Voiture autonome : la technologie freinée par le juridique

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Les recherches technologiques avancent, mais la législation piétine autour du sujet épineux de la responsabilité. Au grand dam des professionnels de l'automobile.

Vous ne le savez peut-être pas mais des voitures et navettes autonomes se baladent sur les routes de France depuis deux ans. L'Etat les autorise sous conditions sine qua non d'une présence humaine à bord et de l'installation d'une boîte noire. PSA réalise ses expérimentations sur un tronçon de l'A86, dans les Yvelines, près de son centre de recherche et développement. Renault occupe quant à lui une partie de l'A13 en Normandie avec son Renault Symbioz. Autre acteur à s'être lancé dans l'aventure, l'équipementier Valeo qui arpente les routes de Paris grâce à son Range Rover doté de la technologie Drive4U et de multiples capteurs et caméras.

Les tests français grandeur nature n'en sont qu'à leurs balbutiements. Outre-Atlantique, ils sont autorisés depuis 2011. Et les grands noms de l'automobile et de la technologie n'ont pas tardé à se livrer une bataille acharnée à coups de milliards de dollars, aux enjeux économiques énormes. Régulièrement, Volkswagen, Mercedes-Benz, Tesla, BMW ou encore Samsung et Google font chauffer le bitume des routes en Californie, en passe de devenir la Mecque des nouvelles technologies du transport. Deux acteurs ont (pour le moment) déclaré forfait, les partenaires Uber et Toyota qui n'ont pas renouvelé leur demande de tests. En cause : l'accident mortel survenu à la mi-mars en Arizona impliquant une voiture sans conducteur et une piétonne. Bête noire des pouvoirs publics. Quand pourrons-nous monter à bord d'une voiture autonome ? Renault table sur la commercialisation de quinze voitures semi-autonomes d'ici 2022. Le président de General Motors Dan Ammann annonce de son côté "de grands progrès pour une commercialisation du Cruise AV en 2019." Est-ce pessimiste de penser que cela paraît encore peu probable ? L'Edhec et le laboratoire de recherches et d'expérimentations Anthropo-Lab de la Catho se sont penchés sur le sujet.

Points d'interrogation

De nombreuses questions restent en suspens, notamment celles relatives à la sécurité. Les études mettent en avant une baisse significative des accidents de la route grâce à la voiture autonome, certes. Mais en cas d'accrochage, à qui la faute ? Le constructeur, l'automobiliste ou le programmateur ? Question centrale sur laquelle les avis divergent. "En l'état actuel du droit, le conducteur - assuré de manière individuelle, reste le seul responsable de son véhicule même en mode automatique. Il est évident que les règles d'assurance devront être modifiées", répond Fabrice Le Lec, chercheur de l'Anthropo-Lab. "Les constructeurs disent qu'ils ne font que construire. De leur côté, les programmateurs repondent qu'ils utilisent des open sources et se défaussent en cas de pepin. Quant aux particuliers, certains disent qu'ils ne conduiront plus, par peur d'être totalement tributaires de l'IA", explique la juriste fiscaliste Emmanuelle Deglaire. L'IA, intelligence artificielle, est un autre élément qui suscite le débat autour de la voiture autonome, vouée à apprendre seule au fil des kilomètres engrangés et des situations rencontrées. C'est ce que l'on appelle le machine learning, ou l'apprentissage automatique.

Une intelligence hors contrôle

Les véhicules deviendront donc de plus en plus intelligents, mais qu'apprendront-ils exactement ? Là encore, c'est le flou. Par nature, les algorithmes sont très opaques. Autonomes, ils prennent des décisions qui ne sont pas toujours compréhensibles par l'Homme. "C'est tout le côté dramatique", d'après Fabrice Le Lec. "C'est encore trop compliqué de créer un algorithme ou un module d'intelligence artificielle capable de définir tous les cas de figures possibles", detaille Emmanuelle Deglaire.

En clair, les programmateurs à l'origine de ces modules ignorent encore ce que décideront leurs petites innovations dans certaines circonstances. A cela s'ajoutent un apprentissage et des réactions différenciant selon les vehicules et leur constructeur. "Des professionnels du secteur de l'automobile ont déjà annoncé de manière un peu provocante qu'ils protégeraient les gens dans la voiture plutôt que les pietons. Grosso modo : achetez Allemand, vous survivrez !", poursuit la juriste. Un parti pris intéressant commercialement. En revanche, il l'est moins d'un point de vue éthique. De quoi laisser le commun des mortels... perplexe. A l'échelle européenne, des tendances sur le plan normatif se dessinent. Les politiques pourraient imposer aux constructeurs une traçabilité obligatoire du processus de decision des véhicules autonomes. "L'idée est très belle sauf que techniquement ce n'est pas simple !", pointe Emmanuelle Deglaire.

Création d'un cadre légal

"L'avenir de la voiture autonome anime beaucoup les politiques. Que ce soit au niveau national, européen ou international, tout le monde creuse la question", assure la juriste. Les constructeurs tous azimuts espèrent voir émerger rapidement une règlementation précise, essentielle à l'avancée et au développement de leurs technologies. "Si on a réussi à harmoniser les plaques d'immatriculation, on devrait être capable d'en faire autant pour les principes juridiques de base de la voiture autonome", estime le chercheur à l'Anthropo-Lab. Le futur de la voiture traditionnelle peut s'écrire très rapidement. Mais rien ne se fera du jour au lendemain. Les professionnels de l'automobile et de la technologie vont plus vite que la législation et les pouvoirs publics. Et beaucoup d'incertitudes persistent. Aux entreprises de faire le nécessaire, selon Fabrice Le Lec. Qui ajoute : "Dans le métro, dans l'avion, on ne s'en rend pas toujours compte mais nous sommes déjà entourés par l'intelligence artificielle. Pour autant, pour que la voiture autonome se développe, il faut un changement profond des mentalités." Idée partagée par la juriste qui note "un décrochage entre la préparation technique des professionnels et la préparation psychologique du grand public. Les conducteurs ont tendance à être spontanés dans leur prise de décision. L’expérimentation menée à l'Edhec montre qu’il est délicat d’intellectualiser la prise de décision optimale en anticipant des situations théoriques". Pour cela, une longue phase de transition devra s'opérer, poussée par un élan national. Voire au-delà. Sans l'intervention volontariste des pouvoirs publics, aucune chance de voir évoluer le concept des véhicules sans conducteur.

Minibus autonome lillois

La MEL veut innover une fois de plus en matière de transport en commun. Après l'invention du premier métro automatique au monde dans les années 70, une navette autonome lilloise pourrait bien voir le jour. La MEL attend le feu vert ministériel pour débuter son experimentation, d'ici la fin de l'année, sur le campus de l'Université de Lille 1 à Villeneuve d'Ascq. Composé de deux véhicules sans chauffeur et doté d'une quinzaine de places, le dispositif renforcera la desserte en métro et bus du secteur. Il transportera gratuitement les usagers du lundi au vendredi, toutes les 10 minutes en heure de pointe et 20 minutes en heures creuses.

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