Valenciennes sur les rails d'un nouvel avenir

Prenez un hôtel de grand luxe dans un bâtiment historique en cœur de ville (photo). Ajoutez un centre nautique d'envergure dans un nouveau quartier de 7 hectares gagné sur l'ancien stade Nungesser, une importante extension du golf métropolitain, une Cité des Congrès, une reconversion emblématique des chevalements de Wallers Arenberg. Mélangez avec deux nouvelles usines aéronautiques, des embauches massives dans l'industrie comme dans les services, et un technopôle émergent sur le campus universitaire, le tout avec une grosse pincée de fierté retrouvée.
On a là la recette d'un second renouveau du Valenciennois, 20 ans après l'arrivée de Toyota à Onnaing. Signe puissant, la popu- lation de la ville centre est remontée à 44 000 habitants et son maire Laurent Degallaix vise le cap des 50 000 à moyen terme. « Le cœur de ville se transforme avec le passage de l'arsenal, sur l'ancienne friche Match, l'hôtel Royal Hainaut, et les nouveaux cinémas. Cela va recréer une sacrée attractivité », se réjouit Bruno Fontaine, président de la CCI Grand Hainaut. La jeune génération parlerait même d'un effet « Waouh » avec l'immense 4 étoiles porté par l'investisseur en patrimoine historique Xavier Lucas. Tout est au superlatif dans ce projet, bien au-delà des 79 chambres dont 42 suites dans un corps de bâtiment érigé par Louis XV. L'investissement, d'abord (70 M€), digne d'un grand équipement public. Mais aussi l'offre de services : une discothèque sous de superbes voûtes, un restaurant gastronomique italien, une brasserie, un spa XXL, une chapelle privée capable d'accueillir jusqu'à 300 personnes. « Ce n'est jamais facile, mais on a beaucoup de cartes dans notre jeu. Le lieu est exceptionnel, la ville est belle, et elle a une histoire », se félicite André Grosperrin, directeur général de l'établissement qui va ouvrir le 24 mai et sera fin prêt pour accueillir le mondial de foot féminin et héberger plusieurs équipes nationales.

Masse critique touristique

Le Royal Hainaut vient alimenter une impressionnante suite de projets qui doivent aboutir à une masse critique et une vraie visibilité de l'agglomération en matière de tourisme. Il y a deux ans ouvrait la Cité des Congrès, sur les bords de l'Escaut, dont la montée en régime est plus rapide que prévu. En octobre, ce sera un centre nautique très ambitieux aux lieu et place de l'ancien stade. Le pôle emploiera une centaine de personnes. L'extension du golf va quant à elle coûter 19 M€ aux collectivités qui espèrent en retour de belles recettes de cessions foncières. La Scène nationale du Phenix fait elle aussi l'objet d'une modernisation (pour 8 M€), 20 ans après sa création.

Avec la proximité du parc naturel Scarpe-Escaut, le potentiel de la ville thermale de Saint-Amand-les-Eaux, son abbatiale et son Pasino, la légitimité touristique du Valenciennois devient incontestable. Et Bruno Fontaine se projette déjà à l'heure du futur canal Seine Nord, qui devrait nourrir cette fois un tourisme fluvial prometteur.

L'avenir du territoire passe aussi par l'innovation et le numérique. Valenciennes récolte aujourd'hui les fruits de paris audacieux engagés il y a longtemps. Au Nord, le technopôle Transalley, sur le campus universitaire, étend ses murs et sa piste d'essais pour la mobilité du futur dans un bal incessant d'engins de chantiers (lire p.15). Au sud, c'est un ensemble numérique qui grandit, dans le sillage du groupe consulaire d'écoles Rubika (Supinfogame, Supinfocom, ISD), spécialiste du jeu numérique, des films d'animation et du design, et de l'incubateur la Serre Numérique. 1200 personnes dont 900 étudiants se croisent tous les jours dans ce que les responsables locaux aimeraient voir devenir leur Euratechnologies. Le démarrage fut lent, mais les signaux du décollage se multiplient. à l'exemple du développeur informatique Altimance, qui a posé ses valises ici fin 2017, et qui vise les 300 salariés dès 2020. Il doit déménager incessamment dans un nouveau bâtiment de 4000 m2. L'école Rubika s'étend elle aussi, tout en poursuivant son internationalisation. Après l'Inde et le Canada, elle met désormais le cap sur le Kenya.

Site totémique

Du côté de la Porte du Hainaut, l'agglo adjacente à Valenciennes Métropole, l'opération phare demeure la reconversion de l'ancien carreau de mines de Wallers Arenberg en un site totémique dédié à l'image et aux médias numériques, Arenberg Creative Mine. Après la première phase et les équipes pionnières, dont le labo universitaire de design visuel et urbain DeVisu, l'heure est venue à l'accueil des entreprises à tra- vers un nouveau pôle tertiaire (lire par ailleurs).

