La plasturgie à l'heure de tous les défis

La filière plasturgie des Hauts-de-France prend de plein fouet la hausse des prix des matières, de leur transport et, surtout, de l’énergie. En proie également à des difficultés de recrutement, ses acteurs n’ont d’autres choix que de continuer d’investir, contraints ou incités par les évolutions réglementaires et par la montée en puissance de l'économie circulaire. Focus sur une filière discrète mais stratégique.

 

Une fois n’est pas coutume, le plastique est à l’honneur... le temps d’une semaine. Après une édition inaugurale réussie de son «Plastic Day» l’an dernier, Plastium voit plus grand en organisant, du 17 au 24 novembre prochains, sa première «Plastic Week». Pour le pôle d’excellence économique qui fédère une centaine d’acteurs de la filière Plasturgie-Composites en Hauts-de-France, cette manifestation vise, au travers d’ateliers, de conférences et de webinaires, à « affirmer la réalité» de cette industrie locale. Une industrie dont le poids économique et social pèse lourd. Avec environ 330 entreprises employant près de 12 500 salariés, elle a généré un chiffre d’affaires agrégé de 3,3 mds € en 2017, dernière donnée disponible. En outre, «elle se distingue par sa diversité, que ce soit en termes de tailles d’entreprises représentées (TPE, PME, ETI et grands groupes), de procédés de transformation (injection, extrusion, thermoformage...) et de marchés ciblés (emballage, automobile, bâtiment, santé...)», insiste Nathalie Raps, déléguée régionale du syndicat professionnel Polyvia Hauts-de-France.

Les Hauts-de-France sont la deuxième région la plus importante au sein de cette filière tant en nombre d’établissements que d’emplois, derrière Auvergne Rhône-Alpes. «Autre signe de son dynamisme, c’est une industrie qui attire les investisseurs étrangers, à l’image de l’annonce récente par le groupe américain Corning de la construction à Ruitz, près de Béthune, d’un campus de production et de distribution de consommables de laboratoires en France», insiste Jean-Christophe Godest, responsable du service Centre d’études et d’aide à la décision (CEAD) de Hauts-de-France Innovation Développement. D’un montant supérieur de 150 M€, ce projet génèrera une centaine d’emplois en première phase.

Des coûts énergétiques parfois décuplés 

Toutefois, le contexte n'est pas le plus porteur qui soit pour nos plasturgistes. Une partie d’entre eux fournit les constructeurs automobiles – les Hauts-de-France comptent pour un tiers environ de la production nationale de véhicules –, à l’image de Faurecia et de Plastic Omnium. Certains pâtissent du recul du marché français des immatriculations (- 11,8 % entre janvier et septembre 2022). Face au ralentissement généralisé de l’activité, ils ne sont toutefois pas les seuls. « Si la dynamique reste bonne pour nos contrats existants, la demande pour de nouveaux projets s’inscrit en nette diminution depuis quelques mois », confirme Florian Lefebvre, dirigeant de Plastisem (1,5 M€ de chiffre d’affaires), spécialiste dans l’injection plastique et la conception de pièces de moyenne série, à Neuville-en-Ferrain.

Mais le principal motif de préoccupation des professionnels de la filière est ailleurs. Gros consommateurs de gaz et, surtout, d’électricité, ils y consacrent l’équivalent de 2,5 à 3 % de leur chiffre d’affaires, parfois jusqu’à 6 %. L’envolée des prix de l’énergie depuis le début de la guerre en Ukraine les affecte donc tout particulièrement. « Pour certains de nos adhérents, la facture énergétique a augmenté dans un rapport de 2 à 10 fois!», assure Nathalie Raps. Pour ne rien arranger, le mouvement inflationniste actuel ne se limite pas à cela. « Selon les types de matières, les prix des plastiques se sont appréciés de 20 % à 100 % sur la période», pointe Florian Lefebvre, tandis que leur trans- port s’est lui aussi sensiblement renchéri. «Dans ce contexte, la progression attendue de notre chiffre d’affaires en 2022, autour de 30 M€ contre 26 M€ l’an dernier, ne signifiera pas forcément que nous avons gagné plus d’argent, mais seulement que nous sommes parvenus à répercuter une partie de nos surcoûts sur nos clients», prévient Rémy Belval, responsable des af- faires publiques de TT Plast, fabricant d’emballages plas- tiques basé à Lens.

