François-Xavier Willot, directeur régional d'Oséo

Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France Image illustrative Eco121, mensuel des décideurs des hauts de France


Deux ans après l'effondrement de Lehman Brothers, comment sentez-vous nos entreprises régionales ?

Quand on interroge notre panel Oseo Excellence (club de sociétés partenaires d'Oseo, ndlr), les entreprises en meilleure santé sont celles qui innovent, qui vont à l'international, au grand international notamment. Celles là sont très confiantes pour 2011, s'attendent à une croissance de leurs activités et investissent. Toutes les autres, qui ont une valeur ajoutée de sous-traitance et/ou sont tributaires de donneurs d'ordre, n'ont pas ou peu de visibilité.

BIO EXPRESS

1956
Naissance à Roubaix
1981
Ingénieur HEI
1982-1987
Conducteur de travaux puis contrôleur de gestion chez NORPAC
1987- 1992
Direction des engagements au Crédit du Nord, puis marché des entreprises
1992-94
Directeur agence de Lille de la Banque Régionale du Nord (FORTIS)
1994
Numéro deux de SOFARIS à Lille
Depuis 1997
Directeur régional de la BDPME (devenue OSEO en 2005)

 

Faisons un rapide retour en arrière : fin 2008, tout s'effondre, la crise de liquidité est suivie d'une crise économique brutale. Les chiffres d'affaires baissent de 15, 20, 30%, parfois plus. Tous les jours, nous avons connaissance de nouvelles difficultés d'entreprises et un sentiment de panique s'installe dans l'économie. Il fallait réagir vite, et c'est ce qui a été fait par les pouvoirs publics. Cela a permis de régler des situations parfois très délicates en redonnant confiance. A la rentrée de septembre 2009, nous espérions tous une reprise. Elle se confirme progressivement mais sans doute trop mollement.

En terme de soutien aux entreprises en difficulté, nous en sommes en 2010 à la moitié du rythme de 2009. Les entreprises ont fait face à leurs problèmes avec l'aide des banques. Maintenant, avec des outils industriels en sous-capacité d'utilisation, les besoins se font moins sentir. Les difficultés pourraient surgir avec une reprise générant des besoins financiers trop importants pour les entreprises, car les stocks sont très bas et il faudra les reconstituer. C'est là où on nous attend.

Vous avez été le principal outil de réponse de l'Etat aux entreprises face à la crise. Comment avez vous vécu cette période ?

L'Etat a très vite réagi, immédiatement suivi par la Région, dans le Nord-Pas-de-Calais. Le système mis en place a permis d'amplifier la procédure nationale. Cela a été possible car nous avons une relation franche, directe et étroite avec la Région. La verticalité est la même chez Oséo et au sein du Conseil Régional : quand j'interpelle quelqu'un à la DAE (direction de l'action économique, ndlr), l'information remonte rapidement au niveau exécutif. On n'a pas besoin de passer par 50 bureaux ou sous-bureaux pour se faire entendre.
Chez Oséo, c'est la même chose : quand on a connaissance d'un événement positif ou négatif sur le terrain, on peut très vite le faire remonter jusqu'à la Direction Générale, et c'est suivi d'effet. On a le sentiment d'être utile et c'est très gratifiant au quotidien. Ensuite, la charge de travail importe peu quand il s'agit d'aider les entreprises qui sont en difficultés, car il faut faire vite. Les équipes d'OSEO ont ainsi réagi magnifiquement.

Cette réactivité a-t-elle permis de sauver des entreprises ?

Très clairement oui. D'une manière générale, la vision hexagonale de l'Etat a besoin d'être affinée par région. C'est là où ce deuxième étage de la fusée était intéressant, pour amplifier le soutien, placer un " superamortisseur " de la crise en région. Nous disposions d'une mesure de garantie nationale d'une portée très forte. La Région a répondu à notre sollicitation en proposant un traitement de la crise encore plus fort . Des conventions simples nous lient déja, dans une grande confiance mutuelle. Pour être encore plus réactifs, nous avons demandé et obtenu une délégation de décision sur le plan de relance. Au total, depuis fin 2008, nous avons aidé plus de 1300 entreprises en difficultés dans la région, en intervenant sur 230 millions de concours bancaires. Ceci a permis de maintenir 30.000 emplois.

La sinistralité a -t-elle grimpé pour Oséo ?

