Le Syndicat des Eaux du Valenciennois dans le collimateur de la chambre des comptes

Les magistrats financiers ont rendu un rapport au vitriol sur la gestion de ce syndicat qui gère depuis 2013 l'eau sur une partie de l'arrondissement valenciennois, avec une effarante légèreté.

La chambre régionale des comptes tape fort sur les doigts du Syndicat des Eaux du Valenciennois (SEV) dans son dernier rapport, inhabituellement sévère. Ce syndicat, créé en 2013 par fusion de deux syndicats, basé à Trith-Saint-Léger, couvre 25 communes du Valenciennois et plus de 200 000 habitants. Il ne compte que trois agents à temps non complet (dont aucun ingénieur ou technicien spécialiste de l'eau), et en cumul d'emploi, de façon irrégulière (partiellement régularisé depuis). Un effectif jugé inadapté face aux enjeux qu'il gère, et qui ne permet pas un contrôle suffisant de ses délégations, soulignent les magistrats. Ce n'est pas tout : un ancien commercial de la société délégataire du SEV, devenu collaborateur de cabinet, avait été embauché sur un emploi d'agent non titulaire. Dans le même temps, il a touché pendant six mois un salaire de Suez Eau France, délégataire du syndicat. Une situation de conflit d'intérêt potentielle, même si les intéressés ont souligné qu'il n'avait plus de fonction opérationnelle chez Suez. Sa nomination, déférée pour irrégularité par la préfecture, a pris fin à l'été 2018. 

Marge de 13,6% pour Suez

Le rapport pointe un équilibre économique des contrats « très défavorable  au regard de la marge réalisée par le délégataire », dans le cadre d'une relation « totalement asymétrique ». La marge s'établit quand même à 13,6% du chiffre d'affaires, une rentabilité hors pair. Le rapport relève « une absence de véritable stratégie patrimoniale » et s'interroge sur l'investissement de 30 M€ dévolu à trois unités de décarbonatation, un investissement qui ne se justifie ni par des obligations réglementaires ni par des recommandations de l'agence régionale de santé et qui ne fait l'objet d'aucune subvention. En parallèle, le taux de renouvellement des canalisations est faible par rapport aux durées d'amortissement. Le président du syndicat estime quant à lui que la décarbonatation va permettre aux usagers des économies de l'ordre de 150 € par an, sur l'allongement de durée de vie des équipements et la réduction d'achats de détergents...

Autre grief : une gestion déléguée « pas optimale ». Il aurait fallu fusionner deux traités de délégation de service public à l'échéance du contrat le plus significatif, qui pesait 254 M€. Le rapport évoque « un pilotage budgétaire défaillant » et un « mauvais ajustement des tarifs de l'eau aux besoins réels de dépenses ». Résultat : « Il en ressort un prix payé par l'usager très élevé  comparé aux moyennes nationales », soit 16,6% plus cher. La situation comptable du syndicat est « en apparence saine », mais alimentée par des « augmentations excessives de la surtaxe prélevée sur les usagers et par de faibles dépenses d'équipement. « Les comptes du syndicat ne reflétant pas la réalité de la situation patrimoniale, la programmation des investissements à venir n’étant pas documentée et les risques financiers des délégations de service public n’étant pas maîtrisés, elle est susceptible de se dégrader à court ou moyen terme. » Le rapport note au demeurant que le SEV ne dispose d'aucun plan pluriannuel d'investissement ni d'aucun outil de prospective financière. 

Gros taux de fuite

Quant à la distribution d'eau elle-même, le rapport souligne des incongruités : sur le périmètre de l'ancien syndicat Syrvaep, le SEV fournit ainsi 11,1 millions de mètres cubes, mais n'en facture que 6,9 millions ! Ce qui traduit des défauts de comptage, des volumes prélevés non distribués (tels les vidanges de châteaux d'eau), la défense incendie et « surtout le taux de fuite sur le réseau ». Celui-ci s'avère nettement supérieur à la moyenne nationale, le rendement du réseau nordiste étant chiffré à 74,27% contre 79 ,3% de moyenne nationale. 

La chambre des comptes relève encore des divergences tarifaires sur le territoire sur les périmètre des deux anciens syndicats fusionnés, contraire au principe d'égalité devant le service public. Le président du Syndicat, Jean-Roger Berrier, note dans sa réponse que la SEV a adopté un plan de convergence tarifaire qui se lissera de 2018 à 2023.