Impôt sur le revenu, 2018 année zéro

de g à d : Jean-Luc Reynaert, Me Marc Delassus, David Guillemetz, Patrick Colin et Guillaume Roussange de g à d : Jean-Luc Reynaert, Me Marc Delassus, David Guillemetz, Patrick Colin et Guillaume Roussange

«Il y a une logique ! »Même si la réforme du prélèvement de l'impôt sur le revenu à la source va entraîner de nombreuses conséquences, Jean-Luc Reynaert, directeur du marché patrimonial de la Caisse d'Epargne Hauts de France, reconnaît le principe général qui la sous-tend : éviter le décalage entre la perception des revenus et le paiement de l'impôt. Au demeurant, la majorité des pays développés a mis en place des systèmes de ce type. Néanmoins, l'urgence de la réforme s'imposait-elle dans un des pays les plus performants au monde en matière de recouvrement de l'impôt ? La question peut être posée.

Dura lex, sed lex. La réforme entre en vigueur le 1er janvier 2019. L'impôt sur les revenus 2017 va être payé cette année, l'impôt sur les revenus 2019 sera payé en 2019. Et pour les revenus de 2018 ? « L'année blanche a déjà démarré », répond Jean-Luc Reynaert. Ainsi, tous les revenus récurrents, tels les traitements, pensions, salaires, bénéfices professionnels, pensions alimentaires, revenus fonciers sont concernés. En revanche, sont exclus les revenus de capitaux mobiliers, les plus-values mobilières comme immobilières, notamment.

Lors de la déclaration des revenus en 2018, l'administration fiscale calcule le taux de prélèvement qui s'appliquera au premier janvier de l’année suivante. Suite à la déclaration de revenus, un taux est calculé et communiqué par les impôts aux employeurs. Il sera appliqué dès le premier janvier. On peut demander un autre taux jusqu'en septembre 2018, pour différentes raisons, notamment quand les revenus du couple sont très dis- parates. De manière à éviter que l'employeur ne sache que le taux de prélèvement est élevé. Six taux sont disponibles, dont un taux neutre. Néanmoins, même avec un taux neutre, s'il y a des revenus fonciers conséquents, ils apparaîtront, prévient Jean-Luc Reynaert. 

 

Responsabilité de l'employeur

 

Le prélèvement à la source transforme de facto l'entreprise en percepteur, et risque de faire de l'entrée en vigueur de la réforme un rendez-vous à risques. « On disait jusqu'à maintenant, à travail égal, salaire égal. Or maintenant, deux personnes ayant le même travail n'auront pas le même revenu »,déplore Patrick Colin, dirigeant d'Unither. « Les Drh seront submergées fin janvier, on aura des questions du type : j'avais le même salaire net que mon collègue, je n'ai plus le même net » , prédit de son côté David Guillemetz, expert comptable associé chez PwC, qui souligne le gros enjeu psychologique à anticiper dans les entreprises.

Autre exemple : si l'on refuse une hausse de salaire à un collaborateur, ce dernier pourra imaginer que c'est lié à la situation financière de son ou sa conjointe, alors même que l'entreprise n'est pas nécessairement au courant. «Dans les grandes entreprises, on doit faire en sorte que les taux ne soient pas connus de la hiérarchie. Mais dans une petite boîte, c'est infaisable », pointe Patrick Colin.

Ensuite, dès que la situation du salarié change, il faudra qu'il informe le fisc, en espérant sa réactivité. La responsabilité de l'employeur pourra-t-elle être mise en cause en cas d'erreur ? « On n'a pas encore la réponse », indique Me Delassus.

« Il faut jouer la pédagogie et anticiper qui, quoi, comment, expliquer quels sont les obligations et devoirs de chacun, propose David Guillemetz, qui suggère aussi « d'externaliser la paie pour avoir une temporisation entre le salarié qui pourrait se plaindre et l'entreprise ».

 

Obstacles techniques

 

Outre la dimension psychologique, d'autres difficultés jalonnent la mise en place de la réforme. Ainsi les éditeurs informatiques ne sont pas prêts et ne le seront qu'en septembre pour intégrer les nouvelles dispositions. Pour certains types de salariés, l'équation risque d'être également délicate, à l'instar des primo-accédant à l'emploi, qui n'étaient pas contribuables. Ils seront donc régularisés en fin d'exercice. « L'ADN de la réforme, c'est : vous payez tout de suite, et on régularise après », précise d'ailleurs Jean-Luc Reynaert. Un cas particulier est celui des salariés à domicile. Une note de Bercy envoyée début juin indiquait que le fisc ne serait prêt que dans un an sur ce sujet...

O.D.

 

 

L'IFI : beaucoup de points de vigilance

 

L'Impôt sur la fortune immobilière a pris le relais de l'ISF cette année. Il concerne les personnes physiques, au-delà d'1,3 M€ sur les biens immobiliers détenus en direct, aux parts de société dont les actifs sont composés d'immobilier, ou encore les SCPI et OPCI détenus en direct ou via un contrat d'assurance vie. Si le barème est identique à l'ISF (0,5 à 1,5%), avec maintien des réductions pour don et plafonnement global, en revanche le passif n'est pas toujours déductible en totalité, à l’inverse de l’ISF, qui ne concernait pas les contrats de crédit-bail immobilier. Ceux-ci sont désormais intégrés dans l'IFI, pour leur valeur de rachat. « Les contrats in fine aussi sont retraités. Beaucoup de bases ont été changées », souligne Me Marc Delassus qui alerte : « On est amené à rencontrer des situations où certains contribuables sont appeler à payer beaucoup plus d'IFI que d'ISF ».

 

”Contestation sans fin”

 

David Guillemetz, expert comptable PWC, met en garde quant à lui sur la « juste valeur » qui mérite un travail fin en amont. « Il faudra être très sérieux car l'administration sera beaucoup plus regardante sur les valeurs déclarées », anticipe Me Delassus. Néanmoins, le site Patrim mis en place par le gouvernement pour évaluer son bien n'est apparemment pas infaillible : Patrick Colin, président d'Unither, raconte que le site n'a pas pu lui produire d'évaluation pour son bien. Pour l'industriel picard, «on est parti pour des contestations sans fin».

Reste que cette réforme traduit une volonté nouvelle des pouvoirs publics d'orienter l'épargne des Français vers les valeurs mobilières et l'économie plutôt que l'immobilier. « C'est une lame de fond qui conduira les Fran- çais à réorganiser la structure de leur patrimoine », analyse Me Delassus.

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