3 questions à Xavier Roy DG de France Clusters

«Les besoins qui émergent sont de plus en plus transfilières » «Les besoins qui émergent sont de plus en plus transfilières »

France clusters rassemble 300 clusters, pôles de compétitivité et accélérateurs. Son directeur évoque sans langue de bois les enjeux de ces acteurs essentiels.

 

Vous venez d'établir une cartographie nationale sur les pôles dédiés à la « silver economy ». Quels en sont les enseignements ?


On a entrepris cette étude autour du marché du bien vieillir, qui est une résultante de la période qu'on vient de vivre, entre crise économique et crise sanitaire, et qui a montré tout l'intérêt des démarches pour trouver des réponses à ces marchés qui explosent. Entre fin 2020 et début 2021, 40 différents clusters s'y sont intéressés. Les besoins qui émergent sont de plus en plus transfilières. C'est un secteur dans lequel les clusters de la santé, mais aussi du numérique, du tourisme, de l'agroalimentaire, voire de la mobilité interagissent en sortant du sillon thématique au profit de « l'intercluster ».

Où en sont les clusters dans les Hauts-de-France, après la dernière phase de fusions des pôles de compétitivité ? Peut-on dire que « big is beautiful » ?

On en identifie 26, sans compter deux ou trois pôles émergents, comme Game IN pour le jeu vidéo, ou Fashion Green Hub pour la mode durable. « Big is beautiful », oui et non. Ca marche quand la fusion correspond à une vraie initiative des clusters, mais pas quand c'est imposé institutionnellement. Il y a des fusions qui finissent par des divorces sanglants. Le but du jeu n'est pas de perdre les ADN, mais d'associer les ambitions. Dans votre région, on peut citer le pôle Euramaterials, où on sent une vraie cohérence. C'est un bon exemple d'une fusion très attendue institutionnellement par nos partenaires régionaux que ça arrange d'avoir une seule tête pour discuter. A la base, les pôles sont des démarches public/privé. Si le public veut faire sa loi, ça ne marche plus. Heureusement dans ce cas, ça fonctionne bien parce qu’elle a été anticipée et proposée par les clusters/pôles eux-mêmes !

Les pôles se plaignent de longue date de la faiblesse de leurs moyens...


On partage cette inquiétude voire cette colère de ce manque de reconnaissance. Les clusters et les pôles sont un peu comme les soignants face au Covid, l’Etat s’est beaucoup appuyé sur eux l’année dernière pendant la crise économique comme une courroie de transmission entre Institutions et entreprises, mais ne veut plus les financer. Mais il y a une aubaine après la période que nous venons de traverser, qui a été vecteur d'opportunité pour les pôles pour s'affirmer davantage et on espère une logique de retournement. Le ministère de l'industrie réfléchit avec Régions de France à une phase 5 pour les 56 pôles de compétitivité français. C’est un bon signe.

 

De quoi ont besoin les clusters aujourd'hui ?

Ils ont besoin d'un vrai soutien à trois niveaux pour un changement d'échelle. D'abord la reconnaissance, notamment institutionnelle, en tant qu'outils fermes des territoires pour accompagner ces filières, ces nouveaux marchés et pour être un levier de coopération interentreprises ; ensuite, il leur faut des moyens financiers, pas forcément de fonctionnement, mais aussi sur l'expérimentation, l'exploration de nouveaux thèmes. Nous suggérons que les cotisations des entreprises aux clusters puissent être défiscalisées, dans une démarche d'incitation ; enfin, il faut accompagner les clusters et les pôles pour la création d'outils structurants comme des lieux d'innovation, des lieux totems, des parcs d'innovation, des événements qui peuvent apporter la notoriété internationale et participer à l’évolution de leur modèle économique.

On est dans une logique de transfert de compétence vers l'échelon régional. Comment voyez-vous cette évolution dans les Hauts-de-France ?


Les régions sont devenues l'acteur leader du développement économique territorial, et donc le partenaire numéro un de nos pôles. Dans certaines régions comme Auvergne-Rhône Alpes ou Nouvelle Aquitaine, c'est déjà le cas : les clusters y sont un outil phare de la politique économique régionale. Parfois, les clusters sont simplement perçus comme des outils parmi d'autres. Dans les Hauts-de-France, la politique des pôles d'excellence n'a pas vraiment bien marché. Il y a une réflexion continue sur ces clusters qui n'aboutit pas clairement. Il y a une bascule aujourd'hui en France où on passe d'une politique de structure à une politique d'enjeux : la relocalisation, la réindustrialisation, l'internationalisation. La question est de savoir qui a envie de jouer avec nous pour aller dans ces directions.