Conjoncture : jusqu'à l'invasion de l'Ukraine, tout allait bien

Tous les secteurs industriels annonçaient à la Banque de France une forte reprise de leurs investissements en 2022. La crise ukrainienne change bien sûr la donne. Tous les secteurs industriels annonçaient à la Banque de France une forte reprise de leurs investissements en 2022. La crise ukrainienne change bien sûr la donne.

Rarement l'exercice de prospective n'aura été aussi périlleux. L'enquête annuelle de conjoncture menée par la Banque de France et la CCI de Région se trouve court-circuitée par l'invasion de l'Ukraine par Vladimir Poutine. Seule certitude : les difficultés déjà grandes dans le monde agricole vont s'aggraver.

 

L'Ukraine est le 43e pays d'export de notre région, et le 51e à l'importation. La Russie occupe quant à elle le 13e rang à l'export, le 11e à l'import (source Douanes 2021): on pourrait donc penser que l'impact de l'invasion décidée par Poutine sur son voisin sera très limité. Si on n'a encore qu'une idée très floue des contrecoups de ce conflit très grave, il ne fait pas de doute qu'ils seront très importants. La Russie représente 40% des importations régionales d'hydrocarbures, 24% de nos produits pétroliers, 28% du charbon. A cette dépendance s'ajoute bien sûr l'effet de l'envolée des prix des matières premières, dont le sous-sol russe regorge. La Russie est le second producteur mondial d'or noir, avec l'Ukraine, elle pèse près de 30% des exportations de blé mondial.

C'est sur cette toile de fond nouvelle et fort inquiétante que CCI de région et banque de France ont présenté le 28 février leur enquête annuelle de conjoncture, assortie d'un focus particulier sur notre agriculture. Nous passerons vite dès lors que la tendance antérieure est rendue largement obsolète par la nouvelle situation, et que 2020 était elle-même une année très atypique. On relèvera néanmoins un bon bilan 2021, avec par exemple une poussée de chiffre d'affaires de 11,2% dans l'industrie (jusqu'à + 13,1% à l'export), mais un recul de l'investissement (-20,9%) du fait d'un gros effet de base, et des effectifs (-1%). Les services marchands ont au contraire créé beaucoup d'emploi (+4,1%). La construction a vu sa production grimper de 10,6% , bien au-delà des prévisions initiales (+7%) tandis que les travaux publics ont juste stabilisé (-0,4%). Les prévisions pour 2022 n'ont plus de sens et la CCI annonce du reste relancer ses enquêtes de conjoncture régulières avec une prochaine salve fin mars.

 L'agriculture très menacée

Le focus sur l'activité agricole est en revanche très édifiant. 2021 aura été pour nos exploitants une année de rattrapage après un cru 2020 décevant. L'amélioration a surtout touché les filières végétales et notamment céréalières. Au global, 7 agriculteurs sur 10 évoquent une situation économique bonne ou plutôt bonne, avec une tonalité plus délicate dans le monde des éleveurs, et pour les territoires de l'Aisne et du Pas-de-Calais. Les éleveurs de porc n'étaient ainsi que 21% à trouver leur situation bonne ou plutôt bonne en 2021, contre 81% des céréaliers ou 76% des producteurs de pommes de terre. Pour 2022, l'agriculture fait face à de nombreux défis. La première problématique pour 90% des agriculteurs est celle de la hausse des charges, devant les exigences réglementaires (69%) puis les prix de vente, les aléas climatiques et les évolutions sociétales.

La hausse des prix va impacter très fortement le secteur : l'indice des prix des engrais fait apparaître une poussée de 84% depuis 2015, celui des énergies progresse de 25%. 9 personnes sur 10 ont constaté une hausse des charges l'an dernier. Pire, 54,4% des agriculteurs pensent ne pas pouvoir répercuter ces hausses sur les prix de vente.

Pour autant, la chambre d'agriculture fait état d'un secteur toujours actif, avec un tiers des exploitations qui envisagent un investissement matériel ou en bâtiment en 2022. Mais l'enquête a été établie avant la crise actuelle (la Russie est un producteur majeur d'engrais, par exemple) et le contexte a bien sûr brutalement changé.