Le ferroviaire, à la croisée d'enjeux majeurs

Photo François Lo Presti Photo François Lo Presti

L'Institut des Mobilités et des transports durables organisait le 18 novembre à Valenciennes une table-ronde autour des grands enjeux du ferroviaire : transport décarboné, régulation européenne, faiblesse du fret, ouverture à la concurrence, écosystème régional... Avec quatre grands témoins, Nathalie Darmendrail, directrice de SNCF Réseau, Didier Fernandes, patron du site Alstom de Crespin, Josef Doppelbauer, directeur de l'Agence Ferroviaire Européenne, et le député européen Dominique Riquet.

Bruxelles a choisi de faire de 2021 l'année européenne du rail. Il y a fort à parier que ce sera plutôt la décennie du rail : économie décarbonée, intermodalité, économie circulaire, innovation, ouverture à la concurrence... Le rail se trouve au cœur des grands enjeux de demain, rappelés avec acuité par la récente Cop26.

Capitale européenne du ferroviaire, réseau le plus dense après l'île-de-France (32 000 km de voies), connecté à l'Europe du Nord, à la façade portuaire et présence d'un écosystème industriel unique, dont l'Agence Ferroviaire Européenne : les Hauts-de-France et notamment le Valenciennois sont à l'épicentre de ces mouvements de fond. Or l'Europe mobilise des niveaux de crédits considérables sur le ferroviaire : le Mécanisme d'interconexion en Europe (MIE) finance déjà 25 Mds€ dont 80% dédiés au fer. "Mais la conjonction de l'ensemble des fonds consacrés aux transports sur un exercice budgétaire de 7 ans excède proablement 150 mds €", calcule Dominique Riquet. 

0,5% seulement des émissions de C02

Car les arguments en faveur du rail sont puissants : les transports représentent 27% des émissions de CO2. « Mais sur ces 27%, le rail, c'est 0,5% », souligne le député européen pour qui le bilan carbone du déplacement de marchandises ou de voyageurs en train est de 10 à 15 fois meilleur que la route. « Le rail est un transport moderne, même s'il est bien antérieur à la voiture », observe- t-il. Au demeurant, les acteurs s'emploient pour améliorer sans cesse les performances. L'infrastructure ? SNCF Réseau investit chaque année 600 M€ dans la région pour moderniser, régénérer, digitaliser le réseau. Mais aussi pour le verdir : la SNCF a mis en place un circuit vertueux de recyclage de ses rails chez Ascoval, l'acier récupéré permettant d'en fabriquer de nouveaux à Hayange. « On améliore aussi notre empreinte avec le ballast. et avec des partenaires du BTP comme eqiom et l'université de Lille, on travaille à un réseau de recyclage à Lille Délivrance, assorti d'une marketplace », explique Nathalie Darmendrail.

Le matériel roulant ? Lui aussi progresse continûment. Les trains assemblés chez Alstom sont désormais recyclables à 95%. Les ingénieurs allègent constamment leur poids pour avoir une traction moins consommatrice. Mais la recherche s'attache aussi au train à hydrogène, ainsi qu'au train autonome. Alstom teste un train 100% hydrogène en Allemagne et développe en France un format bimode : un train fonctionnant avec pantographe auquel on adjoint une propulsion hydrogène. L'ancienne branche Bombardier travaille elle sur un bimode remplaçant la partie diesel par des batteries.

Le fret à la peine

Si le rail coche donc bien des cases, reste un secteur où il est très faible en France, 

le fret. Ceci alors que d'autres pays ont réussi à le hisser à des niveaux très élevés, comme la Pologne, l'Allemagne ou la Suisse. La Pologne n'avait pas de route, pas de camion et une tradition ferroviaire extrêmement forte, répond Dominique Riquet. L'Allemagne a perdu moins d'infrastructures que la France et l'économie du fret est soutenue. Quant à la Suisse, c'est une politique très volontariste qui lui a permis de financer le rail par la route. Et la France ? « La facilité économique l'a emporté », reconnaît le député, qui croit au rebond du fret : « Tout ne peut pas passer par le ferroviaire, mais si c'est massifié et sur des distances suffisamment longues, on va retrouver des avantages économiques. Mais il faudra investir » , prévient-il.