Mécaniquement, elle a effectivement grimpé et dès le début 2009, nous avons eu une augmentation sensible des contentieux. Néanmoins, nous ne sommes pas aujourd'hui au niveau qu'on aurait imaginé. Pourquoi ? D'abord parce que collectivement l'ensemble des acteurs intervenants a su faire les efforts qui s'imposaient pour traiter les problèmes de manière anticipée. Ensuite, historiquement, depuis la crise de 1993-94, même si beaucoup ne s'en rappellent plus, des efforts ont été accomplis tant au niveau des banques que des entreprises. Depuis le début des années 2000, le niveau des encours contentieux des banques n'ont fait que baisser pour atteindre un point bas historique en 2008. Maintenant, il faut rester prudent car les besoins des entreprises vont naître au moment du redémarrage et c'est là où il pourrait y avoir quelques dérapages.

L'élan de la création d'entreprise, qui a décollé ces dernières années, est-il toujours là ?

Il reste toujours très fort. Nous avions lancé concommitammment au plan régional pour la création transmission d'entreprises (PRCTE) un prêt à la création d'entreprise (PCE)d'un montant de 7.000 euros sans garantie, permettant aux primo-créateurs d'avoir un fonds de roulement de départ. Cet outil est délégué aux banques et nous en portons le risque. Nous allons fêter le 10.000ème PCE régional en fin d'année. Cette mesure est clairement un succès.

Le statut d'auto-entrepreneur a été de son côté un booster phénoménal. Il est arrivé à un moment opportun, en pleine crise. Il a permis à ceux qui étaient au bord de la route de mettre le pied à l'étrier et de s'engager rapidement. Cette mesure est intéressante par sa simplicité car elle casse tous les freins liés à la création d'entreprise, même si elle ne répond pas à tous les cas de créations d'entreprises.

Suffisamment d'enquêtes démontrent qu'à l'horizon de 3 à 5 ans, la survie des entreprises en création est plus que délicate. Il faut donc sans cesse remettre l'ouvrage sur le métier. Ce n'est pas parce que l'effort mené dans la région dans le cadre du PRCTE n'est plus en première ligne qu'il faut l'abandonner ou le ralentir. Le soutien à la création doit rester une démarche permanente. Elle reste profondément ancrée chez OSEO : le fonds de garantie Création est en volume le plus utilisé tant au niveau régional que national.

La crise a-t-elle asséché les trésoreries au risque d'être sans carburant lorsque la reprise se produira ?

La sous-utilisation des outils de production minimise les besoins en trésorerie. Quand l'économie va repartir, je n'ai pas de doute sur la capacité du système bancaire à accompagner les besoins des entreprises. Nous sommes dans une région où les banquiers ont fait leur métier. La médiation du crédit a d'ailleurs été sous-utilisée par rapport à la moyenne nationale et au poids économique de la région. Les banquiers n'ont pas besoin qu'on leur mette un révolver sur la tempe pour faire du crédit. Ensuite, les outils d'amortisseur existent. Nous en sommes un, il y a aussi toute la communauté financière qui est bien présente (Finorpa, l'IRD,etc...).

Que se passera-t-il si les cotations Banque de France se dégradent ?

Le risque est moins le coût du crédit que celui de ne pas avoir accès au crédit. C'est là où en tant qu'amortisseur, nous devons aider les entreprises en accompagnant les banques et en prenant une partie du risque. Dans cette période de redémarrage, l'Etat a multiplié les interventions, notamment dans le cadre du plan de relance. Pas seulement pour accompagner les entreprises en difficulté, mais aussi celles en redémarrage. Nous avons lancé un nouveau produit de financement d'investissements, le contrat de développement participatif. Il aide les PME comme les ETI (entreprises de taille intermédiaire de 250 à 5000 salariés, ndlr) jusqu'à 3 millions d'euros, en accompagnement de prêts bancaires. Ces interventions, sans garantie, comportent également un différé de remboursement en capital de deux ans. En septembre seront mises en oeuvre les mesures résultant du grand emprunt pour les investissements d'avenir. Citons le développement durable avec des prêts " verts ". Nous allons également aider les relocalisations. En 24 mois, nous avons lancé au moins autant de produits que ces dix dernières années.

Tant de produits, est-ce lisible ?

Nous sommes devenus plus difficilement lisibles, c'est vrai. Mais ne nous trompons pas. Etions-nous jusqu'alors facilement lisibles par la place financière ? Non. Les banquiers disposent eux même d'une panoplie de produits très large et ce n'est pas leur métier de faire la promotion de ceux d'Oseo. Nous nous refusons d'être un guichet quelconque et d'attendre d'être sollicités. Nous devons être proactifs, tournés vers les entrepreneurs à chaque instant

Néanmoins, ce n'est pas l'équipe des 35 salariés de la direction régionale d'OSEO qui peut appréhender seule la problématique des 20.000 PME et ETI de la région. C'est là où des outils comme le " plan 2000 Pme " sont indispensables pour ces mises en relation.

