Les tubes de l'énergie s'organisent

Après un été au calme plat, l'activité a repris vigoureusement en octobre dans la tuberie Europipe de Grande-Synthe, 180 salariés permanents, grâce à deux commandes provenant de Russie. L'industrie russe du tube, pourtant importante, ne peut pas satisfaire tous les besoins de remplacement et la construction neuve de gazoducs. Transneft, compagnie exploitante de réseau, et Gazprom, le numéro 1 mondial du gaz naturel, ont commandé 165 km de tubes pour 90000 tonnes d'acier, à livrer d'ici à janvier prochain. D'autres commandes suivront.

L'allemand Europipe, leader mondial de la spécialité, basé dans la Ruhr, filiale de Dillinger Hütte et de Mannesmann-Salzgitter, confie ces deux contrats à son usine de Grande-Synthe. Une usine allongée tout contre la tôlerie forte de GTS Industries. Cette dernière, filiale de Dillinger Hütte, fournit les tôles à tubes. La tôlerie est elle-même située sur le site à chaud d'ArcelorMittal Dunkerque, numéro un mondial de l'acier, qui contrôle 48,5 % de Dillinger Hütte. L'acier laminé par GTS Industries est fourni en majorité par sa maison mère à Dilling, en Sarre, et un complément est coulé par ArcelorMittal Dunkerque. Ces 170 km de tubes sont expédiés par mer depuis Dunkerque, vers Saint-Petersbourg. Le manutentionnaire dunkerquois Dewulf-Cailleret, groupe Bolloré, assure transit et manutention.

Tous ces tubes doivent être revêtus de polymère anti-corrosion. C'est le travail d'Eupec, une ex- filiale de Europipe, vendue au début de la décennie au coréen Korindo. Déjà très chargée par une commande du japonais Sumitomo à destination de la mer Baltique, Eupec a bien du mal à fournir la Russie. Mais l'entreprise revêt les tubes à l'intérieur même du site Europipe, à Grande-Synthe. Ce qui permet à l'industriel du tube de détacher une équipe d'experts auprès de son sous-traitant pour sauver la qualité et la cadence. C'est ce qu'on appelle une filière. Une filière face à un marché mondial très compétitif, aussi globalisé que possible. La production de cette filière est presque totalement exportée pour le compte de grands projets, qui provoquent de forts à-coups de marché. Que le moindre maillon de cette filière flanche, et tout est perdu.

A l'occasion de l'opportunité d'un appel d'offre kazakh, puis de l'étude du projet de terminal méthanier, " les industriels, mais aussi le territoire, ont pris conscience de l'importance de cette filière ", souligne Francis Leroux, directeur du site Europipe. Un véritable fer de lance technologique, une vitrine du territoire que cette filière, à condition qu'elle soit solide et solidaire, connue et reconnue.

Percées dans le froid

La filière a de solides perspectives commerciales devant elle, concernant la Russie, le Moyen-Orient, l'Europe. Mais elle est à la recherche de percées technologiques permettant de s'ouvrir des niches de marchés, de manière à apporter un complément résilient aux crises qui affectent les marchés de longs kilométrages.

Deux solutions sont en phase de qualification industrielle pour le transport de gaz liquide à très basse température. Une solution en vise le transport de gaz naturel liquide (à -160°C). Un autre alliage de validation jusqu'à – 50°C, permettra le transport de gaz en région arctique à très base température extérieure, ou le transport de GPL. Troisième recherche, les tubes " cladés " (en franglais, " plaqués ", en meilleur français) associent une couche inox de 2,5 à 3 mm d'épaisseur à un tube plus classique en acier plat au carbone. Ces tubes, connus de longue date dans les petits diamètres, sont destinés au transport de gaz ou pétrole très acides, donc corrosifs. Europipe entrevoit un marché important pour les diamètres moyens que produit la filière dunkerquoise. Objectif numéro un, la région Asie-Pacifique.