Le salut par l'économie circulaire

Même si la plupart des acteurs se veulent confiants quant à leur capacité de rebond, tous pourraient cependant ne pas en sortir indemnes. Certains ont même commencé à ralentir leur production et à placer une partie de leurs collaborateurs au chômage partiel. «Mon inquiétude se porte notamment sur des entreprises vieillissantes qui, fragilisées, n’ont pas d’autre choix que d’investir lourdement afin de changer de modèle», indique Olivier Varlet, directeur général du pôle de compétitivité EuraMaterials, tourné vers les industries de transforma- tion des matériaux, à Tour- coing. Le changement de modèle évoqué, c’est celui lié à l’économie circulaire. 

Depuis plusieurs années, la plupart des plasturgistes de la région se sont engagés dans ce virage : récupération des déchets plastiques de leurs clients, augmentation de la part de matières recyclées dans la production, réflexions autour de l’utilisation de polymères biosourcés ... Mais le durcissement de la réglementation en matière environnementale et les attentes croissantes des donneurs d’ordres et des clients finaux impliquent d’aller encore plus loin. Ce qui suppose d’accroître les investissements. L’effort financier est d’autant plus conséquent, relève Rémy Belval, que «le plastique vierge est parfois moins onéreux que le plastique recyclé», et bien moins encore que les bioplastiques (voir encadré).

Une riche offre de formation 

Si ces obstacles ne suffisaient pas, un autre écueil, humain celui-là, s'invite dans la transition du secteur. «Bien que nous soyons récemment parvenus à embaucher deux jeunes issus d’un BTS plasturgie, il est compliqué de trouver des recrues», constate Florian Lefebvre. Un avis unanimement partagé. « Les métiers de la plasturgie ne font plus rêver bon nombre de jeunes, ce qu’on ne peut que déplorer », abonde Olivier Varlet. Pour autant, beaucoup considèrent que la filière régionale dispose des atouts de nature à infléchir cette tendance. Entre les lycées Beaupré à Haubourdin, Fernand Degrugillier à Auchel (62), Gay Lussac à Chauny (Aisne) ou Roberval à Breuil-le-Vert (Oise) sans parler de l’IMT Nord Europe (Douai), l’offre de formations dans les Hauts-de-France est à la fois riche et complète, du CAP au doctorat.

«Même si le nombre de candidatures tend à stagner depuis quelques années, nous continuons d’en recevoir entre 300 et 350 de très bon niveau par an, pour des promotions d’une soixantaine d’élèves », se réjouit ainsi Jean-Luc Caenen, responsable des formations en apprentissage à l’IMT Nord Europe. «Avec plus de 300 apprentis dans cette filière, la région figure au deuxième rang national», complète Jean-Christophe Godest. 

Face aux difficultés de certains de ces cursus à attirer, la profession en appelle notamment au lancement d’actions de communication et de sensibilisation dans les écoles et les structures comme Pôle Emploi. C'est l’une des ambitions de Plastium. Après sa « Plastic Week », le pôle entend en effet partir l’an prochain à la conquête de ces publics dans le cadre, cette fois, d’un grand «Plastic Tour».

 

La réglementation, accélérateur d'innovation

Outre les exigences de leurs donneurs d’ordres, la démarche d’innovation des entreprises de la filière plasturgie est largement influencée par les évolutions réglementaires récentes. En France, le décret n° 2021-461 du 16 avril 2021 impose par exemple aux sites de production, de manipulation et de transport de granulés de plastiques industriels (GPI) de mettre en œuvre des mesures de prévention des pertes et rejets dans l’environnement, tandis que la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) de 2020 dont est issue ce décret prévoit notamment la fin de la mise sur le marché des emballages en plastique à usage unique d’ici 2040. Mis en œuvre à l’échelle européenne, le paquet de textes sur la finance durable (NFRD, CFRD, SFRD, Taxonomie) va également peser de plus en plus sur les acteurs du secteur dans la mesure où il incite les investisseurs à orienter leurs financements vers les entreprises dont la politique de décarbonation de leurs activités est la plus ambitieuse

 

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