L'économie nordiste met un genou à terre

L'industrie automobile s'est mise en sommeil. Ici l'usine Toyota d'Onnaing L'industrie automobile s'est mise en sommeil. Ici l'usine Toyota d'Onnaing

La fermeture des activités commerciales non essentielles et les mesures de confinement placent l'économie régionale en catalepsie.

«On est les premiers, mais tout le monde sera touché ». Le propos visionnaire était d'Alexis Devillers, pdg et fondateur d'Alive Groupe, vendredi. Autant dire le siècle dernier. Depuis l'interdiction des restaurants (hormis la vente à emporter), bars et commerces non essentiels, puis la décision de confinement adoptée par le président de la République ce 17 mars à midi, c'est une nouvelle ère qui s'ouvre, entraînant la perte totale de chiffre d'affaires chez un nombre considérable d'entreprises et d'acteurs économiques.

Pour Alive, qui fait partie des ETI les plus prometteuses de la région, dans l'univers de la logistique événementielle, tout a commencé par des annulations massives d'événements, spectacles et autres salons, entraînant une perte d'exploitation de 3,5 M€ puis de 3 millions en avril. Le carnet de commandes est nul pour mai. «Et nous n'avons aucune visibilité à juin, qui est un des plus gros mois pour nous », indique le dirigeant qui a enclenché immédiatement le chômage partiel pour ses 400 salariés, avec les mesures de prise en charge total annoncées par le gouvernement. « Il ne faut pas que le remboursement soit dans 60 jours mais dans les 48 heures ! », clame Alexis Devillers. Néanmoins, le groupe de Tourcoing, dont la santé financière était florissante, dispose d'une trésorerie suffisante pour franchir ce cap, si les mesures d'Etat prennent le relais. Aucun dépôt de bilan donc, contrairement à ce qu'une fake news laissait entendre.

 

Agenda de juin rempli

"Cette situation est inédite car brutale et immédiate pour tout le monde !", juge à son tour le Dg de Lille Grand Palais Philippe Blond. Sa structure a d'ores et déjà mis en place une cellule de crise quotidienne, avec les 80 salariés, pour prendre les mesures nécessaires au gré de l'évolution de la situation et des annonces du gouvernement. A ce jour, Lille Grand Palais et le Zenith font état de plus d'une dizaine d'événements, prévus initialement entre mars et avril, annulés ou reportés à partir de juin. "L'agenda est presque plein, prévient Philippe Blond. On essaie de gérer au mieux la crise en interne. Pour assurer un roulement fluide à la reprise, on réduira le temps de montage des différents événements, quitte à prévoir des montages la nuit". 

La lutte prioritaire contre le covid-19, qui fait l'objet d'un consensus national absolu, porte néanmoins en parallèle un coup majeur à la vie économique. Toute la filière automobile et ses 55 000 salariés se met en stand-by, du jamais vu. L'industrie ferroviaire suit la même voie. La pêche boulonnaise est à quai. Une partie croissante de l'activité tertiaire s'est déportée à domicile à l'instar d'Euratechnologies, vidée de ses habitants. Il reste quelques secteurs qui tirent leur carte du jeu, comme le secteur alimentaire, tant en production qu'en vente, avec une véritable prise d'assaut des magasins, et encore plus des drive. Le e-commerce également prépare une montée en puissance énorme : Amazon a annoncé hier un plan de recrutement de 100 000 personnes aux Etats-Unis pour faire face.

Task force

Le choc de la situation sur les entreprises et leurs dirigeants est d'une ampleur exceptionnelle. Les mesures de soutien de l'Etat aussi. Le président de région Xavier Bertrand avait un rendez-vous ce mardi avec le Premier ministre Edouard Philippe. Demain 18 mars, il participera à la réunion (téléphonique) d'une task force associant entre autres les président de la CCI Hauts-de-France, du Medef et de l'U2P pour évaluer la situation et appuyer les chefs d'entreprises pour prendre les bonnes décisions dans ce nouveau contexte. S'il salue les mesures annoncées par Emmanuel Macron, le président du Medef Hauts-de-France Patrice Pennel s'inquiète en revanche d'un possible « credit crunch » si le crédit interentreprises se grippe et en appelle à une très grande vigilance sur ce sujet peu évoqué jusqu'à présent.

Après l'annonce de la première tranche de 50 M€ d'aides directes aux artisans, commerçants et Tpe-Pme, et les 230 M€ de garantie d'emprunt, Xavier Bertrand s'est dit prêt à s'engager aux côtés de l'Etat, notamment via une participation au fonds de solidarité (2 Mds€) annoncé par Emmanuel Macron lors de son allocution le lundi 16 mars.

"Des dégâts économiques importants"

Gérard Méauxsoone, juge au tribunal de commerce Lille Métropole, note que déjà les demandes affluent pour émarger au fonds de premier secours monté en partenariat entre le conseil régional et les tribunaux de commerce. « On regarde avec souplesse les cas qui nous sont présentés mais on va avoir énormément de demandes », dit-il. Le tribunal a fermé mais assure la continuité sur des actions comme le lancement de mandats ad hoc ou de conciliations et traite les cas urgents. « Il y aura des dégâts économiques importants », estime celui qui co-dirige par ailleurs l'entreprise de cafés Meo-Fichaux. 

De son côté, la MEL a dévoilé vendredi 13 mars une série de mesures en faveur, entre autres, des entreprises. Avec pour priorité, la préservation des trésoreries. Sont annoncés, le report du versement de la taxe de séjour métropolitaine des hôteliers qui le souhaitent, une participation au fonds de premier secours de la Région dédié aux secteurs du tourisme et de l’événementiel. La MEL prévoit également la suspension des versements de loyers des entreprises installées dans les Ruches d’entreprises, au CETI et à Maisons de mode. Celles présentes dans les incubateurs accélérateurs du territoire métropolitain – à savoir Euralimentaire, Eurasanté, Euratechnologies, Euramatérials et Plaine Images – peuvent demander une compensation des exonérations de leur loyer. Il en sera de même pour les loyers octroyés par la SEM Ville Renouvelée. En parallèle, la MEL augmentera les acomptes prévus aux entreprises dans le cadre des marchés publics, décalera le paiement des pénalités en cas de retard sur l’exécution des chantiers de son territoire et enfin mobilisera, à travers son agence Hello Lille, des acteurs du tourisme et de l’événementiel pour proposer un plan de relance de la filière dès le second semestre 2020.