L'économie de l'insertion, made in Nord-Pas-de-Calais

Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France

Le travail est le premier instrument pour faire reculer l'exclusion. Depuis 1975[1], l'insertion par l'activité économique, via ses différentes structures[2], oeuvre à la remise à l'emploi et à l'employabilité de toutes les personnes fragilisées par des accidents de la vie. " Les premières entreprises d'insertion ont été créées dans le NPDC " se souvient Bernard Vigin, directeur du marché de l'économie sociale à la Caisse d'Epargne Nord France Europe (CENFE). Des chiffonniers d'Emmaüs à aujourd'hui, quelle place occupe l'insertion par l'activité économique ?

Autrefois volontiers taxée de concurrence déloyale, l'insertion par l'activité économique (IAE) est aujourd'hui bien mieux acceptée par le monde de l'entreprise classique. L'Union régionale de l'insertion par l'activité économique (URIAE) travaille en partenariat étroit avec des fédérations comme celle du bâtiment, du recyclage ou du nettoyage. L'IAE s'est largement rapprochée du monde de l'entreprise classique pour s'aligner sur ses standards, ses exigences, son rythme et ses contraintes, assurant ainsi aux personnes une employabilité optimale.

Vitamin T, la plus grande structure de France

Longtemps confinée aux métiers du bâtiment, des espaces verts, de la mise sous pli, l''économie de l'insertion s'est au fil des ans imposée dans des secteurs aux profils plus qualifiés comme la restauration, la médiation urbaine, le traitement des déchets ... Certaines entreprises d'insertion exercent même dans des secteurs d'activité pointus avec des moyens et des méthodes exceptionnels. " Vitamine T intègre actuellement une boulangerie d'apprentissage. Le groupe a aussi mis en place une casse voiture " illustre, admiratif, Bernard Vigin. "Cet ensemblier de l'insertion compte 3.000 salariés et est une des plus grandes structures d'insertion en France. Son conseil d'administration comprend des entreprises comme Bonduelle, Rabot Dutilleul ou Holder, qui ont un besoin  important de main d'oeuvre ", souligne-t-il. L'IAE c'est aussi un secteur en recherche d'innovation : " Des sociétés comme Recup'aire ou Triselec ont été précurseurs en matière de développement durable ou de recyclage ", note Marc De Sitter, conseiller de l'URIAE, " les structures d'insertion sont souvent des laboratoires d'idées pour le monde marchand. Sans les associations intermédiaires, les services à la personne ne seraient pas nés ! ".

Les entreprises d'insertion, dernier échelon dans le parcours de retour à l'emploi de la personne produisent tout à la fois des solutions d'insertion et de la richesse. Mais dans leur activité commerciale, elles sont tout à fait ordinaires, conformes aux règles juridiques, fiscales et commerciales qui s'imposent à toute société. " Ne pensons pas que les subventions publiques représentent une part majeure pour les entreprises d'insertion " avertit Bernard Vigin. " L'argent public n'est que la rémunération d'une prestation sociale. Elle n'impacte en rien les comptes d'exploitation. Pour Vitamine T, seuls 12% du total des ressources relèvent des aides publiques, le reste étant lié à la vente de bien et de services, dans les conditions économiques de droit commun " illustre Nicolas Soret, directeur du développement du Groupe Vitamine T interviewé dans la Revue Rue Saint-Guillaume.

Résistance à la crise

Les entreprises d'insertion apportent une contribution très importante à l'économie régionale. " L'activité créée par l'IAE ne se délocalise pas, elle est au coeur du local et contribue véritablement au développement économique de la région " assure Philippe Lefevre, chargé de mission du PLIE Lens Liévin. Par ailleurs, la structure qui coûte à l'Etat lui rapporte aussi en termes de recettes sociales, TVA, ou taxe professionnelle...

Dix nouvelles structures d'insertion se créent chaque année. En 2009, crise oblige, l'URIAE a enregistré un recul des créations, mais très peu de fermetures et de licenciements. Leur recette ? Les sociétés d'insertion n'ont pas une approche capitalistique, elles recherchent le résultat et non le bénéfice. En situation de crise, elles préfèreront donc puiser dans les fonds propres plutôt que de licencier. " La crise est devant nous, et il n'est pas impossible que certaines structures en rupture de fonds propres finissent par fermer " nuance, réaliste, Marc De Sitter.

 Harcèlement textuel  et lourdeur administrative


"les structures d'insertion sont souvent des laboratoires d'idée pour le secteur marchand"
Marc De Sitter, conseiller de l'Uriae

" Nous faisons face à un harcèlement textuel " explique, lassé, Marc De Sitter qui souligne qu'on ne demande pas autant de comptes aux usines automobiles qui reçoivent des aides pour les aider à lutter contre la crise. " Le contrôle est tout à fait légitime mais lorsqu'il devient gênant pour l'activité même d'insertion, c'est inquiétant ". Aujourd'hui, la rigidité administrative démotive beaucoup de structures qui sont pourtant humainement motivées par l'insertion. Des contrôles jugés d'autant plus injustes que " deux seules malversations ont été recensées en 18 ans " indique le conseiller de l'URIAE.

" En Nord - Pas de Calais, nous sommes beaucoup aidés. La Direction départementale du travail est très investie et la politique sociale est plus développée dans notre région que dans d'autres ". Malgré cette reconnaissance, Sinéo déplore une lourdeur administrative qui oblige l'agence à recruter du personnel exclusivement dédié à l'administration, " il existe des politiques locales différentes selon qu'on se trouve dans une ville ou une autre de la même région... Il nous faut nous adapter constamment " insiste le directeur.

Exemple : ces sociétés d'insertion doivent désormais répondre à des objectifs chiffrés : 25% de sortie sur de l'emploi durable et 60% sur de l'emploi dynamique[3) , au terme d'une directive de décembre 2008. ! " Des objectifs délirants en pleine période de crise, auxquels même le Pôle emploi n'arrive pas à répondre " s'emporte Marc De Sitter. Ils ne tiennent pas plus compte de la réalité régionale ni de la spécificité des structures. " La situation est bien plus complexe en Nord Pas de Calais qu'en Ile-de-France par exemple.  il est irritant de voir l'emploi pris pour seul critère d'évaluation alors que les structures d'insertion financent aussi de la formation, de l'accompagnement, du lien social ". Cette frustration est au coeur du débat autour de la reconnaissance de l'économie sociale et solidaire.

[1] Naissance des premières entreprises intermédiaires
[2] Entreprises d'insertion (EI), associations intermédiaires (AI), ateliers et chantiers d'insertion (ACI), entreprise de travail temporaire d'insertion (ETTI), groupement d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ)

 

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