Questions à Michel Crépin, secrétaire régional CFDT Hauts de France

Le patron régional de la CFDT, syndicat favorable de longue date au télétravail, estime qu'une bonne organisation permettrait à des centaines de milliers de travailleurs régionaux de s'inscrire durablement dans cette nouvelle forme de travail. 

 

La crise sanitaire a entraîné un développement considérable du télétravail, pas toujours très bien vécu. Comment la CFDT, qui dé- fend le télétravail depuis long- temps, voit-elle cette évolution rapide ?

Le télétravail a connu par obligation un coup d'accélérateur extraordinaire, notamment lors du premier confinement. En France on est passé de 600 à 700 000 salariés en télétravail auparavant à 5 millions de personnes. C'est une modalité de travail qu'il faut absolument explorer. Nous avions déjà négocié avec un premier ANI (accord national interprofessionnel) en 2005. Nous ne sommes pas aveugles, on vit la révolution numérique, son impact sur l'organisation de travail du salarié, c'est un chantier à explorer. La difficulté, c'est comment on y va ? A l'arrache, avec ce que ça a de bon mais aussi de négatif, ou de manière réfléchie, coordonnée ? C'est ce qu'on a fait en exigeant un nouvel ANI, signé le 26 novembre dernier. Cette négociation a été faite à reculons par le patronat, et les autres organisations syndicales avaient des niveaux de réflexion plus ou moins avancés sur le sujet.

Oui mais le télétravail imposé en urgence dans les entreprises par la crise n'a pas toujours été très bien vécu...

C'était plus facile lors du second confinement, on était mieux préparés, les protocoles étaient écrits, ça s'est géré de manière moins chaotique. Mais il est vrai que ceux qui sont passés à 100% en télétravail vivent une coupure du lien social, qui génère des problématiques à dominante psychologique qui peuvent relever des risques psychosociaux (RPS). C'est très lié aux conditions dans lesquelles vous exercez le télétravail. C'est bien plus sympa dans une grande maison sans enfants que dans un petit appartement avec des enfants à garder. Une étude récente fait d'ailleurs apparaître que les personnes les plus sensibles aux difficultés du télétravail étaient les femmes avec des enfants à la maison. La cassure du lien social peut aussi poser d'autres questions. Il faudra être très vigilant avec certains salariés qui ont pris leurs distances : le jour où on reprendra une vie normale, ça risque d'être compliqué pour certains.

L'ANI du 26 septembre n'est qu'un cadre non prescriptif. Com- ment transformer l'essai au sein des entreprises ? C'est le pari de la CFDT ,car il y a là un enjeu de dialogue social. L'ANI donne déjà un cadre, définit les conditions d'éligibilité, proscrit le télétravail à 100%, suppose un accord des deux parties mais aussi la réversibilité du dispositif. Il ne faut pas que cet ANI reste un accord dans les mots. Dans notre région, le télétravail peut concerner des centaines de milliers de salariés. Autant être volontariste, nous les partenaires sociaux, pour assumer notre responsabilité de faire vivre cet accord en région. Cela peut être un accord gagnant pour les salariés comme pour les entreprises.

 

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