Numéro #119

Numéro #119 29/03/2022

Edito

La fin de la mondialisation heureuse

C'est en 1999 qu'Alain Minc publie son livre au titre joliment trouvé. « La Mondialisation heureuse » renvoie alors à la division internationale du travail qui permet l'enrichissement de populations entières et la création de classes moyennes à l'autre bout du monde, tout en offrant en retour des biens très bon marché aux consommateurs occidentaux. Cette approche irénique semble bien relever d'un autre siècle voire d'un autre millénaire, aujourd'hui.
Entre temps, Al Qaida a mis à terre les Twin towers, ouvrant une période de trouble et de chaos au Moyen-Orient, en Afghanistan, maintenant en Afrique. Pendant ce temps, la spectaculaire réussite économique chinoise s'est accompagnée d'un processus de désindustrialisation très puissant dans notre pays, même si la tendance semble enfin au rebond. Elle s'est accompagnée aussi d'une mise sous le boisseau de la population chinoise, avec l'aide du numérique, arme fatale des dictatures pour le contrôle total. Puis début 2020, la crise mondiale de la Covid a enfoncé un nouveau coin dans ce que l'universitaire canadien Mc Luhan appelait « le village planétaire ». L'incroyable facilité à voyager et à commercer dans le monde s'est trouvée grippée dans les mailles de la lutte contre le virus. Même si l'on sort peu à peu, non sans difficulté, de cette période de contraintes jamais vues, le retour à la situation ex ante n'est pas de mise. D'autant que le changement climatique est désormais une toile de fond permanente dans la vie de l'humanité.

Retour de l'idée européenne

Comme si cela ne suffisait pas, voici que le nouveau petit père des peuples Vladimir Poutine déterre la hache de guerre (sale). S'asseyant sur l'intangibilité des frontières, le droit international et celui de la guerre, il envoie ses tanks et ses bombes thermobariques sur l'Ukraine, n'hésitant pas à ravager les populations civiles. Outre l'horreur humaine de cette stratégie de la terre brûlée, l'impact de cette agression à grande échelle sera très fort pour l'avenir : inflation, pénuries, crise alimentaire, insécurité géopolitique. Si la mondialisation béate apparaît donc comme un souvenir, au moins se réjouira-t-on du retour en force de l'idée européenne, si tant est qu’elle ne masque pas un nouvel adossement à la puissance américaine.

Olivier Ducuing

Directeur de la rédaction

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Publié le 26/02/2024

Numéro #138

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