"L'énérgie fait partie intégrante de l'aménagement du territoire"

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[caption id="attachment_34734" align="alignleft" width="640"] MATHIAS POVSE, directeur régional EDF en Hauts-de-France et directeur commercial Nord-Ouest[/caption]

 

 

Vous venez de prendre vos fonctions il y a quelques mois, mais avec une double casquette, et sur deux périmètres différents. Expliquez-nous. 

La direction commerciale et la délégation régionale n'ont pas fusionné. Le président d'EDF a choisi de mettre la même personne à la tête des deux entités. Je suis à la fois délégué régional des Hauts-de-France et directeur commercial nord ouest c'est à dire à la fois des Hauts-de-France et de la Haute-Normandie. Côté délégation, outre l'aspect « corporate » de représentation du groupe, la volonté est d'être architecte ensemblier de toutes les dimensions du groupe pour répondre aux attentes des clients et des collectivités. De plus en plus, un client demande bien plus que des Mw/h. Il souhaite des solutions globales s’inscrivant dans le sens de la transition énergétique. Nous l'accompagnons donc pour optimiser son processus, maîtriser sa demande d'énergie et pour l'aider, par exemple, à intégrer des panneaux photovoltaïques pour de l'autoconsommation sur son toit couplé à un réseau de chaleur ou en cogénération. Un tas d'outils a été développé par les pouvoirs publics pour favoriser le développement des énergies renouvelables et la mobilité électrique. EDF a donc une approche beaucoup plus globale dans toutes ses dimensions de production, de ventes d’énergies et de services énergétiques en s’appuyant sur ses filiales comme Dalkia, Tiru ou Sodetrel... 

EDF est un groupe public historiquement très vertical et centralisé. Comment peut-il s’adapter à cette nouvelle donne ? 

EDF est une entreprise en mouvement et en transformation. Une des conclusions de la COP 21 était que la transition énergétique viendrait des régions. Cela s'est traduit dans des schémas régionaux. Nous avions un coup d'avance dans les Hauts-de-France avec rev3 et le Master Plan initié par Philippe Vasseur. Xavier Bertrand a réaffirmé qu'il souhaitait une approche énergétique au niveau de la région. Nous travaillons donc à la corrélation entre des projets régionaux de court ou moyen terme articulés avec une politique énergétique de plus long terme. 

Qu'entendez-vous par approche énergétique régionale ? Faites-vous allusion à la méthanisation ? 

Oui, mais pas seulement. Une orientation a été prise sur la dimension économie circulaire et la valorisation des potentiels énergétiques locaux c'est à dire l'utilisation des ressources locales pour en tirer une valeur énergétique et faire des circuits courts. La région veut être un des leaders sur le bio-méthane injecté sur le réseau en France. Mais il s'agit de 10% du mix énergétique et il faut aussi adresser l'ensemble de ses dimensions. Les Hauts-de-France sont une des deux premières régions éoliennes de France, avec une densité d'implantation assez forte. Peut-on regarder s'il n'y a pas d'autres sources d'énergies renouvelables (ENR) en région ? On évoque les parcs éoliens offshore. Deux étaient en cours, dont l’un a été suspendu au large du Touquet. Le parc dunkerquois est, lui, bien avancé. Dix projets ont été short listés dont les auditions ont eu lieu cet été. EDF Energies Nouvelles est bien entendu un des candidats. Il y a aussi la dimension des systèmes énergétiques locaux avec le projet You & Grid [porté par la Région et la MEL, ndlr] couvrant à la fois la production mais aussi l'optimisation locale des utilisations énergétiques notamment leur intégration, la favorisation et la répartition de l'énergie renouvelable. C'est un véritable défi ! C'est un des sujets de "So MEL, so connected", un des volets urbains de You & Grid. Comment arrive-t-on à augmenter la capacité des ENR en milieu urbain et piloter les flux d'énergies avec la problématique de leur intermittence ? Soit en surdimensionnant la capacité et donc les investissements, soit en étant capable avec le numérique de gérer les flux,
notamment en pilotant la courbe de charge pour répartir les usages aux moments les plus opportuns. Aujourd'hui, nous devons consommer au moment où nous produisons car nous n'avons pas encore de solutions de stockage de grande ampleur avec une dimension économique viable.

