Confinement V3 : Quel impact pour les Hauts- de-France ?

Depuis le 20 mars, un reconfinement allégé - pudiquement baptisé « freinage » par l'exécutif, frappe les Hauts-de-France, et ce pour au moins un mois. Allégé certes, mais qui touche des habitants et des chefs d'entreprise souvent épuisés moralement, avec de très grandes disparités toutefois selon les secteurs. Confinement V3, quelle sera la facture ?

 

Belote, rebelote et... trois de der ? Depuis le 20 mars, un an presque jour pour jour après le premier confinement annoncé face à la pandémie de coronavirus, l'économie des Hauts-de-France encaisse un nouveau confinement. Le troisième et dernier, peut-on espérer, dans une course au vaccin pour enfin prendre le dessus. Les taux d'incidence de la maladie ont parlé (avec une contestation sur la Somme et l'Aisne, lire plus loin) et les cinq départements des Hauts-de-France, accompagnés de quatorze autres (au 25 mars), sont placés à nouveau en liberté surveillée pour quatre semaines a minima, tandis que la circulation du virus ne mollit pas et que les services de réanimation débordent. Ils étaient déjà sous le coup du couvre-feu national à 18h, mais cette fois de très nombreux commerces ont dû à nouveau fermer leurs portes.

« Les commerçants s'étaient adaptés pour travailler dans les contraintes sanitaires et sont à nouveau sanctionnés, c'est insupportable ! » Louis-Philippe Blervacque, président de la CCI Grand Lille, ne cachait pas sa consternation après l'annonce gouvernementale. « Des gens ont refait leur stock et vont devoir fermer pendant un mois, je ne sais pas comment ils vont faire », tempête-t-il. Comme en écho, Hélène Natier, présidente de la fédération indépendante des commerces de la métropole (Ficomel) dépeint l'abattement des commerces de proximité. « C'est la grosse déprime. on devient fataliste, tout ça n'a pas de sens. Entre un libraire, un coiffeur et une petite boutique, où ça s'arrête ?», interroge-t-elle, soulignant par ailleurs une grande défiance sur le calendrier annoncé. «L'an dernier ça devait durer un mois, ça a duré le double...».

11 à 12% du PIB concerné

« Ce confinement ne tire pas les conséquences des précédents ! », déplore de son côté Yann Orpin, président du Medef Lille Métropole. « Refermer les commerces, alors que l’on sait que ce ne sont pas des lieux de contaminations, retomber dans l’absurdité de ce qui est essentiel ou non, c’est ne tirer aucun enseignement d’un an de restrictions », peste l'élu patronal pour qui, de confinement en confinement, le moral se dégrade, la fatigue s’installe et cette détresse commence à laisser des traces. « Les entrepreneurs vont bientôt être en réanimation psychologique. Est-ce que ça compte dans ces décisions ? »

Le président régional du syndicat patronal, Patrice Pennel, se veut nettement moins sombre, même s'il redoute la perte attendue de 0,2 point supplémentaire de PIB chaque mois. « On a échappé au pire. On n'est pas au même niveau de confinement que mars 2020. Certes, d'un point de vue psychologique, il y en a ras-le-bol, on constate une grande lassitude des Français, mais on ne peut pas le reprocher au gouvernement. » De fait, la plupart des secteurs d'activité se sont adaptés aux circonstances, depuis le choc de la première crise. L'industrie comme le BTP tournent aujourd'hui correctement, confirment d'ailleurs les enquêtes mensuelles de conjoncture de la Banque de France. Mais une partie des services est fortement impactée. 

« Ce qui est touché, c'est l'événementiel, le tourisme, la restauration et l'hôtellerie, c'est 11 à 12% du PIB », pointe Eric Feldmann, président du tribunal de commerce Lille Métropole, particulièrement inquiet des effets du nouveau confinement sur le commerce de détail. Patrice Pennel plaide au demeurant pour un réexamen des critères de fermeture, en élargissant le spectre des commerces essentiels. 

« On est très anxieux par rapport aux conséquences économiques directes, mais aussi par rapport au moral des chefs d'entreprises. Les mesures de soutien de l'etat doivent aller plus loin », réclame de son côté Christophe Coulon, vice-président du conseil régional en charge de l'apprentissage et de l'artisanat, qui s'alarme de l'absence de perspective.

3 millions de vaccinés à l'été ?

Tous les observateurs ne voient la solution à nos maux que dans la vaccination massive. C'est d'ailleurs dans ce sens que le président Macron a fait un déplacement à Valenciennes le 23 mars, pour promouvoir une massification des vaccins, « matin, midi et soir ». Le très régalien Préfet de région Michel Lalande a annoncé de son côté un objectif d'un million d'habitants vaccinés à la mi-avril, et 3 millions à l'été. On ne demande qu'à le croire, en espérant que la disponibilité des doses suivra enfin.

Cela suffira-t-il à gommer les effets de la crise sanitaire ? « Globalement, ce nouveau confinement ne va pas changer grand'chose, nous sommes en sous-activité drastique en terme de procédures collectives depuis un an, on navigue entre -50% et – 60%. La morphine continue à faire effet », analyse froidement Eric Feldmann, pour qui cette période surréaliste aura une fin. « La nature reprendra ses droits . On a un faux nez qui tendrait à faire croire que tout va très bien Madame la Marquise. C'est toujours la drôle de guerre... »

Quand devra-t-on payer la facture ? L'an dernier, les experts évoquaient l'heure de vérité pour la fin 2020. Cette échéance est sans cesse repoussée, au rythme des aides publiques. On parle aujourd'hui de 2022, du fait des échéances électorales qui devraient pousser l'exécutif à prolonger les aides. « A un moment, il faudra que le pays paie la note. on va absorber ça sur dix ou quinze ans », anticipe le magistrat consulaire. Il reste un vrai espoir. Celui d'un effet de rattrapage considérable le jour où le virus sera vaincu. Sur le modèle de ce que nous avons vécu au troisième trimestre 2020 : le réveil économique avait été bien plus puissant qu'escompté. Tiré par la croissance mondiale, les plans de relance sur toute la planète et la confiance retrouvée, le moteur économique pourrait alors générer un niveau d'activité capable, sinon d'effacer la facture, du moins de poser le socle d'un nouveau cycle d'expansion.

 

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AIDE AU LOYER RÉACTIVÉE

Compte tenu des nouvelles fermetures administratives décidées par le gouvernement, la Région a décidé de réactiver sa mesure de soutien au paiement des loyers. La collectivité peut prendre en charge 50% du loyer dans la limite de 500 €. Un plafond fixé sur la base du loyer médian en région qui s'établit autour de 1000 €. Les chefs d'entreprise doivent envoyer une attestation de loyer et une lettre sur l'honneur de renoncement du propriétaire aux aides de l'Etat (défiscalisation), à l'adresse : aideauloyer@hautsdefrance.fr

A noter que la Région a versé 3000 aides lors du précédent confinement, sur 5000 sollicitations.