Pour autant, le Valenciennois reste puissamment ancré dans son identité industrielle. La mobilisation exemplaire et unanime autour du dossier Ascoval et de ses aciers très spéciaux (pour lequel 5 candidatures ou marques d'intérêt s'étaient manifestées fin mars) est d'ailleurs emblématique de ce territoire que l'Etat ne pouvait que labelliser « territoire d'industrie » en novembre dernier (au côté de 123 autres en France). Une industrie qui a connu des heures délicates, entre les laminoirs de LME  et les lignes de production de Bombardier ou Alstom. Mais le climat a changé du tout au tout. LME a retrouvé les profits, réinvestit et embauche, et les carnets de commande du ferroviaire sont désormais au beau fixe : Bombardier vient encore ces derniers jours d'engranger une commande d'Eurotunnel de 150 M€ sur sept ans pour la rénovation de ses navettes passager. Les pouvoirs publics essaient de faire percoler cette dynamique et cette performance chez les sous-traitants, à travers un programme dédié, CARE (lire par ailleurs). Pour couronner cette santé retrouvée, l'Agence ferroviaire européenne implantée à Valenciennes depuis 2009 cherche à élargir ses équipes internationales avec 100 postes supplémentaires.

L'emploi, double point noir du territoire

L'automobile, cyclique elle aussi, surfe sur une vague très positive. Toyota prépare un nouveau véhicule, pour lequel il investit 300 M€ et anticipe 300 embauches. L'usine mécanique de Valenciennes (UMV) de PSA, fabricante de boîtes de vitesse, recrute aussi. Mieux, l'agglomération a réussi à attirer coup sur coup deux nouvelles usines aéronautiques : Airfoils Advanced Solutions, filiale commune de Safran et Air France KLM, va réparer les ailettes des turbines de moteurs d'avions et d'hélicoptères à Sars & Rosières. Un projet porteur de 200 à 250 emplois très qualifiés. Et Rafaut, équipementier familial, va investir 20 M€ dans une usine de pièces de grande dimension, pour des clients comme Dassault, Airbus ou l'armée. Des acteurs qui viennent conforter l'usine SKF voisine, fabricante de roulements à bille pour l'aviation, qui vient d'investir 5 M€ dans une nouvelle chaîne de production. Et qui elle aussi recrute à tour de bras pour compléter ses 650 salariés.

Ou qui voudrait recruter. Car l'emploi est le double point noir du territoire. D'abord du fait d'un taux de chômage bloqué autour de 15% de la population active. Ensuite parce que, malgré ce gisement potentiel considérable, les chefs d'entreprise sont unanimes à souligner l'extrême difficulté à embaucher. Certains profils sont quasi-introuvables, au point que bien des entreprises mettent en place leur propre école, à l'exemple de LME, pour former ses oxycoupeurs et ses lamineurs.

D'autres comme Bombardier recrutent désormais sur le savoir-être, sans exiger de compétences. Dans un univers très différent, le développement numérique, la problématique est identique. Altimance a sollicité tous les maires de l'agglomération pour trouver des candidats motivés. « Même ainsi, ils ont encore du mal »,déplore le président de l'agglo Laurent Degallaix, qui estime que le chômage pourrait baisser de 4 à 5 points si les entreprises trouvaient chaussure à leur pied

Batixia, artisan discret du renouveau valenciennois

Batixia est une société à part, qu'on pourrait définir comme un capital-risqueur immobilier spécialisé dans les zones situées en politique de la ville. Cette structure public-privé (Région, Caisse des dépôts, Caisse d'Epargne, IRD) intervient là où les investisseurs privés ne veulent pas encore s'aventurer, pour réamorcer la pompe. Dans le Valenciennois, la structure a injecté 36 M€ dans 8 opérations sur son bilan régional de 37 programmes. Cela a débuté avec la création du bowling en entrée de ville à côté de l'uGC. La structure a également investi dans quatre hôtels d'entreprises (Anzin, Bruay-sur-Escaut, escaudin) soit un total de 9 000 m2. elle s'est aussi mobilisée pour le siège d'Agrati à Vieux Condé (un équipementier auto spécialiste en frappe à froid, boulons et vis), et sur le campus universitaire où elle a construit un ensemble de 3200 m2 (investissement : 6 M€) qui héberge notamment le technopôle Transalley et différentes structures de l'écosystème.

Plus récemment, elle a investi 10 M€ dans un bâtiment de 4 500 m2 livré en 2018 pour accueillir le centre des services partagés de Vallourec (photo). Le site regroupe tous les services support pour l'europe du fabricant de tubes sans soudure, soit 350 salariés.