“On est dans l'intemporalité”

Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France

 

Les grands corps intermédiaires, partis politiques, syndicats, souffrent d'une forte désaffection. Et la franc-maçonnerie ?

Au contraire, nous connaissons un véritable engouement pour la maçonnerie et les démarches spirituelles. Dans un monde totalement matériel, de consommation à outrance, d'Internet, la jeunesse ressent un besoin de trouver des réponses à des questions d'ordre existentiel. La franc-maçonnerie peut lui apporter un certain nombre de repères. Depuis deux ans et demi, l'âge moyen de nos entrants a baissé de 10 ans, et un tiers de nos entrants a moins de 30 ans. On a fait un effort en ce sens en organisant des rencontres avec la jeunesse comme ici.

 


Cet « engouement » signifie-t- il que les effets d'image très négatifs de certaines affaires comme DSK sont oubliés ?

D'abord ce n'était pas notre obédience. D'une façon générale, des gens qui ne se comportent pas comme il faut, sur 185000 francs-maçons et franc-maçonnes, il y en a, il y en aura. On a les moyens d'exclure les gens qui ont des comportements pas admissibles. Mais on parle toujours des trains qui sont en retard.

 

La maçonnerie, secrète, se montre désormais au grand jour ?

Secret ou discret, c'est vrai pour la majeure partie des membres mais pas pour le grand maître. Ceux qui sont élus à la tête de l'obédience ont toujours fait des conférences, certes davantage aujourd'hui. Quand je suis arrivé, nous n'avions pas de relations avec la presse, c'était le choix de mon prédécesseur. On ne pouvait pas se plaindre quand on avait les marronniers du Nouvel Obs, du Point ou l'Express, qui nous mettaient une litanie d'hommes politiques soi-disant maçons. Aujourd'hui, je reçois les journalistes qui me le demandent, je leur fais visiter la Grande Loge de France, je leur explique le sens de la démarche, les sujets que nous traitons. Dire que Xavier Bertrand est franc-maçon, c'est passionnant, mais quand on l'a dit 15 fois, c'est bon ! Par contre, dire qu'on travaille sur le transhumanisme, le handicap, ouvrir nos conférences, c'est plus intéressant.

 

Revenons à la Grande Loge de France. Quelle est votre originalité ?

Le point commun à toutes les obédiences, c'est l'humanisme, la construction de l'homme. On n'a pas forcément tous les mêmes méthodes. Les uns sont plutôt sociétaux, les autres flirtent avec la religiosité. Nous nous qualifions de franc-maçonnerie de tradition, avec une approche de spiritualité plurielle. On n'interdit aucune forme de spiritualité chez nous, spiritualité ne voulant pas dire religion, qui n'est qu'une petite partie de la spiritualité. On peut être juif, catholique, protestant, musulman, bouddhiste... Il n'y a pas d'obédience athée, mais le Grand Orient se qualifie d'adogmatique, et n'a aucune référence au sacré. La GLNF, à l'autre bout de l'éventail, soutient la croyance en un dieu révélé. Nous, nous sommes au milieu, avec des gens qui croient, qui ne croient pas, des gens de sensibilité de gauche, de droite. On s'interdit de prendre des décisions dans le domaine politique ou religieux qui contraindraient nos membres.

 

Vous n'intervenez pas dans le monde politique ?

Non. Ce qui ne veut pas dire ne rien faire. On mène des actions importantes, mais sans coloration politique. On a des commissions nationales regroupant nos membres mais ouvertes au grand public avec des intervenants qui souvent sont des sachants non maçons, notamment dans le grand temple à Paris, autour de l'éthique, les droits de l'homme, le monde qui nous entoure, l'histoire. Ce sont des conférences publiques.

 

Comment faites-vous valoir vos positions aux parlementaires sur des sujets qui vous tiennent à cœur ?

Les quatre grands maîtres et grande maîtresse des plus grandes obédiences ont été reçus ensemble à l'Assemblée Nationale il y a deux ans pour un grand oral. Par ailleurs, individuellement, on rencontre des dirigeants politiques régulièrement. A la Grande Loge, j'ai reçu annuellement Sarkozy, Fillon, Juppé, Baroin, Wauquiez, Le Maire, Valls, Hollande, Macron, très récemment Jean-Michel Blanquer... Du moment que ces partis respectent la dignité humaine. Ils nous apportent quelques points de leurs projets, on leur parle des nôtres, on se pose mutuellement des questions.

La fin de la visite se déroule dans les archives de la grande loge de France volées par la Gestapo pendant la guerre, qui ont transité par Moscou et qu'on a pu récupérer en l'an 2000. Ca, ça les intéresse et ensuite on va voir les fiches de la Gestapo. Tous les francs-maçons ont été fichés. Il y a là un grand moment d'émotion, les hommes politiques veulent tous voir s'il y a des fiches à leur nom, et il y en a souvent, celle d'un oncle, avec l'adresse de la maison familiale. Cela les impressionne et les émeut plus qu'on ne pourrait le penser.

 

Comment la maçonnerie peut- elle être en phase avec les « digital native » hyperconnectés ?

Vous seriez surpris de voir que les jeunes qui nous rejoignent sont encore plus accrochés à la discrétion que nous ne l'étions. Le secret d'appartenance impose à chacun de ne pas révéler l'appartenance des autres. Mais il est libre de révéler la sienne. Lors du dernier conflit mondial, des milliers de maçons fonctionnaires ont perdu leur emploi et nombre de nos frères, comme Jean Zay ou Pierre Brossolette, ont perdu la vie pour défendre nos valeurs.

 

 Votre obédience est strictement masculine. N'est-ce pas anachronique ?

Notre société est totalement mixte, la parité en étant la dimension légale. La démarche maçonnique, initiatique, elle, répond à une tout autre logique dans laquelle l'intimité est l'ingrédient premier. On peut parler de pudeur, c'est une mise à nu des esprits qui va beaucoup plus loin que celle des corps. Sur 185000 francs-maçons, 25 000 travaillent dans des obédiences mixtes, et 160000 dans des obédiences monogenres. C'est donc un choix délibéré.

 

Vous allez aujourd'hui à la rencontre des jeunes. Pourquoi ?

On va parler du transhumanisme, d'un nouveau regard à construire en direction du handicap. On n'est pas déconnecté des sujets qui passionnent les générations en devenir. On va aussi parler de l'addiction : les jeunes sont en rapport avec toute la planète par Internet mais n'ont plus de rapport humain. Il faut prendre le temps de les écouter. Construire des perspectives de vie, se projeter dans un avenir harmonieux et radieux est de plus en plus difficile pour une jeunesse où la technologie va plus vite qu'eux. On leur propose de se poser à travers une démarche initiatique. Quand vous êtes dans un temple, c'est la sérénité absolue. On est dans l'intemporalité, c'est un pôle de remise en équilibre.

 

N'est-ce pas aussi une manière de régénérer votre mouvement ?

Au départ, ce n'était pas l'idée première qui était d'être acteur de l'actualité sur des sujets de fond. Mais dès notre premier colloque au palais Brongniart à Paris on a été stupéfaits du nombre de demandes, avec 60 demandes d'initiation.

 

La maçonnerie est traditionnellement bien représentée dans le Nord. Est-ce la raison de votre présence aujourd'hui (entretien réalisé courant décembre) ?

Nous avons fait des colloques jeunesse à Paris, Aix-en-Provence Marseille et Lille car on a estimé que c'étaient des régions porteuses qu'on n'a pas choisies par hasard.

 

 

Propos recueilli par Olivier Ducuing

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