L'hôtellerie-restauration toujours pas sortie de l'auberge

Un tiers de la profession envisage de licencier, selon le baromètre de la CCI Hauts-de-France. Un tiers de la profession envisage de licencier, selon le baromètre de la CCI Hauts-de-France.

Pourra t-on manger demain, dans son restaurant préféré ? Certainement... s'il n'a pas succombé aux conséquences de la crise sanitaire. Si en région, l'industrie touristique semble repartir, à l'orée de l'été, les restaurateurs restent très inquiets sur les conditions de la reprise.

Sur le géoportail du gouvernement, la France s’est couverte de cercles de 100 km de circonférence, comme autant d’espaces de liberté après deux mois de confinement. Depuis Paris, la zone permet de se rendre jusqu’à Montdidier, dans la Somme, incluant les forêts de Compiègne et de Chantilly-Senlis, déjà bien connues des habitants de la capitale. Depuis Amiens, le périmètre recoupe les massifs isariens et inclut même la côte Picarde. Impossible en revanche de se rendre, depuis Lille sur la plupart des stations de la côte d’Opale, pas plus que d’aller faire un tour en Belgique, la frontière ne devant pas rouvrir avant le 8 juin... Partout, le redémarrage s’amorce quand même tant bien que mal, notamment dans le sud de la région où 90% des 250 gîtes de l’Oise affichaient complet pour le week-end de l’Ascension. Pour celui de la Pentecôte, le taux de réservation était sensiblement le même, selon l’association Gîtes de France Oise. «Par rapport à avril, le secteur a regagné 10 points en mai, mais reste à – 40% par rapport à 2019 », selon les services de Oise tourisme, l’agence de développement touristique du département.

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Si le desserrement de l’étau a permis un redémarrage très partiel du secteur, les stigmates du confinement sont encore loin d’être cicatrisés. Le 3e baromètre d’impact du coronavirus sur l’économie des Hauts-de-France, réalisé mi-mai par la CCI de région, confirmait que 99% des hôtels-restaurants de la région et 98% des débits de boisson ont été impactés. Selon les calculs de la chambre, le chiffre d’affaires de la filière accuse une chute de 64% par rapport à janvier 2020, vingt points de plus par rapport au mois d’avril. «Trois quart des dirigeants affirment avoir des problèmes de trésorerie », annonce l’étude. Et la suite ne s’annonce pas réellement plus favorable. Plus du tiers d’entre-eux n’imaginent pas un retour à la normale avant un an, contre six mois en moyenne pour les autre secteurs ! «A vrai dire, les professionnels n’auront pas beaucoup de visibilité tant que les protocoles sanitaires ne seront pas sortis », déplore Charles-Edouard Barbier, propriétaire de L’auberge Les Tilleuls, à Heilles (Oise). Pour celui qui est aussi vice-président de l’Umih, le syndicat professionnel de l’hôtellerie-restauration, si les pouvoirs publics ne prennent pas les mesures ad hoc, les conséquences de l’après seront au moins aussi terribles que les 30% de fermetures prédits par certains observateurs. « Il est certain qu’entre le climat de morosité actuelle, la peur des clients, la motivation du personnel, nous ne retrouverons pas 100% de productivité immédiatement. Pour tenir le coup, il faudra que les dispositifs perdurent. Qu’en sera-t-il en effet quand il faudra tout payer en double, les charges fixes, cotisations sociales ou crédits reportées et mensualités en cours, avec seulement 50% de capacité d’accueil ? On peut s’attendre à des défaillances en cascade !», s’inquiète le restaurateur.

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Les risques pour l’emploi sont majeurs. Selon la CCI, un tiers des professionnels du secteur envisageraient de licencier. Ce qui pourrait entraîner la disparition de plusieurs milliers de postes sur les 61 000 emplois que pèse la restauration en région. Pour éviter cette catastrophe annoncée, chacun cherche des solutions. 13% des hôtels restaurants ont mis en place des outils numériques pour poursuivre les ventes, des ventes à emporter ou des livraisons à domicile par exemple. De son côté, le conseil régional a mis en place un fonds de soutien exceptionnel à l’économie de 327 M€, notamment sous forme de prêts et d’avances remboursables. Une aide indispensable qui ne pourra cependant pas compenser les pertes sèches subies par les entreprises du secteur. «c’est pourquoi nous demandons, outre des annulations de charges, un retour de la TVa à 5,5%. La TVa doit rester un impôt sur la valeur ajoutée. Or, avec le différentiel de taux entre les achats et les ventes, c’est devenu un impôt pur et simple », se désole Charles-Edouard Barbier. En région, l’industrie touristique représente quelque 70 000 emplois.

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Royal Hainaut : redémarrage espéré le 18 juin 

Le Royal Hainaut est un hôtel 4 étoiles grand luxe qui a ouvert courant 2019 à Valenciennes. Indéniablement l'un des plus beaux hôtels de la région, fauché en plein vol par le coronavirus. Son activité était en effet excellente en début d'année, avec un taux d'occupation monté à 80% lors de la première quinzaine de mars. Les premiers mois d'activité pont montré que la clientèle était largement de proximité, et fidèle, avec nombre de Lillois et de Parisiens déjà venus plusieurs fois. L'activité est toujours à l'arrêt avec perspective de reprise seulement au 18 juin (soit une semaine plus tôt que la première date imaginée au départ).

Le directeur André Grosperrin se dit plutôt serein, car la société n'est pas endettée, la tendance était très bonne, et le chômage partiel a permis de neutraliser les charges pour une grosse équipe de 90 personnes. En juin, seuls 60 salariés seront d'abord repris, le restaurant gastronomique ne rouvrira pas avant septembre, par exemple, ni le bar. Les inquiétudes portent en revanche sur le marché des séminaires et des mariages, qui représentent de gros volumes et des marges significatives. L'établissement a posé une demande de PGE (prêt garanti par l'Etat) pour s'assurer des liquidités si nécessaires, mais le directeur a l'objectif de ne pas devoir l'utiliser.