Innovation : trois pôles de compétitivité placés sous surveillance

L'Etat vient de relabelliser pour 4 ans (2019-2022) 56 pôles de compétitivité en France, dont la totalité de nos pôles régionaux. Mais Aquimer, Team2 et Picom doivent faire leurs preuves dans l'année qui vient pour être prolongés.

« C'est plutôt une bonne nouvelle, on craignait que certains pôles passent à la trappe ». Karine Charbonnier, vice-présidente du conseil régional Hauts-de-France, ne cache pas un certain soulagement après le communiqué de Matignon annonçant la relabellisation de tous nos pôles de compétitivité régionaux.

Fusion

Tous, non, aurait dit Goscinny. Car deux d'entre eux n'en font plus qu'un, le pôle textile UpTex et son homologue des nouveaux matériaux, Matikem. La fusion formelle aura lieu en juin avec la naissance officielle d'EuraMaterials. Ce sera le troisième nom pour les matériaux, passés de Maud à Matikem puis à cet ultime (?) patronyme. Le pôle gagnera en taille critique, avec une équipe d'animation de 20 personnes, mais aussi l'adjonction d'un club d'entreprises et d'un incubateur. Avec une ambition nouvelle, devenir « le pôle nord-européen référent des nouvelles industries de transformation des matériaux ». « Je suis content car j'étais un des principaux supporters de la fusion. En mêlant les deux, on aura une belle machine de guerre pour nous aider dans une logique de réindustrialisation régionale », se félicite Guillaume Delbar, vice-président à l'innovation et la recherche à la MEL et vice-président de la région.

IAR, I-TRANS, NSL relabellisés facilement

Les autres pôles ne sont pas tous logés à la même enseigne. Trois pôles sont renouvelés pour quatre ans sans autre forme de procès, i-trans (transport), NSL, qui vient de fusionner avec le clubster santé, et le picard IAR, dévolu à la bio-économie. Son président Yvon Le Hénaff se félicite vivement de cette reconduction, en lui donnant une dimension strictement nationale, dans un communiqué où il n'est fait qu'une très laconique mention des deux régions Hauts-de-France et Grand Est. « Nous continuerons notre mobilisation au côté de l'Etat et des régions afin de faire de la France LE leader européen de la bioéconomie par l'innovation et l'industrialisation ».

Même satisfaction chez Nutrition Santé Longévité, où l'on souligne que ce label valide l'intérêt de la fusion avec le Clubster santé, mais où on indique aussi la volonté forte d'élargir le champ du pôle bien au-delà de la définition très restrictive initiale. 

Epée de Damoclès pour Team2, Aquimer et Picom

La situation est plus complexe pour 3 pôles qui certes sont relabellisés, mais seulement pour un an, à charge pour eux de remplir « certaines conditions » - sans préciser lesquelles- pour obtenir une extension de trois ans. Officiellement toutefois, l'optimisme prévaut.

« Nous devons aller au bout de la fusion avec Ecopal (association de développement de l'écologie industrielle à Dunkerque, -ndlr), ce qui devrait intervenir en juin-juillet. Dès que la fusion est faite, on passe à quatre ans », veut croire Christian Traisnel, du pôle Team2 (économie circulaire). Lequel est d'autant plus confiant que le pôle figure nommément au titre de deux comités stratégiques de filière créés par le gouvernement en juin 2018, le premier sur le recyclage, le deuxième sur la mine et la métallurgie. Team2 est en outre engagé dans des projets très stratégiques, dont l'un avec ArcelorMittal à Dunkerque. Un dispositif unique au monde sera mis en place pour valoriser les boues des hauts fourneaux (pour un investissement de plus de 15 M€). 

« Le retail, priorité indiscutable »

Picom, le pôle des industries du commercer, doit lui aussi franchir l'année probatoire pour être prorogé. « Ils sont en train de bâtir une très belle stratégie. Le commerce et la logistique au-delà sont un de nos points forts en région, ce sont plusieurs centaines de milliers d'emplois, c'est fondamental », défend Karine Charbonnier. « Il a des difficultés à remplir les critères nationaux, beaucoup d'acteurs font leur propre recherche chez eux », explique-t-elle, convaincue en revanche par la perspective de rapprochement avec le pôle francilien Cap Digital. « Cette alliance est excellente car cette expertise sera au bénéfice de Picom ». Un rapprochement qui expliquerait par ailleurs la relabelisation pour un an du pôle selon son président Jean-Luc Soufflet. « Nous sommes en discussion avec Cap Digital depuis quelques mois. Lorsque nous avons été saisis en juin dernier pour les critères à respecter pour la relabellisation, le délai était bien trop court pour acter les choses ». Les 12 mois d'observation relèveraient d'un commun accord avec l'Etat et devraient aboutir à une prolongation du label jusqu'en 2022. « Je veux réaffirmer que le retail reste une priorité métropolitaine et régionale indiscutable », martèle Guillaume Delbar qui annonce son intention de rencontrer les responsables de Picom très rapidement pour se donner de nouvelles ambitions... 

CDD d'un an aussi pour Aquimer

Aquimer, à Boulogne-sur-Mer, est aussi labellisée pour un CDD d'un an.Mais son directeur Thierry Missionnier se veut confiant et rassurant. « Nous sommes satisfaits d'être labellisés pour un an ! Nous ne sommes pas désespérés, il n'y a pas d'équivalent comme nous en Europe. » Durant cette année d'observation, le pôle ne prévoit pas de stratégie particulière. Il mise surtout sur la poursuite de son développement en Europe pour garder son label. A ce jour, Aquimer est impliqué dans 17 projets labellisés inscrits dans trois politiques européennes, la politique commune de la pêche (PCP) et de l'aquaculture, celle de la recherche et celle de coopération territoriale européenne (CTE). « L'ouverture sur l'Europe fait partie des critères demandés par l'Etat, et nous n'avons pas attendu l'audit pour cela. Nous nous impliquons à l'échelle européenne depuis deux ans déjà », explique Thierry Missionnier. Qui avoue ne pas avoir reçu une liste précise des conditions à remplir permettant la prolongation du label.

Aquimer compte sur sa position en Europe et son identification en tant que référent Innovation du Plan de la filière des produits de la mer pour élargir son réseau de partenaires. Autre critère demandé par l'Etat. Toutefois, le secteur maritime compte nombre de Tpe-Pme. « C'est impossible pour nous d'avoir la même taille et le même poids qu'un autre pôle qui dispose de grands groupes dans sa filière », prévient Thierry Missonnier.

O. Ducuing et J. Kiavué