Marc Verly, directeur général de l'IRD : <b>"Il faut faire émerger des ETI dans notre région"</b>

Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France

 

Vous dirigez un dispositif né autour des syndicats professionnels, l'IRD. Pourquoi ce modèle original n'existe-t-il toujours pas ailleurs en France ?

Parce que nous sommes issues d'Entreprises & Cités ! La grande spécificité du " versant Nord-Est " de la métropole lilloise est que l'économie y était détenue par des entreprises familiales dont les dirigeants avaient une culture chrétienne et centriste, à l'origine de tous les outils du paritarisme : caisses d'allocations familiales, caisses de retraite, 1% logement, médecine du travail... Alors qu'ailleurs les dirigeants étaient seulement animateurs de groupes ou de sociétés, ils avaient ici un pouvoir de décision direct. Les entreprises portaient leur nom, celui de leurs grands-parents, et ils portaient la responsabilité sociale de leur quartier. Le creuset démocrate chrétien, c'est la gestion sociale de l'église !. Le chef d'entreprise se sentait un devoir vis à vis de son environnement, de ses salariés, mais aussi de tutorat et d'assistance vis à vis des Pme-Pmi.

Cette responsabilité sociétale se retrouve dans le changement de nom qui est intervenu le 1er janvier 2000, la Maison des professions devenant Entreprises & Cités.

Ce modèle est-il toujours pertinent face à des opérateurs comme certaines banques généralistes qui disposent de moyens beaucoup plus importants?

Nous nous positionnons d'abord dans une philosophie de capitalisme territorial familial. Nous voulons constituer une alternative entrepreneuriale aux outils strictement financiers, en offrant une réponse aux besoins en fonds propres des Pme.
Toutes nos décisions sont prises par des chefs d'entreprises qui viennent bénévolement à nos comités d'agrément. Depuis 1982, 120 dirigeants d'entreprises nous accompagnent, c'est un pouvoir collectif.

Historiquement, nous sommes partis du monde des professions pour apporter un service aux entreprises. Nous avons démarré dans une logique de caution mutuelle, avec Nord Financement, puis nous avons créé Nord Transmission pour faire en sorte que nos Pme ne soient pas reprises par des fonds d'investissement internationaux mais grâce à des solutions régionales, et éviter ainsi qu'elles ne deviennent de simples lieux de production et restent bien des lieux de création économique et sociale. Nous sommes arrivés naturellement au capital-développement il y a tout juste 20 ans, pour aider les personnes physiques à animer le territoire. Nous l'avons lancé avec 600 000 €. Depuis cette date, nous avons mis en oeuvre 700 opérations. Aujourd'hui, ce sont 70 à 80 opérations par an. Et nous essayons d'apporter une somme de services non seulement aux entreprises mais aussi à leurs salariés.

Votre terreau est donc celui du capitalisme social, et pourtant l'IRD est coté en bourse, n'est-ce pas contradictoire ?

C'est le fait de l'histoire. Quand nous avons repris la SDR en 1998, elle était cotée en bourse. Nous respectons ce statut qui donne une exigence de transparence par rapport à l'ensemble des actionnaires et qui permettra d'être un outil de développement dans les années à venir. Nos résultats sont " normaux ", de l'ordre de 4 M€ par an, ce qui permet de lever des fonds auprès de banquiers nationaux. L'IRD compte à ce jour 5% de capital flottant. Nous avons fait avec l'IRD un travail d'ensemencement du territoire, qui a pu aller jusqu'à permettre le maintien du siège de Bayer sur la métropole en proposant une solution immobilière clés en main.

Votre originalité identitaire vous a-t-elle préservé de la crise qui a sévèrement affecté le capital-développement régional ?

L'IRD se porte bien. En 2010, nous avons bien fonctionné grâce à notre réseau, notre implication dans les fonds d'investissement territoriaux, qui sont désormais au nombre de six, plus deux fonds spécifiques, IDEF (franchise) et Construire Demain (bâtiment). Nous avons doublé le capital d'Inovam (structure de capital amorçage de dossiers issus de la recherche, ndlr) avec le Conseil régional et la Caisse d'Epargne. Nous avons regretté l'absence de la Caisse des dépôts, sa démarche étant plus centralisée sur un outil de taille nationale que sur des fonds locaux . Aujourd'hui nous affichons 270 M€ de bilan, avec 70 salariés. En moyenne nous recevons 400 dossiers par an en capital-développement.


Quel bilan tirez-vous de l'année 2010 ?

Dans une période difficile pour les chefs d'entreprise, notre ADN entrepreneurial a fait la différence : notre implication n'a pas faibli et s'est même développée pour certaines activités : comme l'immobilier ou le capital investissement avec près de 8,5 millions qui ont été engagés, représentant près de 88 nouveaux accompagnements d'entreprises et portant notre portefeuille à 320 participations actives.


