Laurie Clément, directrice de l’agence amiénoise d’intérim Lip

Oui complètement. Actuellement, nous comptons au sein de l’agence d’Amiens une quinzaine de postes pour lesquels nous ne trouvons pas les profils. Cela concerne à peu près tous les métiers du bâtiment pour lesquels nous recherchons des personnes disposant d’un minimum d’expérience : électricien, plombier-chauffagiste, technicien de maintenance... Nous avons des candidats, mais qui n’ont pas de diplôme. Nous orientons certains candidats vers des formations, cependant celles-ci sont souvent conditionnées à une embauche en CDD long, voire en CDI. Ce qui, de fait, ne résout pas notre problème...

Ce problème était déjà prégnant avant la crise. La reprise aggrave-t-elle encore la pénurie ?

La situation était en effet déjà compliquée avant la crise, mais là, c’est pire ! Les entreprises ont des besoins, mais leur trésorerie s’est tendue. De ce fait, l’écart entre les salaires proposés et la non activité ne pousse pas les demandeurs d’emploi à une reprise d’activité. Le problème dépasse le secteur du bâtiment. A l’agence d’Amiens, nous essayons de recruter une chargée d’affaires que nous ne parvenons pas à recruter. C’est pourquoi notre groupe a créé, au siège de Lyon, sa propre école de for- mation.

On dit que les chantiers dans les métropoles, à Paris notamment, « aspirent » les talents locaux. Est-ce le cas ?

Beaucoup de gens préfèrent aussi aller travailler à Paris ou dans les grandes métropoles où les chantiers sont nombreux. Avec le système des primes, c’est plus intéressant financièrement pour eux, mais cela « vide » le réservoir de compétences locales. La moyenne d’âge des équipes a tendance à augmenter. Les plus anciens font le plus d’heures, y compris dans les métiers les plus durs. Les nouvelles générations boudent ces métiers, jugés comme trop difficiles. Leurs prétentions salariales sont aussi souvent déconnectées de la réalité économique des entreprises, surtout en début de carrière.