Deux auteurs nordistes dénoncent les dérives des URSSAF

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Un véritable Etat dans l'Etat, très opaque, avec des redressements quasi systématiques, et une impossibilité d'appel, même face à des cas « ahurissants » : les Nordistes Nicolas Delecourt et l'avocat cambrésien François Taquet ciblent les URSSAF dans un ouvrage commun baptisé « URSSAF : un cancer français », aux éditions du Rocher. Décapant.

Le titre ne fait pas dans la dentelle : « Urssaf : un cancer français »*. Les auteurs sont Nicolas Delecourt, ancien journaliste lillois et François Taquet, avocat spécialisé, basé à Cambrai. Mais derrière l'accroche assez rude, leur livre détaille l'ampleur du problème. Les URSSAF sont d'abord un enjeu financier colossal, puisque ces unions de recouvrement, de statut privé et paritaire, prélèvent chaque année 516 milliards d'euros, soit … six fois plus que l'impôt sur le revenu. Un véritable pactole mais pour lequel le contribuable est beaucoup plus démuni que face à l'administration fiscale, estiment les auteurs. Avec en toile de fond un paysage juridique en évolution permanente au point de devenir un maquis inextricable.

Cet arsenal réglementaire, au nom du paiement légitime des cotisations, et de la lutte tout aussi légitime contre les fraudes et notamment le travail dissimulé, devient toutefois un moyen quasi-infaillible de justifier des redressements. Selon les auteurs, 90% des contrôles se solderaient ainsi par un redressement. Le livre regorge d'exemples où immanquablement, les URSSAF trouvent des raisons juridiquement incontestables de redresser, avec majorations de retard. Tel ce contrat de travail d'une durée hebdomadaire de 20 heures car la répartition du travail entre les jours ni entre les semaines du mois n'était pas indiquée. Or la durée minimale de travail en France étant de 24 heures, sauf mention spéciale sur le contrat de travail, et le contrat sera reclassé à temps plein. Un commercial au statut de travailleur indépendant pourra être reconverti en salariat si un contrat prévoit une obligation de résultat.

« Obsession de résultat quantitatif »

Certains cas sont plus médiatiques, tel cette communauté Emmaüs de Cambrai, qui donnait un pécule de 20 € par jour à ses compagnons au titre de gratification pour services rendus. L'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais l'a reconverti en salaire, avec au bout du compte un redressement de 87 K€. Une procédure qui, étendue à tous les Emmaüs de France, aurait abouti à un redressement de 25 M€. Le tribunal d'Arras, saisi du dossier a débouté l'Urssaf en 2018. Fin 2019, il aura fallu une intervention personnelle de Gérald Darmanin (alors ministre des comptes publics) pour stopper une procédure réclamant 1 M€ à quatre autres associations nordistes (Abej, Armée du salut, Afeji et foyer Béthel). Motif : un de leurs sous-traitants était en liquidation, et l'URSSAF entendait faire jouer la solidarité financière, faute d'avoir réclamé une « attestation de vigilance » dans les temps. « Dans leur obsession de résultat quantitatif, les agents des URSSAF adorent les proies faciles, petites entreprises, commerces de proximité, artisans... petites structures qui ne sont pas armées pour discuter, contester, argumenter », écrivent les auteurs.

Avec force illustrations, les auteurs soulignent par ailleurs des méthodes d'investigation « douteuses », parfois « à la limite du vol », avec parfois des redressements annulés mais non remboursés. Ils pointent aussi les très grandes difficultés des recours, avec une commission de recours amiable (CRA) « très évanescente », « inutile » et « ridiculisée »... Et le marathon judiciaire si l'entreprise redressée veut se défendre devant la justice.

 

*Nicolas Delecourt et François Taquet - « Urssaf : un cancer français », Editions du Rocher, 243 p,