 


Le parc de véhicules électriques peut-il devenir un paramètre du stockage ?

Oui. Le projet « So MEL, so connected » prévoit l'intégration de solutions de recharge avec des moyen localisés. Dans quelques semaines, sur le parking relais Saint-Philibert de Lille seront mises en service douze bornes de recharge avec une ombrière photovoltaïque et un pilotage de la charge avec des batteries en pied de borne. Celles-ci sont couplées à un système de stockage temporaire de l'énergie solaire pour la restituer dans les véhicules électriques. Ce qui est envisagé, une fois le système opérant, c'est de réfléchir à du «vehicle to grid» c'est à dire à réutiliser l'énergie stockée dans les véhicules électriques non utilisés pour l'utiliser temporairement à des moments de pointe de consommation. On parle alors de flexibilité.

 

 

 

 

Comment évolue la demande de votre clientèle en matière d'ENR ?


Certains clients ont une demande expresse. Nous avons une offre d'électricité dite verte garantie 100% énergies renouvelables. On parle souvent du parc de production historique d’EDF mais rappelons qu’EDF dispose d'un parc énergies renouvelables de 28 GW avec l'objectif de passer à 50 GW d'ici 2030. Nous sommes le premier investisseur dans le domaine des ENR en Europe. 

Dans le cahier des charges du Canal Seine Nord, le recours aux ENR est expressément prévu dans la fourniture énergétique. Une gigantesque écluse doit être construite dans le
Cambrésis, l'une des plus grandes du Canal. Le démonstrateur – ville durable - en cours dans le projet îlot Folien à Valenciennes permettra de développer cette technique innovante de récupération de l’énergie de l’eau éclusée.

 

Ce type d'opérations n'implique-t-il pas une augmentation des coûts de l'électricité ?

Le prix de l'énergie est aussi fonction du mix énergétique. A partir du moment où on demande aux régions de définir des choix énergétiques, l'enjeu est de les articuler avec un prix péréqué nationalement. Aujourd'hui, les choix énergétiques faits en France garantissent le prix de l’électricité le moins cher d'Europe. Une politique énergétique se regarde sur le long terme. Aujourd’hui, des industriels choisissent de s'installer en Hauts-de-France pour la qualité de fourniture d'électricité qui est un des choix structurant pour leur process industriel. L'énergie fait partie intégrante de l'aménagement du territoire.

Quelle place occuperait la centrale nucléaire de Gravelines dans ce nouveau mix énergétique régional ?

Avec 5 400MWde puissance installée, la centrale de Gravelines est la plus grande centrale nucléaire d'Europe. Elle représente 8% de la production d'électricité du territoire français et 70% de la consommation électrique des Hauts-de-France. Quand nous parlons de mix énergétique bas carbone, l'objectif est bien de le faire évoluer en couplant un parc décarboné historique composé d'hydraulique et de nucléaire avec des énergies renouvelables décarbonées en croissance comme l'éolien et le solaire, notamment.

Comment rééquilibrer ce mix ? Aujourd'hui, l'électricité est à 78% nucléaire, avec une ambitionévoquée de ramener ce ratio à 50% à un horizon qu'il reste à définir. Le sujet est actuellement sur la table. Dans l’ambition majeure de lutter contre le réchauffement climatique par la réduction des émissions des gaz à effet de serre, il faut rappeler que la production d'électricité ne représente que 25% des émissions de CO2 dans le monde après  le bâtiment en premier puis le transport en second. En France, grâce au mix électrique actuel à 90% décarboné,
nous n’émettons que 12 grammes de CO2 par kW/h alors que la moyenne européenne est à 300 grammes, soit 25
fois moins !

Comment les entreprises régionales pourront-elles profiter du «grandcarénage»delacentralede
Gravelines ?


