Gilles Bernard "Une entreprise centenaire se fait moins surprendre »

"Les entreprises centenaires sont capables de voir loin " "Les entreprises centenaires sont capables de voir loin "

Trois questions au président du Club des Entreprises centenaires, qui réunit une cinquantaine d'entreprises régionales, Gilles Bernard, par ailleurs dirigeant des Briquèteries du Nord.  

Devenir une entreprise centenaire, est-ce le fait de la chance ou est-ce lié à une organisation particulière, une gouvernance à part ?


Je vous répondrai en reprenant les paroles du patron d'IBM, une entreprise née en 1911. Il disait, j'ai deux discours : le premier, à usage externe, « on est les meilleurs, les plus forts, on a 100 ans », et le second, à usage interne, « on peut être centenaire, même juste avant de mourir! ». Une entreprise centenaire est plus expérimentée, se fait moins surprendre. De fait, il y a quelques valeurs que le club essaie de professer, la vision à terme, la préoccupation des personnes, le courage, l'humilité, voir loin, pérenniser. Ces valeurs sont relativement naturelles, mais ni absolues ni uniques. Le start upper qui fait fortune, qui touche 5 M€ et qui va créer une nouvelle boîte, produit un effet de multiplication, ça me va. Celui qui se retire sur la Côte d'Azur pour flamber me fait moins rêver. La raison d’être du Club est un partage de valeurs, et d'entretenir ce goût des valeurs. Notre rencontre annuelle prévue le 19 novembre 2020 portera sur l'art de traverser les crises.

 

Faites-vous une différence entre les centenaires à capital familial et les autres ?


La moitié de nos membres ne sont pas des entreprises purement familiales. Mais elles ont néanmoins toutes les caractéristiques de gestion des entreprises familiales. Prenez Looten Industries, rachetée par Eric Mériau qui y travaillait, il a trouvé les valeurs qui lui convenaient et les a conservées, ou Cuvelier-Fauvarque, où deux beaux-frères ont décidé ensemble de reprendre cette « vieille dame », en recréant quelque chose de familial. Ils rajoutent juste un « s » au mot famille. Dans notre club, nous avons retenu un critère, celui de la pérennité du nom et de l’esprit.

Qui dit famille dit souvent dilution de la propriété dans le temps avec un nombre croissant d'actionnaires...

C’est un sujet très pointu et délicat, qui ne concerne qu’une partie de nos membres.... Chaque entreprise concernée a trouvé une réponse propre à sa situation. Il nous est arrivé d’aborder ce sujet entre nous pour échanger nos expériences sachant que les solutions ne sont pas interchangeables. Par exemple, je sais qu’il peut y avoir dichotomie entre le staff et la famille pendant un certain temps, en cas de trou entre deux générations, et c’est peut-être ce qui arrivera dans mon entreprise (de taille moyenne) et c’est arrivé à d’autres. Il n’y a pas de règle universelle. En revanche, plus il y de personnes physiques actionnaires, plus il faut se pencher sérieusement et assez tôt sur le sujet de la gouvernance en famille

 

Briqueteries du nord : de l'industrie à l'économie circulaire

Les Briqueterie du Nord (BdN) ne sont pas nées pour la reconstruction du pays après la première guerre mondiale mais deux ans avant. Elles comptent alors 10 sites de fabrication de briques pleines cuites au four Hoffman, la méthode traditionnelle. A l'époque, presque chaque village a sa briqueterie car les moyens de transport sont peu développés. L'entreprise prospère avec la reconstruction. Ses briques ont par exemple bâti l'hôpital Huriez. Mais face à la déferlante du béton, à une rentabilité insuffisante, et à la pression foncière d'une urbanisation galopante, les unités de production vont peu à peu fermer et se concentrer. Heureusement, dès les années 20, BdN avait développé une activité de négoce. Celle-ci ne pesait qu'un quart du chiffre d'affaires en 1994, quand l'actuel dirigeant, Gilles Bernard, arrive aux commandes. 26 ans plus tard, le négoce a plus que surclassé la production, puisqu'elle compte pour les trois quarts des ventes, sur un chiffre d'affaires de 24 M€, avec 70 salariés. L'entreprise s'est en effet positionnée sur un autre marché dès les années 2000, celui de l'environnement. D'abord pour enfouir des déchets inertes du BTP, puis pour leur recyclage et leur négoce. Toujours opportuniste, l'entreprise a utilisé le temps du confinement pour mener à bien des travaux de 200 K€ sur son site de Templeuve pour y installer une plateforme d’activité. « C'est là où les entreprises centenaires sont capables de voir loin. Si j'avais été un fonds de pension, je n'aurais pas été pressé d'investir des centaines de milliers d'euros », lance le dirigeant de BdN.

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