Symevad : Quand la valorisation des déchets tourne au fiasco

Le TVME est une installation très innovante (trop ?), qui a rencontré de nombreuses difficultés techniques. Le TVME est une installation très innovante (trop ?), qui a rencontré de nombreuses difficultés techniques.

La chambre régionale des comptes a rendu public un rapport particulièrement alarmant sur le syndicat mixte d'élimination et de valorisation des déchets (Symevad) du Douaisis, d'Hénin-Carvin et d'Osartis-Marquion. Un pari technique audacieux et mal maîtrisé, la perte de débouchés et des surcoûts considérables mettent le syndicat en très grande difficulté, selon le document.

« Les incertitudes qui pèsent sur l'équilibre financier sont telles que le modèle d'activité du syndicat pourrait être réexaminé, à terme », écrivent les magistrats au terme d'un rapport accablant sur le Symevad. Ce syndicat mixte basé à Hénin-Beaumont, est partagé entre trois intercommunalités du Nord et du Pas-de-Calais. Créé fin 2006, il traite les déchets d'une population de 320 000 habitants, soit en 2019 un volume de 215 000 tonnes.

En 2016, le syndicat a mis en service une unité de technologie très innovante, inédite en France et avec une seule expérimentation en Allemagne. Cette unité TVME (Tri-Valorisation-Matière Energie) produit à partir des déchets ménagers du méthane et du combustible solide de récupération (CSR). L'investissement, très élevé (48 M€ au départ), s'est trouvé alourdi par sept avenants (dont l'un pour augmenter ses capacités), soit 55 M€ in fine.

Seule la moitié du méthane espéré a été produite

Problème : « Des incidents ont mis en évidence que le procédé utilisé n’était pas tout à fait au point », note sobrement la chambre des comptes. Résultat : seules 60 000 tonnes ont pu être traitées en 2019 et 68 500 l'an dernier, les tonnages résiduels étant envoyés vers d'autres unités, à la charge du prestataire. Les 20 000 encombrants par an ne peuvent en outre pas être traités. Au total, l'usine n'a produit que 50% du méthane espéré...

Ce n'est pas tout : l'unité produit donc des CSR, utilisés comme combustibles par les cimenteries. Soit 32 500 tonnes par an qui devaient alimenter 3 cimenteries. Seule une cimenterie a finalement pris en charge le combustible, à hauteur de 6 000 tonnes, « le reste de matière sèche potentiellement valorisable énergétiquement, est enfoui ou incinéré, ce coût étant supporté par l’exploitant », décrit le rapport.

Le Symevad a donc lancé un nouveau marché d'exploitation, pour garantir la continuité du service, mais en modifiant fortement les conditions, de façon favorable au prestataire. Résultat : une augmentation des charges de rien moins que 11,7 M€ entre 2019-2020 !

Des comptes plombés

Dans ce contexte, rien d'étonnant à ce que la situation financière du Symevad ait tourné au vinaigre. Les indicateurs financiers sont « en dégradation continue » avec un excédent brut de fonctionnement (EBF, activité opérationnelle du syndicat) en régression constante (-30% entre 2015 et 2019) face à la progression des charges. L'épargne ? Elle ne permet plus de rembourser ne serait-ce que le capital de la dette, au point de devoir mobiliser les réserves financière du syndicat. Sa dette, constituée de 14 emprunts, atteint un encours de 43,7 M€ en 2019. « Un tel niveau d’endettement est préoccupant dans une perspective à moyen terme, à plus forte raison dans un contexte de détérioration continue des équilibres financiers et du bouleversement financier attendu en 2020 », note le rapport.

Car les conditions d'exploitation du TVME se sont durcies l'an dernier, entraînant une hausse des charges de plus de 60% : celles-ci sont passées de 15,6 M€ à 26,6 M€ ! La hausse parallèle de contribution des membres du syndicat n'a permis que d'en compenser une petite partie (1,4 M€).

Quid demain ? « La forte dégradation des indicateurs financiers en 2020 découle essentiellement d’une situation particulière à cet exercice, provenant de l’utilisation de recettes exceptionnelles issues de l’indemnité transactionnelle. Cette situation n’a pas pour vocation à être pérennisée et le niveau de contribution des intercommunalités sera relevé dès 2021 », répond le nouveau président du Symevad Christian Musial.

Continuité menacée

Pas de quoi convaincre la chambre des comptes qui évoque clairement un risque d'arrêt d'activité du TVME, faute de financement. « Le déséquilibre financier du SYMEVAD est tel que la continuité de ses activités pourrait être menacée », écrit-elle en toutes lettres. Pour y échapper, le syndicat compte relever très fortement la contribution des collectivités membres. En parallèle, l'objectif fixé à 2025 est d'optimiser le coût de fonctionnement du TVME pour revenir à un coût compétitif de traitement des ordures ménagères résiduelles.

La situation est d'autant plus délicate que la réglementation va imposer la mise en conformité des installations pour gérer l'extension de la consigne de tri. Un investissement que le Symevad n'aurait pas la capacité d'assumer, laisse clairement entendre la chambre des comptes. Le syndicat mise pour sa part sur le renouvellement en 2022 du marché du TVME pour pouvoir négocier des conditions financières plus favorables, une position que ne partagent manifestement pas les magistrats financiers.

Nous reviendrons sur ce dossier. 

L'intégralité du rapport est ici