Avec ce chiffre symbolique, ce plan pourrait ressembler à une opération marketing...

Ce n'est pas le cas. Comme pour un navire, il faut avoir un cap. Dans la région, il existe environ 120.000 structures inscrites au Registre des Métiers ou dans les Chambres de Commerce, dont environ 20.000 PME et ETI : la vraie cible est là.
L'objectif est d'identifier 10% de ces 20.000 entreprises, qui ont un projet, d'ailleurs pas forcément en innovation ou à l'international. Ce peut être également en terme de développement durable, voire d'une meilleure vision sociale.

L'intérêt est d'aller voir ces 2000 entrepreneurs, les faire parler de leurs projets, les orienter vers les produits et les structures et les accompagner dans le temps pour réaliser ces projets. Sur le plan de l'international ou de l'innovation, les entreprises sont-elles bien conscientes de l'ensemble des outils régionaux qui peuvent les accompagner ? Connaissent-elles les moyens d'accéder aux bons outils pour réaliser leurs projets ? Le fait qu'il y ait des développeurs pour aller à la rencontre des entreprises, établir 2000 analyses stratégiques, et mettre en relation les chefs d'entreprises avec les structures adéquates est une réelle opportunité pour tous, y compris OSEO, car chaque structure prise séparément n'en a pas les moyens. Mais une fois le besoin détecté, là nous pourrons déployer l'intégralité de notre boîte à outils.

Le développement économique régional est déséquilibré avec certains territoires plombés. Vos 2000 pme ne risquent-elles pas d'être toutes lilloises ?

Non,je ne le pense pas. Statistiquement, on devrait en retrouver environ 1.000 en région lilloise car son poids économique est de 50% de celui de la région. De toutes façons, les outils d'Oseo ne font pas de différenciation en fonction des territoires et nous essayons de trouver avec les acteurs de terrain des amplifications aux ressources de l'Etat, du Conseil Régional et des fonds européens que nous gérons. Par exemple, LMCU cherche a doper l'innovation sur son territoire, comme la CAB à Boulogne, et nous avons signé des conventions spécifiques sur ces territoires.

Notre économie régionale n'est cependant pas assez tournée vers l'international ou l'innovation. Mais il y a un savoir faire et une compétence technique remarquables sur tout le territoire et ce serait une vraie folie d'imaginer que l'on puisse devenir une région tertiaire et se passer de toute cette industrie.

Avec les mêmes recettes, avec les pôles d'excellence, peut on avoir les mêmes résultats à Calais ou Maubeuge ?

Il faut être honnête. Il y a des zones et des secteurs qui émergent, mais d'autres plus en décalage. Tous les territoires ne sont pas logés à la même enseigne et n'ont pas les mêmes atouts. En matière d'innovation, trois territoires dominent avec la métropole lilloise, le Valenciennois, et le Boulonnais, qui est le deuxième territoire où nous fonctionnons le mieux. Cela tient beaucoup à la volonté des élus locaux, à l'existence d'un pôle de compétitivité qui était le seul hors métropole avant la validation de Team², et à un potentiel économique local très particulier: Boulogne est le premier port de pêche français.

Les nouveaux clusters commencent-ils à avoir un effet d'entraînement sur l'innovation régionale, traditionnellement faible ?

On le mesure sur un plan qualitatif, pas encore pleinement sur un plan quantitatif mais je reste persuadé que nous sommes collectivement dans la bonne direction. Je reviens à mes 20.000 PME et ETI : environ 2000 entreprises sont porteuses de projets innovants et , grosso modo, autant vont à l'international régulièrement. Ce qui fait environ 3.000 sociétés qui ont une forte envie d'entreprendre, car nombre d'entre elles sont sur les deux terrains. Mais ce n'est pas suffisant pour développer efficacement le tissu économique régional et sortir globalement d'une activité de sous-traitance dont on a vu les limites très rapidement avec la crise.

Ce qui manque, ce sont donc des projets.
Nos pôles de compétitivité représentent 10% du poids national, près du double de notre poids économique. Ce serait une sacrée preuve d'inefficacité collective de ne pas arriver à tirer avantage de cette situation dans les années à venir. Toutes les composantes d'une réussite semblent en place : des pôles, des structures, le SRDE, etc... Changer la face d'une vieille région industrielle comme la nôtre n'est pas facile et il faudra sans doute du temps pour y arriver, mais nous sommes prêts à relever le défi.

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