Le groupe IRD, appuyé sur E&C, s'est énormément diversifié en quelques années. Vous êtes dans les crèches, les conciergeries, le logement social, celui des cadres, les fonds territoriaux, les groupements d'employeurs, l'immobilier... Comment pouvez vous mener de front autant d'activités ?

Nous sommes organisés en pôles stratégiques, mais non opérationnels. Entreprises & Cités a sa propre gestion sur ses métiers, et donne la vision d'ensemble du dispositif aux outils. Mais chaque structure a bien son indépendance opérationnelle.

Nous sommes une entreprise au service des entreprises. C'est le concept imaginé par Jean-Pierre Guillon, fondateur visionnaire d'Entreprises & Cités. Aujourd'hui, à la demande des entreprises, nous développons les services aux salariés sur leur lieu de travail avec les conciergeries Fées Solutions, nous déployons des crèches (Des étoiles plein les yeux), nous en aurons 29 fin 2011, avec 300 salariés. Nous portons aussi le groupement d'employeurs Alliance Emploi, à partir de la même culture humaniste qui vise à déprécariser l'emploi. La structure compte 800 salariés. Le logement social fait également partie de nos racines, avec Vilogia. Depuis deux mois, nous lançons aussi la carte Odyssée, une carte de réduction pour les salariés, qui permet d'obtenir jusqu'à 5% de réduction chez plus de 400 fournisseurs partenaires.

Votre vocation initiale était résolument régionale. Aujourd'hui vous développez des outils hors du Nord-Pas-de-Calais comme des fonds territoriaux en Lorraine ou en Paca. Quelle est la logique ?

Ce sont des chefs d'entreprise lorrains qui sont venus nous solliciter. 35 d'entre eux se sont mobilisés dans un fonds auquel nous apportons 30% et notre méthodologie de fonctionnement. Un très gros industriel fait appel à nous en ce moment pour reproduire le modèle de nos groupements d'employeurs dans d'autres régions de France. Une association de 70 entreprises de Montpellier, Leader, nous sollicite pour créer un outil de caution mutuelle et de capital-développement. Nous avons d'autres demandes de fonds d'investissement territoriaux.

L'effet réseau que vous développez ici est-il perceptible aussi à l'autre bout de la France ?

Un des intérêts de ces initiatives est aussi la fertilisation croisée. Nous avons en ce moment trois opérations croisées avec des entreprises du Nord et d'autres liées à des fonds d'autres régions. Par exemple, nous travaillons avec des entreprises nordistes spécialistes du photovoltaïque, et espérons faire jouer des synergies à Toulon. Nous voulons faire rayonner le modèle IRD partout en France.

Quelles sont vos ambitions pour les trois prochaines années ?

Nous voulons à la fois contribuer à l'attractivité économique de notre région au travers de projets immobiliers structurant, redoubler d'effort pour accompagner les entrepreneurs et faire de l'esprit d'entreprendre un moteur de croissance économique et sociale.
Mais au-delà de ces axes qui guident notre action depuis plusieurs années, nous avons entamé, sous l'impulsion de Luc Doublet, le président de l'IRD, une réflexion sur l'émergence d'Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI) dans notre région, ce sont des entreprises souvent leader dans leur secteur et de dimension Européenne. Luc Doublet est en effet très sensible à cette problématique étant lui-même à la tête d'une entreprise leader de dimension internationale.

L'analyse que nous faisons c'est que la région est particulièrement dynamique en matière de PME-PMI et possède de grandes entreprises qui rayonnent au niveau mondial. Il s'agit donc pour nous de mettre en place de nouvelles solutions pour accompagner le financement de nos PME à fort potentiel afin qu'elles deviennent des ETI tout en gardant leur ancrage régional.

Concrètement comment allez vous intervenir ?

Notre dispositif actuel permet d'accompagner en capital investissement un ticket maximum de 750 K€ à 1,3 M€. Mais chaque année, nous avons des opportunités pour 2 à 5 M€. Et nous ne pouvons suivre sur ces dossiers trop importants. Claude Bébar a dit que pour rester françaises, nos entreprises doivent devenir mondiales. Pour le paraphraser, je dirais que pour que nos entreprises restent régionales, elles doivent devenir européennes.

Comment les entrepreneurs que vous croisez chaque jour voient-ils l'avenir économique ?

Ils sentent un redémarrage. Mais tous ont une peur importante au sujet des matières premières. Ils s'interrogent aussi techniquement sur la remontée des taux financiers et sur le rapport euro-dollar. L'autre enseignement est que si on constate un mieux, il n'y a en revanche aucune visibilité.
Quant à l'emploi, les gens ont peur. Ceci étant, depuis deux mois, nous constatons un mouvement exceptionnel de recrutements.

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