« Pour un chargeur, le coût est très important, mais aussi la qualité de la desserte, complète la directrice de SNCF Réseau, qui compte 200 industriels embranchés en région Hauts-de-France. Exemple : les carriers sont très sensibles au fait de pouvoir desservir l'Ile-de-France de bout en bout en évitant des norias de camions, risquant de toucher les limites d'acceptabilité des riverains. Le programme France Relance a fléché de gros investissements sur le fret ferroviaire, notamment sur des voies de services. Pour Nathalie Darmendrail, l'important est la réactivité face à une demande des chargeurs souvent tardive. « Les industriels ne demandent pas trois ans à l'avance de circuler sur le réseau, c'est un, deux mois à l'avance, quand ils signent des marchés. Il nous faut être très rapide pour leur octroyer des sillons ». La digitalisation de l'offre est engagée, en lien aussi avec VNF. « On est souvent interconnectés, comme à Saint-Saulve ou Lille. On a convenu avec VNF de partager nos cartes du réseau, de travailler sur une offre commune pour les chargeurs, et de partager nos stratégies d'investissements pour améliorer l'intermodalité ».

« Je suis convaincu que l'avenir du fret est sur l'intermodalité, et pas seulement avec le fluvial mais aussi avec les remorques, renchérit Josef Doppelbauer, patron de l'Agence ferroviaire européenne. 80% des camions sont des remorques qu'on peut facilement mettre sur un train. Il n'y a aucune raison d'avoir ces camions sur les routes pour les transports de plus de 500 ou 700 km. on peut facilement doubler le pourcentrage de transport ferroviaire ».

Sortir du monopole

Dernier enjeu capital, l'ouverture à la concurrence. La région Hauts-de-France a engagé cette politique pour 40% des TER, avec désignation des opérateurs à la mi 2022 pour une entrée en service en 2024. Est-ce une chance ou un risque, au regard de ce qu'avait pu être la privatisation du rail britannique ? «En Angleterre, il y a eu une grossière erreur car on a essayé de privatiser l'infrastructure. L'infrastructure plus l'exploitation, ça ne marche pas, nuance Dominique Riquet, qui souligne les bé- néfices de l'ouverture au marché. « En Allemagne, l'offre de service a été accrue de 90% ! La fiabilité et la sécurité aussi ont été améliorés. La productivité est améliorée, et le coût passager/km a été diminué ». Le député observe aussi que la SNCF, qui peine à maîtriser ses charges dans l'Hexagone, est en revanche d'une redoutable efficacité à l'international.

L'ouverture à la concurrence fait aussi les affaires d'Alstom. Plus d'opérateurs, ce sont davantage de matériels roulants. « Nous fournissons 16 rames double niveau et nous apportons des prestations de maintenance à Transdev qui a gagné un marché d'exploitation entre Marseille et Nice », explique Didier Fernandes, pour qui ces nouveaux marchés sont un levier de croissance.

Alstom, un leader mondial en région

Après l'acquisition de Bombardier par Alstom, le constructeur dispose désormais d'un très gros potentiel industriel et complémentaire dans le Valenciennois entre développement, production, essais, garantie et maintenance : à Petite Forêt, une usine de 2 000 salariés, comptant un centre d'excellence pour le développement des intérieurs de train, pour l'ensemble du groupe. Alstom dispose aussi du centre d'essais ferroviaire pour ses essais d'homologation ; à Crespin, ex site Bombardier, une unité de 2 300 salariés plus 400 prestataires. L'objectif est de passer à une production annuelle de 1 000 voitures, soit 12 trains de 8 caisses tous les mois. Un investissement de 25 M€ a été lancé en juillet 2020 assorti d'un investissement de 4 M€ chez les fournisseurs. Le carnet de commandes est plein jusque 2026.

Pour revoir la vidéo de cette table ronde, cliquez ici.

 

 

 

 

 

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