Le docteur Geloen soigne les maisons de retraite

 C'est l'histoire d'un destin contrarié. Et réconcilié. La grande passion de Jacques Geloen était l'électronique. « Tu seras médecin, avocat ou notaire », avait dit sa mère. Alors, Jacques Geloen, bon gré mal gré, a fait sa médecine. A la fac de Lille, avant d'entrer aux urgences de Roubaix, sa ville natale, puis de s'installer comme généraliste... dans le Lot-et-Garonne. Il se souvient encore de ses visites médicales avec son fer à souder : « j'aidais les petites mamies à remplacer une diode ici, à réparer tel appareil ménager... » Il y passera neuf ans avant de revenir dans le Nord, pour la scolarité des enfants. Dix années durant, il sera généraliste à Wambrechies, avant que sa vie ne prenne un nouveau tour quand la résidence Obert, une maison de retraite lui demande de devenir médecin coordinateur en parallèle. Là il découvre un univers à part, appelé pourtant à devenir un jour celui de chacun d'entre nous. « Je pars du principe qu'un jour je serai probablement à la place de ces gens ». Avec une nouvelle donne : grâce au maintien à domicile toujours plus tardif, les résidents des centres de gériatrie y arrivent avec des pathologies de plus en plus lourdes et une aggravation croissante de leur niveau de dépendance. « 70% des gens ici souffrent de démence », indique le médecin, qui pilote aujourd'hui trois maisons de retraite, soit 250 personnes. Raison de plus pour être très à l'écoute et pour soulager un personnel souvent débordé. La question des besoins naturels de ces personnes âgées souvent désorientées est tout sauf secondaire dans ces établissements. Or la nuit, le personnel doit se rendre dans les chambres, vérifier que les patients ne sont pas inondés. Problème : un indicateur de saturation existe bel et bien, mais il est situé entre les jambes du patient, et il est colorimétrique : il faut donc allumer et réveiller la personne, pour s'assurer de la situation. Un dispositif archaïque, insuffisant et impudique. De quoi agacer les neurones du Dr Geloen. Dans son garage, façon Bill Gates, le voilà qui bidouille un capteur newlook. Et qui trouve : l'urine génère le courant qui va illuminer une diode visible de nuit sans allumer la chambre. Lauréat du tout jeune concours de l'innovation des professionnels de santé, appuyé par Eurasanté, le CHRU et l'INPI notamment, Jacques Geloen fonce.

Il protège l'invention d'un brevet, et contacte directement des fabricants. D'abord Mölnycke, un des leaders  mondiaux des protections. Fin de non recevoir... Le deuxième contact, fin 2013, sera le bon : le groupe allemand Hartmann (4000 salariés) trouve l'idée ingénieuse. Un an et de nombreuses améliorations plus tard, l'industriel est en phase avancée pour proposer au marché la couche de nouvelle génération; nous n'en saurons pas plus, un accord de confidentialité lie l'inventeur. Mais l'enjeu économique est énorme, et planétaire. « Les protections sont le troisième budget des maisons de retraite », souligne le Dr Geloen. Alors devront-elles payer plus cher pour ces produits plus aboutis ? Oui et non : à l'unité, le prix sera certes supérieur, mais l'utilisation de ces protections permettra de ne les changer que lorsqu'elles seront saturées.