui s’agrandira bientôt sur 1 500 m2), annuaire de prestataires en ligne, labos de recherche partenaires : au Cd2e, une entreprise trouve le nécessaire pour grandir. « Le Cd2e nous a épaulés de A à Z, en nous proposant une aide pour les processus et le montage financier », explique Frédéric Dutriez, à la tête de Lumiver, valorisateur de déchets électriques et électroniques basé à Seclin.

« En éco-construction, les efforts commencent à porter leurs fruits, constate Hubert Maciak, créateur d’Eco-Thermic (tests pour la labellisation de Qualibat). On ne nous regarde plus comme des illuminés avec un chapeau de paille quand on parle d’isolant en laine de bois. Même les plus grands constructeurs s’y mettent» Pour Régis Lemaire, de Biopale (ventes d’éco-matériaux), la région commence à rattraper son retard. « La Bretagne et Provence-Alpes-Côte-d’Azur nous devancent encore largement. Mais grâce au Cd2e, on commence à lâcher notre sacro-sainte construction béton. »

 

Clusters / lobbys

Le Cd2e a également réussi à multiplier les clusters, autour de différents thèmes fondamentaux comme l’affichage environnemental (Avnir), la consommation et le traitement de l’eau (Aquapris) ou encore le développement et la promotion des éco-matériaux (programme européen CAPEM). Dernier né de la filière, Ekwation, dédié aux enjeux de l’éco-construction et de l’éco-rénovation, accompagnera les défis du BTP (formation, attractivité et innovation…). « Si le secteur est l’un des plus innovants pour l’éco-matériau, on invente encore trop peu de nouvelles méthodes d’éco-construction et d’éco-rénovation », relève Christian Traisnel.

Les outils sont là. Reste désormais à renverser certains lobbys bien implantés. « Comment expliquez-vous que l’on continue à brûler plus de la moitié des déchets hospitaliers en région alors que notre traitement thermique coûte moins cher en étant plus écologique ? », s’interroge Jeff Squalli, dirigeant de la société Ecodas à Roubaix. « Quand un de mes clients nordistes s’est adressé à l’ADEME pour mettre en place une solution alternative de traitement des eaux, on lui a fait peur en lui annonçant qu’il devait d’abord dépenser 20 000 euros dans une étude de faisabilité », s’énerve un autre chef d’entreprise, qui souhaite rester anonyme.

 

Encourager la filière

Pour le Néerlandais Van Gansewinkel, spécialiste du « cradle to cradle » (les déchets recyclés des uns deviennent la matière première des autres), le salut passera par une volonté politique forte. « En France, rien n’est fait pour dissuader l’enfouissement. En Belgique, la taxe sur la mise en décharge coûte 76 € la tonne tandis qu’en France, elle atteint à peine les 15 € », compare Kurt Ghijsbrecht, directeur de la filiale française. « Le Conseil régional n’appartient à aucun grand groupe », rétorque Pierre de Saintignon, son vice-président, qui cite toutes les politiques publiques engagées : rénovations de logements, encouragement à l’utilisation d’éco-matériaux, pôles d’excellence du bois et du BTP sans oublier aides à la création d’entreprises… « Le Conseil régional investit massivement pour encourager la filière»

[caption id="attachment_8046" align="alignright" width="400" caption="Christian Traisnel, directeur du Cd2e, sur la ferme solaire de Loos-en-Gohelle. (Ph. Eric Legrand)"][/caption]

D’autres obstacles devront être levés pour que celle-ci atteigne son rythme de croisière. D’abord, maîtriser et surtout anticiper la réglementation. Pour cela, le Cd2e a créé une cellule de veille pour que « les dirigeants aient accès à la documentation adéquate ». Toujours pour mieux informer, d’autres outils grandeur nature ont été mis en place. Comme la ferme photovoltaïque de Loos-en-Gohelle (Eco121 n°9), pour analyser les rendements des panneaux solaires. Ou le théâtre de l’éco-construction, inauguré début mai, toujours sur le 11-19.

 

Flambée des matières premières : le coup de booster

Ensuite, les investisseurs doivent y croire : « L’éco-innovation nécessite souvent des développements longs, ce qui ne facilite pas les financements », reconnaît Christian Traisnel. Créée en 2006 par deux ex-Metaleurop, Terra Nova, spécialisée dans l’extraction des métaux précieux des cartes électroniques, a eu bien du mal à lever des fonds. « Un business angel nous a permis d’investir 11 M€ pour la première phase », explique Michel Trabuc, l’un des associés. Depuis, la flambée des matières premières a donné un vrai coup de booster. « La deuxième phase d’investissement sera plus simple. Rechercher du métal est devenu une priorité. D’autant que notre marché est désormais mondial. »

 

Un guichet unique ?

