La chambre des comptes pointe l'extrême fragilité de l'Orchestre de Picardie

La chambre régionale des comptes vient de publier son rapport définitif consacré à l'Orchestre de Picardie, portant sur la période 2011-2016. Les magistrats financiers reconnaissent d'abord la qualité de cet « outil culturel efficace » dont la « qualité des productions et les résultats atteints en réponse aux objectifs assignés (…) en font un véritable partenaire des politiques culturelles territoriales ».
Les sages notent aussi la gestion administrative « satisfaisante » de la structure, composée de 37 musiciens et de 13 salariés. En revanche, ils pointent l'absence de projet d'établissement, l'absence de visibilité et de pérennité d'une structure gérant un budget de 5 M€ financé à 84% par les collectivités publiques. « Son résultat d’exploitation comme sa capacité d’autofinancement sont négatifs sur la période examinée, du fait d’un écart croissant entre le projet artistique ambitieux que porte l’orchestre et les financements dont il dispose », souligne le rapport.
Résultat : l'orchestre dispose d'une « situation financière très fragile » avec des risques juridiques et fiscaux qui justifierait, pour la chambre des comptes, d'engager avec ses financeurs une réflexion sur son avenir. Plus précisément, la Chambre des comptes évoque la mutualisation de fonctions support avec l'ONL. Elle en appelle aussi expressément à un changement de statut, la forme associative n'étant plus adaptée, tandis que les statuts comme le règlement intérieur, inchangés depuis 18 ans, « ne correspondent plus avec la pratique observée aujourd'hui »

3 000 euros de mécénat en 2016...
Le rapport relève aussi des conflits d'intérêt qui se sont exprimés lors de votes de subventions du conseil régional à l'orchestre, 18,1 K€ en octobre 2016 alors qu'un élu régional était membre du bureau de l'orchestre; puis à nouveau en décembre 2016, pour une grosse avance sur subvention de 1,5 M€ alors que trois conseillers régionaux membres de l'AG et du bureau de l'orchestre, participaient au vote. Enfin, un troisième cas s'est présenté avec une subvention de 102 K€ d'Amiens Métropole alors qu'un élu membre de l'AG de l'orchestre participait au vote.
Le rapport entre aussi dans le détail économique de l'Orchestre. Et observe par exemple un coût moyen par concert de 41 K€, contre 29,9 K€ pour l'orchestre des pays de Savoie ou 101,7 K€ pour l'ONL. Soit un « coût approchant par spectateur » de 142 euros contre 68 € pour son homologue savoyard, ou 80 € pour l'ONL. « La question de son efficience peut être posée, compte tenu du coût de ses représentations rapporté au nombre de spectateurs », analyse le rapport, qui relève aussi le niveau ridicule (et en baisse!) du mécénat, tombé à … 3000 euros en 2016, tandis que les recettes des spectacles ne couvrent que... 10% des charges d'exploitation.
Les magistrats financiers mettent en cause en outre des méthodologies comptables et des anomalies qui affectent « la sincérité du résultat comptable. »
Dans sa réponse au rapport d'observation, Xavier Bertrand évoque un projet de pacte de sécurisation et d'optimisation des moyens sur six ans entre la Région et l''association de l'Orchestre. Il précise également « que le protocole entre l’Orchestre de Picardie et l’Orchestre national de Lille pourrait être renforcé par une plus grande complémentarité dans la programmation et par une mutualisation des moyens des deux orchestres. »