Un programme de maintenance régulier a accompagné la vie de la centrale depuis sa mise en service dans les années 80. Le grand carénage est un programme industriel majeur destiné à permettre la poursuite de l’exploitation du parc nucléaire français après 40 ans, tout en améliorant son niveau de sûreté. Il représente 51 Md€ entre 2014 et 2025. Ramené à Gravelines, cela représente 4 Md€ sur 15 ans. Nous estimons qu'1 Md€ est accessible aux entreprises de la région. L'an passé, un tiers des montants de travaux de maintenance, soit 85 M€, a été réalisé par des entreprises des Hauts-de-France qui font autant de chiffre d'affaires avec les autres centrales françaises. Cela représente plus de 3 400 emplois en région. La réactivation de Nucléi, programme conjoint de la Région, la CCI et EDF, vise les entreprises régionales. Soit celles qui travaillent déjà à Gravelines ou pour d’autres centrales nucléaire soit des nouvelles qui pourraient faire valoir leurs compétences dans le cadre du grand carénage. Ce programme consiste à anticiper les besoins des entreprises, à les aider à recruter et à former leurs équipes, pour qu'elles soient en mesure de répondre aux appels d'offres. Cela permet également de créer un réseau d’entreprises pour constituer un groupement et accéder à ce volume de marché.

 

De plus en plus de grands groupes développent des liens avec les start-up. Et vous ?

Dans l'évolution du mix énergétique, il y a forcément des solutions nouvelles à trouver. Dans la dynamique actuelle du numérique, nous avons tout intérêt à trouver des start-up et nouer des alliances plutôt qu'à réinventer nous-mêmes ce qui est développé par ailleurs. Nous sommes proches de l'écosystème des Hauts-de-France avec Euratech, la Serre numérique et de l'ensemble du paysage des start-up. Le concours d'innovation EDF Pulse a été lancé l'an dernier sous forme d'appel à projet. Quatre lauréats ont été primés dans la région. Au quotidien, c'est devenu une façon de travailler. Nous identifions des besoins en faisant partie intégrante de l'écosystème. Nous sommes par exemple acteur à Euratech. Cela nous permet d'avoir des contacts et un panel de start-up identifiées comme en capacité de répondre à des besoins. Nous travaillons aussi avec des incubateurs et des accélérateurs qui ont des compétences en intelligence artificielle ou en réalité virtuelle.

 

Quel rôle jouez-vous dans les pôles de compétitivité et MEDEE ?

Historiquement, EDF est partenaire de tous les établissements académiques régionaux. Par exemple avec le LAMEL, laboratoire commun avec le L2EP. Quand ont émergé les pôles de compétitivité, sachant que nous
sommes engagés dans les démarches innovantes de transition énergétique, nous nous en sommes rapprochés.
Nous sommes aussi impliqués dans le Pôle d’excellence régional Energie 2020 à Dunkerque et dans le pôle MEDEE que j’ai la chance de présider. MEDEE porte le Powergrid, l’une des 4 plateformes d’innovation labellisées par l’Etat sur les réseaux électriques intelligents avec Nice, Saclay et Grenoble. MEDEE fait aussi partie de l’interpôle des smart grids et de l’association nationale Think Smart Grid qui représente la filière française.

Rappelons que les smart grids, c’est de l’électronique. La Région a réinterrogé l'ensemble des missions et des financements des pôles dans différents domaines pour les rationaliser. Dans le domaine de l'énergie, l’étude est en cours. MEDEE, c'est sa force, est un pont entre des industriels et des académiques pour monter des projets, valoriser et développer les compétences académiques au service des entreprises de la région dans le cadre
de projets industriels innovants. On est vraiment dans le transfert technologique. MEDEE a donc un rôle à jouer dans la transition énergétique. Historiquement, son rôle concerne la maîtrise de l'énergie et des usages.
Avec la transition énergétique, ses compétences sont largement utilisées dans tous les projets innovants. Concernant la mobilité électrique, les projets des partenaires de MEDEE concernent l’optimisation des usages et l’intégration des « nouvelles mobilités » dans les réseaux.

 

MEDEE avait été menacé à une époque. Et aujourd'hui ?

Ses compétences sont aujourd'hui reconnues nationalement voire internationalement. Nous travaillons avec le pôle S2EP des régions Centre et Pays de la Loire car nous avons des compétences complémentaires sur certains projets. Le rôle de MEDEE se renforce. La Région vient de lui confier dans le cadre du partenariat signé récemment avec la fondation Energies pour l’Afrique présidée par Jean-Louis Borloo, l'étude de mise en place d'un pôle R&D qui aurait un pied dans les Hauts-de-France et un autre en Afrique. Le Maroc, le Bénin et l'Egypte sont trois parties prenantes à enjeux déjà identifiées avec qui MEDEE travaille.

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