« Les éco-entreprises comme les institutions doivent comprendre que les affaires ne se cantonnent pas au Nord-Pas-de-Calais », renchérit Christian Traisnel. Le Cd2e a justement mis en place des collaborations avec d’autres clusters, comme avec le GCCA (Global Cleantech Cluster Association) au Canada ou Cedigate (boues de sédiments) à Caen. Même avis du côté du CREPIM, labo spécialiste de la résistance des matériaux au feu, à Bruay-la-Buissière. « Il faut aller plus loin que l’effet filière, en associant les entreprises et les laboratoires au Nord de Paris, résume son directeur technique Franck Poutch. L’idéal serait de proposer un guichet unique pour permettre aux petits Poucets de jouer dans la cour des grands. Car aujourd’hui, par exemple, qualifier un nouvel éco-matériau relève du parcours du combattant ».

 

Repères

32 millions de tonnes de déchets par an dans la région

Team2 : 25 M€ investis dans 15 projets

600 éco-entreprises

18 000 emplois

4 000 emplois créés d’ici 2018

Moyenne de 20 à 25 personnes par éco-entreprise

400 chercheurs dans 60 laboratoires

15% des investissements français pour les éco-entreprises concentrés dans le Nord-Pas-de-Calais

1 M€ investi dans le pôle d’excellence Cd2e

 

 

ZOOM : Les futures pépites régionales

 

Act Environnement à Loos-en-Gohelle. C’est certainement avec un pincement au cœur qu’Act Environnement déménagera ses bureaux situés juste en face du chevalet du 11-19. Mais c’est pour la bonne cause : son bureau d’études techniques s’installera bientôt tout près de là, dans une maison entièrement éco-rénovée. « Nous visons même le bâtiment passif », explique Benjamin Fedor, le gérant. Un bon point supplémentaire pour cette petite entreprise de 8 salariés (680 000 € de CA en 2011) qui a travaillé sur le siège du conseil général du Loiret, le Grand Stade de Villeneuve-d’Ascq ou la Maison de l’habitat durable à Lille.

 

Création Bois Construction à Lys-lez-Lannoy. C’est l’une des seules entreprises régionales à avoir innové en matière d’éco-construction et d’éco-rénovation. Pour réduire les étapes de construction sur le chantier, Création Bois Construction (groupe Sylvagreg) a eu l’idée de pré-fabriquer des structures en bois intégrant directement l’isolant. « On conçoit, on préfabrique et on pose nos produits. On s’intéresse à la rénovation », estime Julien Aubé, le directeur général adjoint

 

Ecodas à Roubaix. Spécialisée dans les machines de teinturerie, Ecodas s’est servi de son savoir-faire dans le textile pour mettre au point une machine avec procédé thermique permettant de neutraliser germes et microbes des déchets hospitaliers. « Désormais, plus besoin de transporter ni de brûler. Toutes les opérations peuvent être menées sur place », explique Jeff Squalli, le dirigeant. Ecodas emploie aujourd’hui une vingtaine de salariés et vend 80 % de ses machines à l’étranger.

 

Terra Nova à Isbergues. Il y a quelques années, l’activité de recyclage de cartes électroniques pouvait faire sourire. Suite à la flambée du prix des matières premières, on ne s’étonne plus. « On fait venir des cartes d’Amérique du Nord et on revend les matières premières à des Européens ou des Japonais », explique Michel Trabuc, l’un des co-fondateurs, un ancien de Metaleurop. Déjà fort de 52 salariés pour un chiffre d’affaires de 5 M€, Terra Nova espère atteindre les 30 M€ de CA cette année.

 

Bionis à Lille. Pour les industries, le traitement des eaux usées relève souvent du casse-tête, d’autant plus que les taxes d’assainissement sont très élevées. Bionis (3 salariés, 850 000 € de CA) propose un système de bio-filtre végétal, en filtrant d’abord les eaux puis en arrosant un parc de saules. « Les arbres et la terre vont ainsi épurer les eaux usées. Nous utilisons principalement des saules, qui, coupés tous les deux ans, alimentent une chaufferie bois », explique Christian Cuingnet. La boucle est bouclée.

 

Lumiver à Seclin. L’entreprise recycle les équipements électriques et électroniques, les fameux D2E. Créée en 1999, elle valorise aujourd’hui les tubes fluorescents et vient de mettre au point une nouvelle façon de récupérer les piles. « Depuis avril 2011, nous nous occupons également des déchets industriels dangereux », explique Frédéric Dutriez, le responsable. L’entreprise compte aujourd’hui 13 salariés pour 1,3 M€ de chiffre d’affaires.

 

 

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